Redonner aux communes les moyens d’agir
Politique. L’AMF10 réunie en assemblée générale réfléchit sur la décentralisation et son évolution.

L’assemblée générale de l’Association des maires de France 10 a permis aux 429 maires adhérents sur les 431 communes auboises de réfléchir à leur positionnement sous la présidence de François Baroin. Si l’envie de servir reste prégnante, l’enquête nationale menée auprès de 5 000 maires par le Cevipof, le ministère de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation et les délégations aux collectivités de l’Assemblée nationale et du Sénat, montre un taux de réengagement en repli avec 42 % de maires qui souhaitent se représenter en 2026 contre 48 % en 2019. Le manque de ressources financières, l’exigence des citoyens, le sens du devoir inaccompli et le sentiment d’insécurité personnel restent les principales causes d’hésitation ou de renoncement. Notamment en ruralité où seulement 37 % des maires envisagent de se représenter dans les communes de moins de 500 habitants, ce qui correspond à 329 communes dans l’Aube. Le « à quoi bon » défaitiste gagne du terrain et la décentralisation et la superposition des normes ne contribuent pas à inverser la tendance. Benjamin Morel, constitutionnaliste invité à l’AMF10, suggère de redonner du sens à la décentralisation et des moyens d’action aux élus locaux pour replacer la commune à la base de la République.
Entre 2020 à 2026, 1 078 maires auront démissionné. « Oui, il est difficile de changer les choses. Il faudrait faire évoluer la loi et donner plus de liberté aux élus », affirme Benjamin Morel, maître de conférence en droit public à Paris-Panthéon-Assas. Comme pour remonter le moral des troupes à un an des échéances municipales et à deux ans des présidentielles, le constitutionnaliste porte son regard sur le sens de la décentralisation en période de crise.
« Le fondement de la décentralisation comme instrument de la démocratie locale implique que le citoyen sache pourquoi il vote et que les collectivités aient également du sens. Cela passe la lisibilité des structures et des compétences. 70 % des Français ont confiance en leur maire (sondage IFOP) contre 61 % en 2017. L’adhésion à l’échelon communal n’a jamais été aussi fort ».
Insistant sur la capacité d’agir sur le terrain et de régler les problèmes, « c’est dans les communes que se trouve aujourd’hui une partie des solutions aux problèmes que nous nous posons nationalement, encore faut-il que ces communes aient le moyen d’agir ». Alors Benjamin Morel revendique trois piliers, l’autonomie financière via une contribution universelle en faveur des collectivités, les leviers normatifs pour que chaque commune ait une marge d’adaptabilité à ses besoins et la lisibilité pour que les citoyens sachent pourquoi ils votent.
Concernant la norme, il revendique le fait de pouvoir les adapter aux besoins de la commune. « Les lois sont trop bavardes et les réponses plus encore. Dans ce cadre, la capacité d’action des collectivités est en partie bridée ».
Couple Maire-Préfet

Faire confiance au local implique un changement de paradigme. « Même si c’est compliqué, vous servez fondamentalement à quelque chose. La possibilité d’agir au plus près sur le réel, c’est cela qui fera que demain, nous n’aurons pas un Trump à la française, que nous n’aurons pas 90 % d’abstention et que nous n’aurons pas un communautarisme généralisé parce qu’il y aura encore des élus qui auront un lien avec les Français ».
« Pour moi, la décentralisation est très simple, c’est le couple maire-préfet. Nous sommes tous à la fois des victimes et des auteurs de la technocratie. Je m’engage à un très grand pragmatisme pour trouver ensemble des solutions aux attentes fortes des Aubois ». Le préfet Pascal Courtade est également revenu sur les violences. Il relate la répression renforcée pour la lutte contre les stupéfiants, les cambriolages, les atteintes aux personnes, notamment inquiet sur le phénomène de prostitution des mineurs.
Il fait des « violences sur des élus aubois, une priorité très forte. Nous avons des dispositifs fonctionnels et sommes très réactifs sur ce sujet ». L’AMF10 porte d’ailleurs systématiquement plainte à chaque atteinte sur un élu.
Pour François Baroin, « 80 % de mon travail est de défendre mon territoire. Pour sauver l’État auquel nous croyons, il faut une nouvelle organisation des pouvoirs publics. Ce que l’on attend de l’État, c’est garantir notre protection et notre sécurité. Ce que nous n’attendons pas de l’État, c’est qu’il donne le sentiment qu’il ne survit que par la production de normes et règlements qu’il n’a pas la possibilité de mettre en application ». Le maire de Troyes a salué Benjamin Morel pour son rôle « d’éclaireur qui aidera les élus que nous sommes à être efficaces et protéger la République ». Pour conforter les maires dans leur rôle. Pour éveiller de nouvelles vocations.