Les entrepreneurs en perte de confiance face aux incertitudes
Conjoncture. La CCI de Troyes, la Banque de France et l’Ordre des experts-comptables dressent un bilan économique inquiétant avant le 25e rendez-vous de la conjoncture auboise qui se déroule le 8 octobre.

Les années se suivent et se ressemblent dans leur grisaille. La stabilité et la lisibilité tant attendues par les chefs d’entreprise ne sont toujours pas au rendez-vous pour doper l’économie. Une entreprise sur trois au niveau national n’a pas confiance en l’avenir. « Un chiffre extrêmement faible, je n’ai jamais vu cela. C’est préoccupant. Si ne serait-ce que 15 à 20 % des entrepreneurs jettent l’éponge dans les deux ans qui viennent, dans quel état va être notre pays ? », interroge Sylvain Convers, président de la Chambre de commerce et d’industrie de l’Aube. L’instabilité politique constante, une législation fluctuante, des crises à répétition, des changements de règles dans les échanges internationaux et dans les budgets n’incitent ni à la projection, ni à l’investissement.
Si Virginie Vellut, de l’Ordre national des experts-comptables tente de nuancer en soulignant que quelques entreprises au niveau local tirent tout de même leur épingle du jeu, force est de constater qu’un nouveau phénomène caractérise la fatigue des chefs d’entreprise. « Beaucoup sont tentés de passer la main. Ils ont 45/50 ans ». La CCI, qui accompagne les transmissions et reprises d’entreprises, en dénombre d’ailleurs plusieurs centaines à vendre dans l’Aube. Pour Alan Piat, directeur départemental de la Banque de France dans l’Aube, « paradoxalement, il ne s’est jamais créé autant d’entreprises, il y a un vivier et un dynamisme, mais il s’agit de très petites entreprises ». Les plus grosses structures qui résistent se positionnent plutôt sur des marchés de niche et ont investi alors que le contexte était difficile, ce qui n’est plus envisageable compte tenu du manque de visibilité général sur les carnets de commande.
Survie ou rentabilité ?
Aujourd’hui, les trésoreries sont tendues et les dirigeants manquent de moyens pour investir malgré la baisse des taux et des banques à l’écoute. Le remboursement du Prêt Garanti par l’État arrive à son terme pour beaucoup d’entreprises. Le dispositif, qui les a maintenues en vie, ne suffit plus. Les entreprises en difficulté au moment de la covid, le sont toujours aujourd’hui et doivent maintenant recourir à des emprunts classiques. « Nous avons gagné la bataille de l’inflation, maîtrisée à 1 %, et avons pu baisser les taux de la BCE à huit reprises avec un taux principal à 2 % favorable à l’investissement et aux crédits », souligne Alan Piat qui annonce une croissance de 0,7 %, impulsée plutôt grâce à l’activité du premier semestre, le deuxième semestre étant plus compliqué. « Lorsqu’on interroge les entreprises, nous sommes plutôt sur une situation dégradée, en particulier dans le secteur du bâtiment. Il n’y a pas de récession, mais un ralentissement économique majeur avec des incertitudes qui font que les prévisions des deux années à venir sont aussi ramenées à la baisse. Même si nous allons progresser à 0, 9 % en 2026, c’est plus difficile en Grand Est et particulièrement dans l’Aube ».
Pour la première fois, la présentation de la conjoncture fera une corrélation avec les données sociales, effectifs et salaires. « L’activité est une chose, mais les rentabilités sont totalement écrasées par les réajustements salariaux conséquents, les augmentations de prix matière, d’énergie, du coût de la main d’oeuvre », poursuit Virginie Vellut, insistant sur la difficulté à dégager de la rentabilité pour investir. « Rares sont les entreprises qui ont une rentabilité qui s’améliore », confirme Alan Piat. « Les succès d’aujourd’hui sont les entreprises qui ont su se diversifier, nous pouvons les accompagner ». Mais dans ce contexte, le chef d’entreprise ne prend plus de risques.
Note positive dans ce tableau sombre, l’arrivée possible dans l’Aube de l’EPR2 et d’entreprises comme Newcleo portent une lueur d’espoir avec des milliers d’emplois créés et l’opportunité de nouveaux débouchés. Autant d’éléments qu’Alain Di Crescenzo, président de la CCI France et surtout entrepreneur, invité des Rendez-vous de la Conjoncture, pourra commenter.