Prison Hennequin à Troyes : nouveau départ pour la maison d’arrêt
Prison. Ancien Couvent des Cordeliers du XIIIᵉ siècle, la maison d’arrêt de Troyes prépare sa reconversion en logements. Les Troyens seront consultés avant d’en sceller le destin.
L’État vide la prison Hennequin en sursis jusqu’à fin avril pour en donner les clés à la Ville de Troyes. La maison d’arrêt du centre historique fera l’objet d’un appel à projets avec la création de logements et d’une consultation des habitants.
« Nous avons besoin de logements de qualité en centre-ville », explique le maire de Troyes, François Baroin. « Le site devrait intéresser de gros investisseurs. Tout en gardant sa place dans l’histoire, je pense l’ouvrir aux Troyens, aux touristes. Cet endroit était tellement fermé, tellement mythique avec ses grands murs d’enceinte, tellement incroyable. Avoir une maison d’arrêt en cœur de ville, c’est assez unique. Une page de l’histoire va se tourner, elle doit se tourner vers l’extérieur et non pas vers l’intérieur. »
Depuis plusieurs mois, le service des Domaines, l’administration pénitentiaire, la Ville de Troyes et Troyes Champagne Métropole travaillent sur la transmission de propriété, une transaction actée à moins de 400 000€. « L’État n’a pas vocation à garder ce site emblématique pour la Ville. La règle en la matière est que la Collectivité a la priorité et Troyes a préempté la prison », explique Cécile Dindar, préfète de l’Aube.
« Je me suis d’abord battu pour construire une nouvelle prison dans l’agglomération », ajoute François Baroin. « Ça a été Lavau. La prison Hennequin se situe au cœur d’un secteur sauvegardé conforté dans son périmètre et dans son règlement, elle est au cœur d’un dispositif urbanistique plus large encore, au cœur de l’histoire de la ville. Il n’y a pas d’autre possibilité pour la Ville, dans la mesure où le Droit le permet, que d’en devenir propriétaire. » L’architecte des Bâtiments de France dispose donc d’un nouveau terrain de jeu.
« L’intérêt du patrimoine se décèle souvent dans le détail. »
Il doit procéder au relevé architectural du bâtiment qui puise son origine au 13ᵉ siècle et rédiger le cahier des charges. La collectivité pourra alors lancer un appel à projets et consulter les Troyens. Le planning prévoit de boucler les plans avant la fin du mandat municipal en mars 2026 pour laisser place aux travaux. Tout est possible sur ce site historique de 7 234 m² en plein cœur de ville. Aux porteurs de projets d’imaginer maintenant ce nouveau lieu de vie et d’évasion.
De l’autre côté du mur...
Derniers tours de verrou à la maison d’arrêt de Troyes. La prison Hennequin souffle ses 190 bougies en même temps que son dernier soupir. Ouverte en 1834 sur l’ancien couvent des Cordeliers lui-même édifié en 1259, la prison cache un agencement hétéroclite derrière ses grands murs gris renforcés de barbelés auxquels s’accrochent bouteilles d’eau, vêtements et chaussures… Mêlant des surfaces en béton et des éléments à l’intérêt historique comme la très belle charpente datée vraisemblablement du 13e siècle, la prison va être scrutée par l’architecte des bâtiments de France (ABF) dans ses moindres détails pour en déterminer les priorités de conservation, les éléments remarquables.
Jean-Philippe Cauquelin, ABF, est désormais le gardien de l’avenir de ce labyrinthe de 2 200 m² habitables qui a ses fondations en plein secteur sauvegardé. « Tous les bâtiments sont protégés, y compris le mur d’enceinte. Et en secteur sauvegardé, l’intérieur est également concerné que ce soit du domaine public ou privé. Ces bâtiments n’ont pas pu être recensés à l’époque de la protection, il y a par exemple des murs banchés, donc là nous allons réactualiser le plan réglementaire et ils pourront être démolis (…/…). Il y a aussi les murs d’enceinte liés à la construction du XVIIIe qui donnent sur la rue des Cordeliers. Il y a une authenticité et une homogénéité d’éléments que nous allons préserver, ce qui ne veut pas dire qu’il est interdit de les modifier en respectant l’architecture et en insérant des éléments modernes. »
Six personnes pour fermer la prison
A chaque visite, l’architecte fait ainsi de nouvelles découvertes. « Je regarde les éléments d’architecture. Je découvre un mur en craie, avec des fenêtres cintrées. J’ai vu une ferronnerie torsadée qui n’est pas liée à la prison mais qui est plus ancienne. L’intérêt du patrimoine se décèle souvent dans le détail. Je découvre des poutres en bois de forte section, je n’imaginais pas pouvoir trouver cela dans une prison qui a été fortement remaniée avec du béton partout. Et puis il y a cette charpente qu’on a envie de magnifier. »
Le démantèlement de la maison d’arrêt a commencé le 13 décembre 2023 après le transfert des détenus vers le centre de Lavau. Michel Broutrouille, le chef d’établissement en poste depuis deux ans à Troyes, vit sa première fermeture de prison. Le site dispose de 42 cellules qui pouvaient abriter jusqu’à 140 détenus. Une cellule, c’était une pièce avec deux lits superposés de trois personnes, un recoin pour les toilettes et une douche. Pas de réfectoire, les détenus mangeaient dans leur cellule. Puis il y a les cours de promenade cernées par les hauts murs infranchissables. Le couloir qui faisait office de parloir et ses fresques murales, le mitard, les graffitis témoins du temps qui passe...
70 personnes travaillaient rue Hennequin, dont 40 surveillants. Aujourd’hui, le responsable recense les équipements, nettoie les lieux avec trois surveillants, un technicien et un économe. Ils réalisent un inventaire précis et redistribuent les biens dans les centres pénitentiaires, à la police, à l’éducation nationale ou à des associations. « Nous devons rendre un établissement propre au futur propriétaire. Nous devons tout vider avant. » L’enjeu est de taille. Faire place nette sans faire table rase d’un passé édifié sur 800 ans d’histoire.