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Le Département de la Marne fait de la prévention financière à la veille de la construction d’un budget 2026 délicat

Budget. Lors de sa dernière séance plénière avant d’attaquer l’élaboration du budget 2026, le Département de la Marne, quasiment au bout du rouleau de ses réserves financières, affirme sa priorité en faveur des solidarités, fait de la trésorerie avec son patrimoine immobilier et retire son aide au campus rémois de Sciences Po Paris.

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Prévention financière à la veille de la construction d'un budget 2026 délicat
« Comment construire des orientations budgétaires cohérentes lorsque l’Etat avance dans le brouillard ? » (Crédits : GD)

Quand l’Etat va mal, les territoires trinquent, première remarque fataliste du Président du Conseil départemental de la Marne en début de séance plénière : « Comment construire des orientations budgétaires cohérentes lorsque l’Etat avance dans le brouillard, incapable de faire des économies, tout en taxant toujours plus ? ». Refrain connu, à deux mois de la présentation du budget 2026, alimenté cette fois-ci par bien des craintes en matière de recettes, entre autres sujets, les baisses des droits de mutation, de la TVA transférée et des dotations de l’Etat. Jean-Marc Roze, d’ordinaire mesuré à la tribune, s’insurge contre le dictat étatique : « J’ordonne et vous obéissez », avant d’ouvrir les débats sur une quasi-profession de foi : « Les Départements incarnent, eux, la constance et la fiabilité de l’action publique ».

Une décision modificative à la marge

Le rôle d’une décision modificative est d’ajuster, dans le temps, les recettes et dépenses nouvelles. Cette deuxième décision modificative 2025 enregistre en fonctionnement des recettes supplémentaires de 6,6 M€, à 94% pour les solidarités, et des dépenses supplémentaires de 7,3 M€ qui tiennent compte d’un recentrage, avoué ou pas, vers les compétences propres, au détriment de la jeunesse, de la culture et du sports (-1,4 M€).

L’emprunt ayant toujours été la variable d’ajustement, il représente, Budget Primitif 2025 et décisions modificatives, un total de 68,2 M€. Le budget 2025 de la Marne passe ainsi de 593 à 626 M€. L’épargne brute, servant la capacité d’investissement, est de 9,9 M€. Compte tenu du remboursement du capital de l’ordre de 19,3 M€, l’encours prévisionnel de la dette passe de 184,7 M€ en début d’année à 178,4 M€ à fin 2025, soit un recul de 3,4%. La capacité de désendettement, estimée à 18 ans, reste élevée. Au bilan, le report positif d’une année sur l’autre de près de 29 M€ présente un faible matelas de sécurité pour l’avenir, comme le fait remarquer le conseiller départemental Charles de Courson, par ailleurs fin spécialiste des finances. Bref, une décision modificative à la marge d’une marge étroite qui assume la mission première des solidarités départementales, qui rabote les compétences partagées au profit des compétences propres, rappelées par le conseiller d’opposition Rudy Namur, et qui, on le découvre dans cette séance plénière, trouve des ressources nouvelles dans la vente de friches patrimoniales. En arrière-plan, cette crainte émise par certains conseillers : « Nous allons vers un gel des investissements ».

Des cessions du patrimoine immobilier en appui des recettes

Les contraintes budgétaires, accentuées dès le budget 2025, imposent d'autres orientations financière.
Les contraintes budgétaires, accentuées dès le budget 2025, imposent d’autres orientations financière. (Crédits : GD)

Le Département de la Marne, après la vente de la Sous-préfecture de Sainte-Menehould en 2024, vient d’adopter la vente de deux biens immobiliers : l’ancien Palais de justice d’Epernay, désaffecté depuis 2027, et le bâtiment de l’ancien institut national supérieur du professorat et de l’éducation de Châlons-en-Champagne. Ces deux ventes devraient contribuer au développement de l’hôtellerie-restauration départementale. La première vente concerne le projet de construction d’un complexe hôtelier haut de gamme, restaurant gastronomique, bar et espace bien-être. Le montant de la transaction, 1,4 M€, bénéficie au Département (0,8 M€) et la Ville d’Epernay (0,6 M€). Le chantier est évalué à 10 M€ par le constructeur ADIM EST, filiale de Vinci Construction, et le projet table sur l’embauche de 60 emplois directs. L’ouverture du complexe devrait avoir lieu en 2028. La seconde vente, cession de l’Inspé de Châlons-en-Champagne, revient au groupement Idéel (Rabot Dutilleul), Plurial Novilia, Sofra pour la réalisation d’un hôtel quatre étoiles associé à un espace de bien-être, un SPA, une piscine, un restaurant, des salles de séminaire et un programme de logements sociaux. La vente va rapporter 0,7 M€ au Département.

Le revenu de solidarité active sous haute surveillance

Le Département mène une politique de contrôle des bénéficiaires du RSA, visant à s’assurer du versement à bon droit de cette aide. Pour la Marne, le financement 2025 alloué à ce dispositif représente plus de 92 M€, soit plus de 15% du budget total. La Marne compte plus de 14 000 foyers couvrant 29 000 bénéficiaires du RSA (+ 2,6% en un an). Le Département veille, en complément du travail de la CAF et de la MSA, au bon droit et devoirs des allocataires. Il détecte principalement les anomalies et fausses déclarations pouvant rendre indus les versements. Pour exemple l’équipe de contrôleurs du Département a vérifier en 2024 les dossiers de près de 2 200 bénéficiaires et relevé 60% d’anomalies, voire des suspicions de fraude. Le Département agit ainsi en amont de l’intervention de la CAF.

Le département n’a plus les moyens d’aider Sciences Po Reims

Pour accompagner la venue du campus rémois de Sciences Po Paris en 2010, une convention de partenariat avait réuni en soutien à cette installation le Département de la Marne, le Grand Reims et la Région Grand Est. Cette convention concernait, à hauteur de 1,8 M€ répartis à parité entre les trois collectivités, une contribution au fonctionnement de l’établissement. Les contraintes budgétaires, accentuées dès le budget 2025, imposent d’autres orientations financières : la fin du soutien progressif du Département en matière de fonctionnement avec un arrêt échelonné sur deux ans, soit 400 000 euros en 2025 et 200 000 euros en 2026. En investissement, l’effort du Département pourra représenter un maximum de 50 000 euros par an, en 2025, 2026 et 2027. Lors de sa dernière séance plénière, le Département s’est prononcé en faveur d’un avenant à la convention de mai 2010, lequel modifie ainsi les dispositions financières en matière de fonctionnement : un total de 600 000 euros couvrant les échéances 2025 et 2026. Pour rappel, le Département de la Marne a contribué, en 15 ans, à hauteur de 9 M€ au fonctionnement du campus rémois de Sciences Po Paris.