Le Ministre du Logement à Châlons pour y puiser « les bonnes idées »
Logement. Le ministre délégué au logement, Patrice Vergriete était en déplacement à Châlons-en-Champagne, dans la ville de celui qui fut lui aussi ministre du logement de 2009 à 2012, afin de constater la mise en oeuvre de la politique de la ville en matière de rénovation urbaine mais aussi d’attractivité.
Si Benoist Apparu, Maire de Châlons-en-Champagne et ancien Ministre du Logement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, de 2009 à 2012, se refusait officiellement à donner des conseils à son homologue actuellement en poste, il n’en reste pas moins qu’en coulisses, ce dernier, en tant qu’élu de terrain confronté au quotidien aux questions du logement, avait son avis sur la question et sur les problématiques à prendre en considération.
Concernant sa ville tout d’abord, il a dressé le décor en prenant en exemple la baisse drastique de la population après le départ des militaires de la ville, faisant chuter le nombre d’habitants de près de 10 000 en 50 ans, passant de 55 000 dans les années 70 à environ 45 000 aujourd’hui. Ensuite, Benoist Apparu a évoqué la massification de l’enseignement supérieur, faisant fuir des petites villes les diplômés qui vont continuer leurs études ailleurs et qui, pour la plupart, ne reviennent pas sur le territoire. Enfin, le départ de la préfecture de région, si elle a concerné peu de fonctionnaires, a participé à enclaver un peu plus la ville…
Face à ce triple constat, l’élu ne ménage cependant pas sa peine pour (re)donner de l’attractivité à sa ville, avec une politique économique volontariste mais aussi une politique de la ville et donc, du logement, qui se base sur deux axes forts : la requalification et la réhabilitation des quartiers périphériques ainsi que la lutte contre les logements vacants du centre-ville. Une double stratégie qui a attiré l’œil du nouveau ministre du Logement, Patrice Vergriete. « Châlons-en-Champagne a, via son Maire et ancien Ministre du Logement, une politique de l’habitat assez exemplaire qui correspond au modèle de développement territorial et urbain que nous portons au niveau national », explique Patrice Vergriete, qui confie volontiers que ce dernier « est de bon conseil sur ces questions ».
Ainsi, dans la première partie de sa visite, dans le quartier du Verbeau, il est venu constater « un projet ANRU de requalification d’un quartier qui avait besoin de rénovation urbaine ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 356 logements démolis ; 1 239 logements réhabilités et résidentialisés (rénovation des logements au niveau thermique, acoustique ; aménagement des pieds d’immeubles avec parkings et espace vert) ; de nouvelles opérations immobilières en phase avec les nouveaux modes d’habiter ; 3 équipements publics majeurs : le centre social et culturel, le pôle 0-6 ans et le gymnase. Résultat, un quartier plus aéré avec une consommation énergétique en forte baisse.
La question des logements vacants
Revenant sur les politiques de la Ville menées jusque dans les dernières années, privilégiant « l’étalement urbain en gagnant sur les terres agricoles tout en oubliant les logements laissés vacants en centre-ville », Patrice Vergriete a insisté sur le changement radical opéré dans la politique de la ville aujourd’hui.
« En faisant cela, cette consommation foncière n’était pas compatible avec la transition écologique qui est devenue une urgence, mais cela a aussi eu pour conséquence d’éloigner les populations de leur emploi, les obligeant à prendre la voiture et à perdre en pouvoir d’achat. » La solution pour le ministre ? Aller à la reconquête des centres-villes, « en menant des opérations difficiles mais en partenariat aussi bien avec les bailleurs sociaux qu’avec des bailleurs privés ». « Nos problématiques, ici, à Châlons, sont principalement celles de la vacance des logements en centre-ville », explique ainsi Benoist Apparu.
« C’est lié à des évolutions sociologiques commerçantes où, traditionnellement, ces derniers avaient leur boutique en rez-de-chaussée et leur logement au-dessus. Nous avons aujourd’hui des cellules commerciales plutôt occupées mais au-dessus, des espaces vides. Cette reconquête passe alors par l’achat par la collectivité ou les bailleurs sociaux des immeubles afin de les réhabiliter complètement et de remettre de l’habitat dans les étages. »
De bureaux... à appartements
C’est cette démarche que Nov’Habitat, le bailleur châlonnais, compte désormais poursuivre avec le rachat d’immeubles en centre-ville, dont l’ancien siège du Crédit Agricole de Châlons où les bureaux ont été reconvertis en logements.
Ou encore celui d’un immeuble entier Place de la République, avec une boutique en rez-de-chaussée et des logements au-dessus. « Les bureaux de l’ancien siège du Crédit Agricole ont été complètement restructurés pour être transformés en 19 logements, avec pour objectif que la quasi-totalité possède un accès extérieur », détaille Alain Marjolet, Directeur général de Nov’Habitat. « Ils ont ainsi tous, soit une terrasse, soit une loggia, pour lesquels nous avons reculé le mur extérieur. Ce bâtiment très énergivore a aujourd’hui la performance d’un bâtiment neuf. C’est une opération ambitieuse, qui a coûté 4,4 M€, portée par Nov’Habitat et pour laquelle nous avons eu des financements classiques : prêt locatif social mais aussi soutien d’Action logement qui sont venus solvabiliser l’opération. »
19 places de parking souterrain ont aussi été livrées, « ce qui est très important en cœur de ville », souligne le Directeur général de Nov’Habitat. « Nous sommes un acteur du territoire et par ce type d’accession, on participe grandement à la reconquête du cœur de ville. » Une reconquête opérée et encouragée auprès des bailleurs privés, qui bénéficient également d’aides pour remettre de l’habitat en centre-ville, comme cela a été le cas à Châlons, au-dessus du magasin de vêtements pour hommes « Au Bon Diable ».
« Nous avons aujourd’hui une crise du logement », ne cache pas le ministre. « Une crise conjoncturelle, avec une production de logements en baisse, une difficulté d’accession à la propriété car les taux sont élevés. Mais nous avons en même temps une crise structurelle. Toute une partie de la population ne peut plus accéder à la propriété. Pour exemple, dans les années 2000 la proportion de cadres dans l’accession à la propriété était de 20%. Elle est aujourd’hui de 43%. Il y a donc toute une partie de la population, classe populaire et moyenne, qui ne peut plus accéder à la propriété. » Alors que faire ?
Refonte totale de la politique du logement
« Nous engageons dans les 6 mois qui viennent une refonte de tous les outils de la politique du logement. » Une necessité pour soutenir des opérations comme celles engagées à Châlons, car le ministre précise que pour transformer des bureaux en logements cela coûte 4 000 euros du m², mais à la vente, cela ne représente pas plus de 2 000 €/ m². Un différentiel impossible à soutenir pour assurer une rentabilité sur le long terme.
« Il faut mobiliser les opérateurs, comme les établissements publics fonciers (EPF), travailler avec différents opérateurs sociaux. Est-ce qu’il faut revoir la loi pour exécuter ce type d’opérations, renforcer le droit de préemption des collectivités pour pouvoir agir plus vite ? Toutes ces questions sont sur la table », confie le Ministre. Si on parle déjà de la question du contrôle des meublés touristiques par les maires qui vident les centres-villes de leurs habitants, à partir du mois de janvier, un projet de loi sur les copropriétés dégradées et l’habitat indigne sera présenté ainsi qu’une proposition de loi sur la facilitation de transformation des bureaux en logements.
« Au printemps, c’est une loi Logement plus large qui verra le jour, avec la décentralisation de la politique du logement et la redéfinition du rôle du logement social. Dans les 6 mois, il y aura plusieurs textes qui visent à donner de nouveaux outils pour faciliter le modèle de développement territorial dont on a besoin demain. »