Collectivités

Transports : pourquoi le Grand Reims veut résilier ?

Transport. La présidente du Grand Reims annonce sa volonté de résilier le contrat de concession qui lie la collectivité à Mars, société chargée d’assurer le service de transport sur son territoire. Une décision qui sera soumise au vote du Conseil communautaire en novembre 2021.

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Catherine Vautrin : “Nous avons besoin d’une remise à plat complète”.

Dès son élection à la présidence de l’agglomération rémoise en 2014, le transport avait été le premier dossier important que Catherine Vautrin dû traiter. À l’époque, la clause de revoyure prévue dans le contrat qui lie la collectivité a la société concessionnaire Mars venait d’être activée. « C’est le premier courrier recommandé que j’ai reçu en tant que présidente du Grand Reims en avril 2014 », se souvient- elle encore aujourd’hui. En 2014, la clause de revoyure avait porté sur des négociations au sujet du nombre de kilomètres parcourus.

Sept ans plus tard, la mise en oeuvre de cette clause prend une toute autre tournure puisque la présidente souhaite l’actionner pour proposer une résiliation pure et simple du contrat. En 7 ans, justifie Catherine Vautrin, la situation a évolué sur son territoire. En premier lieu parce que, de 16 communes, la Communauté d’agglomération Reims Métropole est devenue le Grand Reims, une Communauté Urbaine de 143 communes. Un changement de taille, qui engendre forcément de nouveaux besoins pour la collectivité.

Un contrat dépassé

« Nous voulons résilier aujourd’hui tout simplement parce que nos missions ont vu leur périmètre évoluer. D’abord parce qu’on est passé à 143 communes, mais aussi parce que la compétence mobilité a évolué. Nous avons récupéré le transport scolaire, par exemple. Aujourd’hui, on se retrouve avec des missions qui sont gérées en direct par les services du Grand Reims, des conventions avec la Région, avec le Département et avec des opérateurs privés. Nous n’avons pas une organisation globale de notre service public de mobilité. On doit en parallèle mettre en place le réseau de transport avec les grands projets urbains, les lignes de bus à haut niveau de service, la ZFE, le Plan vélo… », souligne la présidente, qui a engagé les premières négociations en 2020 avec Mars, pour faire évoluer le contrat avec cette nouvelle donne.

« Tout cela fait considérablement bouger l’économie du contrat, tellement d’ailleurs qu’il pourrait nous être juridiquement reproché de le changer totalement ». Au passage, Catherine Vautrin n’hésite pas à remettre en cause le contrat en lui-même qu’elle estime « dépassé ». Une concession globale privée, signée en 2006 pour une durée de 34 ans et 9 mois pour un montant de 413 millions d’euros (176 millions à la charge de Reims Métropole, 214 millions d’euros pour Mars et 20 millions d’euros de capital social avec un montage qui comprend trois acteurs : la collectivité, la société concessionnaire Mars et Transdev, la société exploitante (sous la marque Citura).

En effet, selon le contrat, Mars est concessionnaire du service de transport, chargée de la construction du tramway, de son exploitation et de sa maintenance. C’est elle qui a confié à Transdev l’exploitation du transport. La présence d’un troisième acteur n’est d’ailleurs pas sans chagriner les représentants de la collectivité : « Quand la Communauté Urbaine veut décider de la création, de la suppression ou de la modification d’une ligne, elle doit s’adresser à Mars et non pas à Transdev directement ».

Une question financière

Si elle avait été prise de court à son arrivée à la tête de la collectivité en 2014, sept ans plus tard, la présidente a eu le temps d’éplucher le contrat et d’y déceler des faiblesses à revoir. La question financière figure donc au coeur des négociations. Car la société Mars est aujourd’hui financée par les recettes voyageurs (entre 15 et 18 M€ par an) et par une subvention forfaitaire d’exploitation (d’environ 50M€ par an et versée par la collectivité). De son côté, le Grand Reims perçoit le versement transport (une quarantaine de millions par an) qui reste insuffisant pour permettre de couvrir le coût global. « Nous prenons 18 M€ par an au budget général du Grand Reims pour couvrir le budget », souligne la présidente. « Et nous avons encore 20 ans à tenir puisque le contrat court jusqu’en 2041 ».

« Nous avons un réseau figé. Il faut qu’on aille plus loin, au niveau du maillage mais aussi en matière de transition énergétique. »

Sans oublier que les 12 actionnaires de Mars touchent 2 M€ par an, soit l’équivalent de l’achat de 8 bus articulés chaque année, ce qui ajoute au déséquilibre du budget. Sans oublier que la Communauté Urbaine doit aussi chaque année, en juin, valider les tarifs proposés par Mars. En cas de refus, elle doit en assumer les conséquences en matière sonnante et trébuchante. « En 2019, quand nous avons refusé d’augmenter les tarifs du transport, nous avons dû les compenser », précise la présidente. En d’autres termes, si elle refuse de faire peser sur le client des transports urbains la moindre augmentation de tarifs, la collectivité doit la compenser elle-même. De quoi motiver davantage encore la décision présidentielle, qui souhaite reprendre la main sur le financement du transport et sur son efficacité au regard du large territoire communautaire.

« Quand nous prenons tous ces éléments, la résiliation permet de pouvoir retravailler et d’avancer sur le sujet. Nous avons un réseau figé. Il faut qu’on aille plus loin, au niveau du maillage mais aussi en matière de transition énergétique. On ne peut pas demander à nos concitoyens de prendre le bus si le réseau n’est pas attractif. Nous avons besoin d’une remise à plat complète, qui nous permette de pouvoir offrir un vrai service sur l’ensemble du territoire, avec des réponses diverses en fonction du territoire ».

Des étapes à suivre

Pour l’avenir, trois solutions s’offriront alors à la collectivité : Reprise en régie directe, création d’un EPIC (Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial), ou appel à un cahier des charges dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt. Pour rappel, dans ce dernier cas, seules trois sociétés en France seraient aujourd’hui en mesure d’y répondre : Kéolis, RATP et... Transdev. « Aucune décision n’est prise, nos experts travaillent sur le sujet et nous allons étudier les options et nous en discuterons », rappelle Catherine Vautrin, qui ne manque pas de souligner que la première étape à franchir est le vote de la résiliation par son Conseil communautaire.

Si elle est acceptée lors du conseil du 28 novembre prochain, cette proposition de résiliation devra être suivie d’une période de six mois pour étudier le scénario de l’après, jusqu’au printemps 2022. « Dans ce cas, la résiliation sera effective au 31 décembre 2023 ». D’ici là, le transport continuera à fonctionner normalement et son organisation ne sera pas un sujet ni pour les salariés de Transdev, qui restent protégés par leur contrat de travail, ni pour les usagers dont le service sera toujours assuré, garantit-on du côté du Grand Reims.