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Sciences Po, une rentrée placée sous le signe de « la culture et l’éthique du débat »

Éducation. L’Institut d’Études Politiques, Sciences Po, fait sa rentrée. Après le blocage du campus rémois (et d’autres sites dont celui de Paris) et le report de certains examens du mois de mai, en raison d’un soutien pro-palestinien dans le cadre du conflit avec Israël, l’administrateur provisoire, Jean Bassères, est venu rappeler l’importance de « l’éthique du débat ».

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Photo de Crystal Cordell, Jeanne Lazarus, Jean Bassères et Anne-Solenne De Roux
Crystal Cordell, Directrice du campus rémois, Jeanne Lazarus, Doyenne du collège universitaire, Jean Bassères, Administrateur provisoire, Anne-Solenne De Roux, Directrice adjointe formation et recherche. (Crédit : ND)

Administrateur provisoire de Sciences Po (à la suite de la démission de son ancien directeur, Mathias Vicherat mis en cause dans une affaire privée, ndlr.), Jean Bassères n’est pas candidat au poste de nouveau directeur. C’est pourquoi, c’est sans langue de bois et de manière plutôt décomplexée qu’il s’est exprimé sur les remous qui ont secoué l’institution, développant aussi sa vision de l’école d’aujourd’hui et de demain.

Dans les grandes lignes, l’enjeu est de savoir « comment on renoue des liens avec la communauté étudiante et comment on retrouve la culture du débat, de l’écoute et de la compréhension », fait-il savoir, soulignant qu’un dialogue avec les étudiants est ainsi à retrouver : « Reims a été l’un des campus les plus touchés par ce mouvement de blocage », reconnait l’administrateur provisoire. « Cela s’est traduit par le report de quelques examens, au nombre de quatre sur 130 au total, et deux sont déjà reprogrammés dans le courant du semestre », veut-il rassurer. « La priorité absolue était le maintien des examens et c’était une ligne rouge à ne pas franchir, ce qui a créé un point de crispation avec les étudiants. »

Pour rappel, afin de lever des blocages, l’appel aux forces de l’ordre avait été nécessaire. Même si certains étudiants estimaient que l’administration restait « sourde » aux doléances, comme celle de ne plus avoir de partenariat avec les universités israéliennes, la direction a voulu rester droite dans ses bottes et organiser, à la fin de l’année, un évènement où chacun venait s’exprimer.

« Tous les syndicats étudiants étaient réunis sur la scène et chacun a pu développer son point de vue, dans la culture du débat chère à l’institution, mais dans le respect du pluralisme. C’est ce sur quoi il faut continuer à travailler », insiste Jean Bassères, auparavant Directeur général de Pôle Emploi, remettant aussi, les événements qui se sont déroulés au sein de l’école dans un contexte plus global de « radicalisation des expressions et de polarisation des uns et des autres ».

« Quelle capacité collective nous avons à nous parler et nous respecter ? » Ce dernier veut aussi insister sur le rôle de l’institut au sein même de la société. « Notre rôle, en tant qu’université, est d’informer et d’apporter un regard d’analyse des évènements, aussi bien pour les étudiants que pour un public plus large, c’est pourquoi nous allons organiser des cycles de conférences donnés par des experts et des enseignants de Sciences Po tout au long de l’année », développe également Jean Bassères.

+ 9% d’inscription

L’institut d’Études Politiques souhaite ainsi « tirer des leçons des évènements qui se sont déroulés au printemps », l’image de l’école ayant été – un temps – écornée. Car les chiffres d’inscriptions pour la rentrée 2024-2025 viennent démentir un désamour ou un désintérêt des futurs étudiants pour Sciences Po, les demandes d’inscription ayant augmenté de 9%. Et en réponse à ceux qui parleraient d’une dévalorisation de l’école, c’est sous la casquette d’Alumni, que Jean Bassères répond : « Je redécouvre Sciences Po 40 ans après, et je peux vous dire que je préfère le Sciences Po d’aujourd’hui à celui que j’ai connu. On était très peu tourné vers l’internationalisation et j’aurais rêvé d’avoir une troisième année à l’étranger, mais ça n’existait pas. J’aurais rêvé d’avoir des camarades autour de moi avec une diversité sociale plus forte. Cela a été fait ces dernières années. Les CEP (conventions d’éducation prioritaire), le doublement des bourses, il y a une vraie politique d’ouverture sociale à Sciences Po qui n’existait pas auparavant. Les campus locaux n’existaient pas non plus. Sciences Po a évolué énormément au cours de ces dernières années, et, de mon point de vue, dans le bon sens. »

Les spécificités de la rentrée rémoise

« Notre campus a la spécificité d’avoir la spécialisation de deux aires géographiques différentes, l’Amérique du Nord et l’Afrique Subsaharienne. L’un des objectifs principaux chaque année est de renforcer et d’approfondir ces expertises », détaille Crystal Cordell, la Directrice du campus rémois.

« Nous avons la chance d’être localisé dans un territoire très dynamique et, avec Reims Légend’R, nous avons lancé ce que l’on appelle « les entretiens de Reims » pour attirer des experts dans différents domaines. Cette année, nous avons la chance d’avoir en invitée la co-fondatrice de ‘‘Je m’engage pour l’Afrique’’, qui est un incubateur de politiques publiques sur le continent africain, Amina Zakhnouf qui va venir apporter son expertise. »

Pour le campus, l’année 2024 rime aussi avec élections américaines. « Nous allons continuer à organiser des événements autour des élections pour les décrypter avec des personnalités internationales qui vont venir ici sur le campus. » Au niveau local, le campus rémois développe aussi des partenariats culturels. « Nous avons la grande chance d’accueillir par exemple un concert dans le cadre du festival Sunnyside », poursuit Crystal Cordell. « On a aussi un partenariat avec la Comédie hors les murs. Pour la première nous allons avoir une pièce de théâtre dans un cadre un peu inédit, le Manège aussi, nous continuer de travailler avec eux dans la série de conférences « Penser les autres ». Et avec les étudiants, poursuivre le dialogue, dans des assemblées et des temps dédiés. »