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Le Grand Est, 3e région pour l’accueil des immigrés, appelé à en recevoir davantage

Étude. La région compte en 2022 un peu plus de 521 000 immigrés, soit 9,4% de sa population, un taux qui la place en 3e position métropolitaine. L’immigration est forte en Alsace et dans la Moselle et plutôt faible à l’ouest : 6,6% dans la Marne, 7,3% dans les Ardennes et 8,7% dans l’Aube. Un projet gouvernemental pourrait faire progresser de deux points le taux du Grand Est.

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Photo d'une carte du monde en graphique
La population régionale immigrée est passée de 346 000 en 1968 à 509 000 en 2018, soit une progression de 47%. (Crédit : Freepik)

Qu’il soit de nationalité française ou étranger, près d’un habitant de la région sur dix est immigré, c’est-à-dire une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. La récente étude de l’Insee porte sur l’évolution de la population régionale immigrée dans les cinquante dernières années (1968 à 2018), population qui passe de 346 000 en 1968 à 509 000, soit une progression de 47%. La majorité de ces immigrés était italienne en 1968, elle est algérienne en 2018.

La part des immigrés dans le Grand Est passe ainsi de 7 à 9,2%. Le Grand Est occupe en 2018 la 5ᵉ place des régions françaises, pour le nombre comme pour la proportion des immigrés. Au premier rang figure l’Ile-de-France avec près d’un habitant sur cinq. La part de la région dans le nombre total d’immigrés en France a baissé en cinquante ans de deux points (11% en 1968).

Comme il y a cinquante ans, deux tiers des immigrés sont concentrés sur le Bas-Rhin, la Moselle et le Haut-Rhin. La concentration dans ces trois départements est supérieure à la moyenne nationale. Comparativement, la proportion d’immigrés est plus faible dans l’Aube (7,8%) ou dans la Marne (6,6%). Dans les Ardennes, département en déprise démographique, la désindustrialisation a fait reculer la part de l’immigration (5,8%).

Une immigration en hausse dans les années 2000

Jusqu’au recensement de 1975, l’immigration répond à un fort besoin de main-d’œuvre. Dans les deux décennies suivantes, elle devient familiale et le nombre d’immigrés se stabilise en région comme en France. Au cours des deux dernières décennies, c’est un retour à la hausse avec une progression annuelle de 1,5% dans le Grand Est, entre 1999 et 2018, progression moins sensible qu’en France métropolitaine (+2,1%).

En un demi-siècle, les origine des immigrés se sont profondément diversifiées. Les natifs d’Europe dans la Grand Est ne représentent plus qu’un immigré sur deux en 2018 contre six sur sept en 1968. Désormais plus d’un immigré sur deux est né en Afrique ou en Asie. Dans les tendances les plus marquées, on assiste à une baisse des arrivées des Italiens, des Polonais ou des Espagnols. L’immigration portugaise est aujourd’hui trois fois plus nombreuse qu’en 1968.

Italie, Allemagne, Algérie, Pologne et Espagne ne fournissent plus que la moitié du contingent immigré contre 80% cinquante ans plus tôt. Les trois pays les plus représentés dans le Grand Est sont désormais l’Algérie, le Maroc et la Turquie. La relative persistance de l’immigration européenne dans la région s’explique par la position frontalière. Ainsi plus du tiers des immigrés d’origine allemande résident dans le Grand Est et pour la plupart en Moselle.

L’immigration d’Europe orientale est plus présente dans le Grand Est qu’au niveau national. Auparavant, majoritairement issue de la Pologne, elle trouve aujourd’hui sa source dans les pays de l’ex-Yougoslavie ou de l’ex-URSS. L’immigration turque est la plus forte des pays asiatiques.

Les femmes désormais majoritaires

Alors qu’elle n’était que de 44% en 1968, la part des femmes dans l’immigration (51%), majoritaire depuis les années 2000, est très proche de celle de la population française. L’immigration de travail est devenue une immigration familiale. Elle s’est accompagnée, à l’origine de l’inversion, d’une baisse du taux d’emploi, dans un contexte économique défavorable. Ce taux est moins élevé dans le Grand Est qu’en moyenne nationale. Plus familiale, cette immigration est devenue plus durable que cinquante ans auparavant, la population immigrée du Grand Est a vieilli (46 ans en moyenne aujourd’hui contre 42 ans en 1968).

En cinquante ans, le centre de gravité de l’immigration régionale s’est déplacé du Sillon Lorrain vers l’Alsace, territoire qui regroupe 43% des immigrés du Grand Est. Quand les deux départements alsaciens voyaient le taux d’immigration doubler en cinquante ans, celui-ci baissait dans les huit autres départements de la région. En Moselle, la crise de l’acier étant passée par là, le nombre d’immigrés recule fortement depuis 1975.

Un peu moins des deux tiers des immigrés du Grand Est sont toujours de nationalité étrangère. Les Français par acquisition représentent 3,4% des habitant de la Région, soit environ 190 000 personnes. Les étrangers qui ne sont pas immigrés, autrement dit les étrangers nés en France, sont peu nombreux. Ils ne représentent que 0,8% de la population régionale (44 000 personnes). En résumé, sur les 509 000 immigrés vivant dans la Grand Est, 319 000 sont des étrangers nés à l’étranger (5,8% de la population), 190 000 sont devenus français par acquisition (3,4%). Sur les 363 000 étrangers (6,5%) , 319 000 (5,8%) sont nés à l’étranger et 44 000 (0,8%) sont nés en France.

Le Grand Est en 3e territoire d’immigration en 2022

Si l’enquête de progression de l’immigration en France porte sur la période 1968-2018, l’Insee a depuis ajusté ses statistiques. Les deux premières régions, Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur, dominent ce classement métropolitain, avec respectivement 20% et 11% d’immigrés, l’écart s’est resserré entre la Corse, Auvergne-Rhône-Alpes et le Grand Est.

Avec plus de 521 000 immigrés, soit 9,4% de sa population, le Grand Est occupe donc la 3e place des régions métropolitaines pour l’accueil des immigrés. Dans cette mise à jour, l’Insee note que 20% des travailleurs frontaliers de la régions sont issus de l’immigration. Par département, le Haut-Rhin (12,7%) domine toujours ce classement, devant le Bas-Rhin (11,8%) et la Moselle (11,5%). C’est dans la Meuse (3,6%) et la Haute-Marne (3,7%) que ces taux sont les plus faibles. La Marne compte 6,6% d’immigrés, les Ardennes 7,3% et l’Aube 8,7%.

À noter que depuis le démantèlement de la « jungle de Calais » en 2016, le Grand Est accueille le plus grand nombre de migrants, juste derrière la région Auvergne-Rhône-Alpes. La province avec sa ruralité deviendrait-elle le nouvel eldorado de l’immigration, avant et après les JO de Paris ? De fait, on assiste à un projet de rééquilibrage de l’accueil des réfugiés sur le territoire métropolitain. Les taux passeraient ainsi de 46 à 23% pour l’Ile-de-France, de 9 à 13% pour Auvergne-Rhône-Alpes et de 9 à 11% pour le Grand Est. Les Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Pays de la Loire conserveraient leur taux respectifs.