Collectivités

Les Vitrines de France réinventent les centres-villes

Aménagement. Les 11e Rencontres régionales des Vitrines de France se sont déroulées à Châlons-en-Champagne, ville proactive dans la reconquête de son centre-ville par les commerces de proximité.

Lecture 10 min
Jean-Pierre Lehmann au micro faisait témoigner de gauche à droite Jessica Lengelée (Pixie), Jennifer Marchal (Âmes-Soeurs), Hervé Sanchez (Chambre d’Agriculture), Jérôme Feck de l’hôtel d’Angleterre. Ludovic Vachet, président de l’UCIA était aussi présent. Nastasia Desanti

La redynamisation des centres-villes est une problématique majeure des villes de petites et moyennes tailles, ces dernières ayant vu de nouvelles pratiques de consommation (internet, centre commerciaux) concurrencer leurs commerces de proximité. Les Vitrines de France, la Fédération nationale des centres-villes, s’est ainsi réunie lors de ses 11e Rencontres à Châlons-en-Champagne, afin de présenter les initiatives mises en place pour redonner toute leur attractivité aux centres- bourgs, présentant des exemples de nouvelles installations mais aussi des entreprises misant sur le développement des coeurs de ville.

Plusieurs nouvelles installations pendant la pandémie

La Ferme du Centre, créée en octobre 2017 sous l’impulsion de la Chambre d’Agriculture de la Marne et regroupant une dizaine d’agriculteurs et producteurs, propose ainsi la vente de produits locaux. « Ce magasin implanté en plein centre-ville regroupe, sur 210 m2 de surface de vente, des produits issus de producteurs locaux qui avaient envie de se fédérer et de se diversifier », explique Hervé Sanchez, président de la Chambre d’Agriculture de la Marne. « Cela nous a permis d’installer et d’implanter des jeunes comme un boucher, notamment. »

Ludovic Vachet, président de l’UCIA, lui-même boucher dans l’établissement familial aux 91 années d’existence, loue « l’importance de la concurrence qui fait grandir ». Autre secteur, autre histoire, celle des soeurs Marchal et de leur épicerie vrac Âmes-soeurs. « La galerie commerciale de l’Hôtel de Ville, nous a permis de nous installer dans un environnement très fréquenté », livre ainsi Jennifer Marchal, co-fondatrice de l’épicerie qui vend des produits d’alimentation mais aussi ménagers et des soins corporels.

« Nous animons des ateliers pour dynamiser notre commerce et nous sommes aussi présentes sur la plateforme Too Good To Go qui permet de redistribuer les invendus de la journée à des sommes modiques. » Ouverte depuis le mois de septembre, la boutique est déjà au-dessus de ses prévisionnels. « Les réseaux sociaux mais surtout le bouche à oreille marchent très bien. Nous étions aussi sur la plateforme Mii-MOSA pour une campagne participative d’un montant de 5 000 euros et avant même l’ouverture, nous avions déjà 92 personnes qui suivaient notre projet. » Prochaines étapes pour Âmes-soeurs : la création d’une newsletter ainsi que d’une carte de fidélité.

Dispositifs d’aides par la ville

« La Ville a mis en place un ensemble de dispositifs d’aides à la création, la structuration et l’ingénierie et à la digitalisation des entreprises », précise Martine Lizola, adjointe au Maire de Châlons-en-Champagne qui annonce une aide structurelle de 250 000 euros par an. « Pour toute nouvelle création d’entreprise, relocalisation ou si l’on fusionne des cellules, 30 % sont pris en charge par la collectivité, plafonnés à 20 000 €. En ce qui concerne l’accompagnement de l’existant, 20% sont pris en charge par la Ville de Châlons, limités à 10 000€. » En 2021, la collectivité a accompagné une dizaine de créations. Et si les aides à l’installation sont une bouffée d’air pour les nouveaux entrepreneurs, la Ville aide aussi, à hauteur de 50 000 euros par an, les initiatives commerciales : « L’objectif est de soutenir les initiatives pour faire du centre-ville un espace attractif et vivant. Il faut qu’elles aient un impact collectif », précise Martine Lizola.

Jessica Lengelée, maroquinière et Jennifer Marchal, co-fondatrice de l’épicerie vrac, Âmes soeurs. Nastasia Desanti

Jessica Lengelée, a pour sa part ouvert une boutique de maroquinerie « Pixie », sans passer par les aides de la Ville. Maroquinière depuis 10 ans, elle a rejoint son conjoint à Châlons-en-Champagne durant la pandémie. « Je vendais exclusivement sur les salons et du jour au lendemain je me suis retrouvée sans le support pour pouvoir vendre mes articles », indique-t-elle. Pour ne pas perde son activité, elle décide alors de s’installer dans une boutique vacante. « Au départ, je ne pensais pas rester plus de quelques mois, le bail le permettait. Mais la solution provisoire est devenue pérenne tellement la boutique a trouvé son public et s’est installée dans le paysage chalonnais. » Aujourd’hui, Jessica Lengelée réalise son chiffre d’affaires non seulement grâce au passage et aux commandes personnalisées en boutique mais aussi grâce à sa présence au sein de l’UCIA (Union des commerçants, industriels et artisans de Châlons).

« Faire partie d’un tel réseau permet aussi de nouer des amitiés et de faire preuve de solidarité les uns avec les autres. » Cela apporte aussi du business puisque la maroquinière réalise des cadeaux d’entreprises ou des portes cartes pour ses confrères commerçants. L’ouverture de sa boutique sur son atelier et donc sur son savoir-faire fait que « la plupart des passages dans le magasin sont déclencheurs d’achat ». La qualité de l’offre commerciale est aussi au coeur des préoccupation de la Fédération des vitrines de France. « L’image de nos centres-villes est très importante, et si l’on doit tenir compte de l’évolution des préoccupations des consommateurs d’aujourd’hui, la qualité de l’offre est indispensable », souligne Jean-Pierre Lehmann, Président de la Fédération Nationale des Centres-Villes.

Retrouver l’attractivité initiale

« Les centres d’hier doivent évoluer. Cela veut dire de nouveaux concepts, vitrines mais aussi façades espaces verts et rues piétonnes… » C’est dans l’optique de cette amélioration de l’image des centres et dans une volonté de les rendre plus attractif et dynamiques que la société Toutcomme a été créée, à Saverne, dans le Bas-Rhin. Sa principale activité ? Décorer les ciels des rues piétonnes à l’aide de papillons, parapluies ou fleurs colorés pour les connus, grâce à des câbles tendus entre les façades. Les villes de Charleville-Mézières ou Châlons-en-Champagne ont notamment fait appel à eux. Très “instagrammables”, ces décorations sont généralement installées en été ou lors d’événements particuliers comme Octobre rose. « Notre objectif est de créer de l’émotion dans les centres-villes et en faire un effet levier de fréquentation des commerces », relève Thierry Keller, le dirigeant de Toutcomme.

L’entreprise alsacienne désormais installée à Colmar propose aussi des peintures au sol ainsi que des installations sur les éléments urbains, pour « un centre-ville surprenant et explosif ». Dans un aspect plus « commercial », un cheminement peut même être aménagé dans les rues pour « orienter le parcours dans les rues là où l’on souhaite générer du trafic ». Car Jean-Pierre Lehmann insiste : « On ne peut plus conserver les centres commerçants de la même taille que dans les années 70 ou 80, alors qu’à cette époque, il n’y avait qu’un seul moyen de consommer. Il faut le réduire et le redessiner sur un plan, quitte à décider d’ôter certaines rues gangrénées par la vacance commerciale. » Emprise, accessibilité, offre commerciale, stratégie commune, services et politiques fiscales incitatives sont ainsi les maîtres mots des Vitrines de France pour des centres qui retrouvent leur vocation et leur attractivité initiale.