Le Grand Est au premier rang des régions concernées par la Loi Duplomb
Agriculture. La Loi Duplomb, réintroduisant l’acétamipride dans les traitements agricoles, intéresse au plus haut point les céréales et la vigne, cultures phares du Grand Est.

Votée le 8 juillet dernier, la Loi Duplomb sur l’agriculture concerne tout particulièrement le Grand Est et principalement à propos de l’un de ses alinéas : l’autorisation, sous conditions, de l’utilisation de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néocotinoïdes, concernant principalement la culture de la betterave sucrière, culture phare sur les territoires champardennais et alsacien. Le vote de l’Assemblée Nationale, 316 voix pour et 223 contre, provoque notamment une pétition opposante, orchestrée par la Gauche et les Ecologistes, et qui récolte plus de 1,9 million de signatures en cette fin juillet. Logiquement, un débat de fond devrait avoir lieu sur le sujet en septembre prochain, sans pour autant aboutir à une abrogation et sans préjuger de l’avis du Conseil Constitutionnel courant août.
Un insecticide controversé
L’acétamipride est interdit en France depuis 2018, mais autorisé en Europe jusqu’en 2033, voilà pour la première controverse, signe d’une surtransposition française de la législation européenne et distorsion qui fait dire à la Ministre de l’Agriculture, Annie Genevard : « L’acétamipride n’est pas jugé dangereux pour l’environnement et la santé humaine par les scientifiques européens ».
Il s’agit d’un pesticide à propos duquel la majorité des spécialistes reconnaît la mortalité pour les abeilles mais qui engendre un débat quant à sa nocivité sur la santé humaine, voilà pour la seconde controverse autour de sa réintroduction sur le territoire national. Si la nocivité pour les abeilles est reconnue, celle pour l’homme divise : « Il se pourrait que … ».
D’un côté la science, de l’autre la politique. Les pesticides dans l’agriculture, c’est un peu, d’une loi à l’autre, l’ascenseur entre l’écologie et l’économie. Dans ce domaine, déroger peut faire craindre une porte ouverte à l’autorisation d’autres pesticides.
Faut-il choisir entre la betterave et l’abeille ?
Au-delà de la Loi Duplomb et d’un de ces argumentaires « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », force est de constater qu’agriculture et pesticides peuvent aller ensemble, d’une culture à une autre, d’une époque à une autre, et d’une région à une autre. Rien de bien nouveau, les néocotinoïdes, aujourd’hui réintroduits, ont déjà été utilisés légalement par les betteraviers, notamment comme traitement de semence. Pour les agriculteurs, céréaliers, horticulteurs, betteraviers ou producteurs de pommes de terre, il s’agit d’un retour primordial pour la protection efficace des cultures. La Loi Duplomb ouvre grand l’espace de réflexion sur l’utilisation générale des pesticides dans l’agriculture. Les cartographies l’expriment, les régions fortement céréalières, betteravières ou horticoles sont celles qui utilisent le plus de produits phytosanitaires. Parmi les cultures les plus traitées en France figurent le blé tendre, le maïs, la vigne et la betterave. Comment le Grand Est, 1re région productrice nationale de céréales, 2e pour les oléagineux, 2e pour le blé tendre, le maïs grain, la betterave et la pomme de terre, pourrait échapper aux besoins de pesticides ? En relevant la concentration de ces productions et la nécessité de leurs traitements, le territoire champardennais pèse les deux tiers de la consommation phytosanitaire du Grand Est, avec des pointes plus précises sur les agglomérations marnaises d’Epernay, sur la Montagne de Reims, ou sur Suippes et Sommesous.
Le département de la Marne gros client
Au rang des substances les plus dangereuses, relevées par les instances sanitaires, figurent les CMR, cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. La Marne est le 2e acheteur national de ces traitements, derrière la Gironde et devant la Somme et le Pas-de-Calais. L’Aisne, l’Eure-et-Loir et la Charente-Maritime figurent également dans le haut de ce tableau des départements clients. Intramuros, les achats du Grand Est différent considérablement, de 450 tonnes pour la Marne à 23 tonnes pour le Haut-Rhin, en 2023. En considérant les surfaces cultivées, le podium national est occupé par la Gironde, l’Eure-et-Loir et la Charente-Maritime. Quant à la fréquence du nombre de traitements pesticides par campagne sur le seul territoire de la Marne, les écarts sont également considérables : 4,4 fois dans l’aire de Reims pour 16,1 pour Epernay.