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« Le tribunal n’est plus en état de fonctionner normalement »

Justice. Un sous-effectif abyssal au niveau des juges, parquetiers et greffiers nuit fortement au bon fonctionnement de la justice dans les Ardennes, selon le Barreau des Ardennes.

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Photo de Mme Audrey Zaïm et la Procureure de la République, Magali Josse
Au cours de cette rentrée solennelle du Tribunal judiciaire, Mme Audrey Zaïm, (au centre) à côté de la Procureure de la République, Magali Josse, a été installée dans les fonctions de directrice de service du greffe judiciaire. (Crédit : P.R)

Le Tribunal judiciaire de Charleville-Mézières connaît des dysfonctionnements depuis 18 mois, liés à un manque considérable de magistrats au siège ainsi que de personnels de greffe. C’est la situation que le bâtonnier désigné, Me Patrick Manil, a dénoncé en lisant une motion du barreau des Ardennes lors d’une intervention effectuée avant la rentrée solennelle de l’institution judiciaire.

« Malgré la bonne volonté et la diligence de ses personnels, le Tribunal judiciaire n’est plus en état de fonctionner normalement. Cette situation entraîne une dégradation inacceptable des délais de traitement des affaires devant les juridictions ardennaises. Certains contentieux, sensibles pour les justiciables, ne sont plus traités même audiencés, ce qui est préjudiciable pour l’ensemble des citoyens. »

Dans ce contexte, Maître Patrick Manil a déploré que plus de 190 magistrats et 230 greffiers soient affectés aux JO 2024 au détriment du bon fonctionnement des petites juridictions, impactées dans leur fonctionnement quotidien. Les avocats du barreau ardennais exigent donc que l’intégralité des postes soit pourvue au sein de la juridiction carolomacérienne et que le remplacement des absences soit assuré.

Il s’associe à toute action visant à faire constater la responsabilité de l’Etat qui, au regard de délais déraisonnables dans d’autres juridictions, a été condamné le 14 décembre 2023 à verser 6,7 millions d’euros de dommages et intérêts à des justiciables. Après ce préambule remarqué, l’audience de rentrée a pris un tour plus classique, tout en confirmant néanmoins ce profond malaise.

Des postes de magistrats pourvus en septembre

Vivien David, le président du TJ, a partagé ce constat en rendant compte de données chiffrées affinées. « Le déficit par rapport à des effectifs normaux est de 40% chez les juges du siège, 17% au parquet et 30% chez les greffiers. 8 postes de juge manquent, 21 postes de fonctionnaires sur 67 font défaut et un poste de substitut du Procureur est vacant. Il est donc difficile dans ces conditions de faire vivre la justice au sein du département »

Du fait de cette amputation, 2023 a donc été une année compliquée pour répondre aux besoins des concitoyens. « Nous avons été amenés à geler certaines audiences et contentieux. » Vivien David a néanmoins salué « la prise de conscience intervenue au plus haut niveau avec des engagements fermes pris pour pourvoir l’ensemble des postes de magistrats manquants pour septembre prochain ».

Cela grâce au dispositif d’accompagnement renforcé pour la mobilité « qui permet d’offrir à des collègues expérimentés, acceptant de s’investir durant trois ans dans les Ardennes, une priorité d’affectation sur l’ensemble du territoire national pour la suite de leur carrière. L’appel d’offres est paru le 18 janvier ». Ce privilège, jusqu’alors mis en place dans les DOM-TOM, a été accordé à quelques tribunaux métropolitains dont celui de Charleville-Mézières. Mais cette mesure ne concerne que les magistrats.

« Et pour répondre à la demande de justice, nous avons aussi besoin d’avoir suffisamment de greffiers et de fonctionnaires de justice à nos côtés. » En dépit de tous ces obstacles, la procureure, Magali Josse a relevé que 16 090 nouvelles affaires avaient été enregistrées en 2023, un chiffre identique à 2021.

« L’activité pénale de la juridiction et celle du parquet dans la lutte contre la délinquance s’est maintenue. Avec d’ailleurs une hausse de l’ordre de 4,9 % des poursuites. Le nombre de comparutions immédiates (123 au total) et les convocations devant le Procureur de la République pour répondre aux enjeux de la délinquance restent à un haut niveau. »

Magali Josse s’est fixée cinq axes prioritaires sur le plan pénal en 2024 : la lutte contre les violences intrafamiliales, les vols par effraction au domicile des particuliers, des commerces et des exploitations agricoles, le démantèlement de trafics de produits stupéfiants et une réponse ferme à la délinquance routière comme celle des atteintes à l’environnement « qui constituent un vrai sujet de préoccupation pour les élus ».