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La taxe sur les transactions immobilières, talon d’Achille du budget de la Marne

Département. Avec des charges contraintes qui augmentent et des recettes aléatoires qui baissent, fortement à cause des DMTO, le Conseil départemental de la Marne fait à nouveau appel à l’emprunt. Grâce à ses réserves, la collectivité territoriale compte sur des finances encore saines, mais cette fois-ci, à très court terme.

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Photo de Christian Bruyen
Christian Bruyen : « Face à la baisse des recettes, le Département de la Marne fait appel à l’emprunt. » (Crédit : Christophe MANQUILLET)

La deuxième modification (DM2) du budget 2023 constitue la pièce maîtresse de la dernière séance plénière du Conseil départemental sous la présidence de Christian Bruyen. Le rapport voté (42 pour et 4 abstentions) vise évidemment l’équilibre du budget, à la grande satisfaction du Président sortant.

Au bilan, après l’euphorie de 2022, une certaine crainte a envahi l’Assemblée devant une conjoncture nationale et internationale des plus défavorables, après les prix des énergies et ceux des matières premières, après les hausses des dépenses contraintes, voici la baisse de la manne des recettes financière du Département. Les Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO), constatés à trois mois de la fin d’année, affichent une recette de 61,2 M€ contre 103 M€ pour toute l’année 2022.

Des recettes victime de la baisse du marché immobilier

Les DTMO sont une taxe perçue par l’Etat et les collectivités territoriales, dont les Départements, lors de la vente de biens immobiliers de toute nature. Cette taxe dépend donc essentiellement de l’état du marché immobilier. Ce marché, victime entre autres aléas de la remontée spectaculaire des taux d’intérêt (4% en moyenne) est évalué en baisse de 20% par les experts nationaux, d’ici à fin 2023.

En 2022, la Marne touchait mensuellement une DMTO moyenne de 8,6 M€. La présentation de la DM2 2023 affiche pour les trois premiers trimestres une moyenne mensuelle de 6,8 M€.

À ce rythme, les DMTO 2023 pourrait représenter une recette aux alentours de
82 M€, voire moins pour les plus pessimistes, contre 103 M€ en 2022, hors péréquation. C’est une baisse sur un an pour la Marne de 20%, pourcentage équivalent à la baisse annoncée au niveau national.

Le sujet est d’autant plus délicat que ces DMTO étaient affichés à 96,4 M€ au BP 2023, c’est-à-dire 14,4 M€ au-dessus de la projection à fin 2023 et qu’ils pèsent près de 19% des recettes prévisionnelles de cette même année. Prudemment la DM2 prévoit une inscription de ces droits à hauteur de 77 M€.

Deux ou trois ans de survie financière

Le ton change dans l’Assemblée, pas un seul conseiller cette fois-ci, pour s’en prendre à l’Etat, sauf à constater les hausses de dépenses contraintes (93% du budget de la collectivité) non compensés et la remarque du Président Bruyen : « Cette situation est de la faute de l’Etat qui ne fait pas assez confiance à la proximité des Départements ». Charles De Courson ne rate pas l’occasion d’enfoncer le clou :

« Nous constatons un déficit du fonctionnement de 17 M€. En 2024, nos recettes vont moins augmenter que nos dépenses. Le problème est structurel. Il ne nous reste plus que deux ou trois ans à tenir ».

Jean-Marc Roze, 1er Vice-président, en charge des finances, n’a pas d’état d’âme sur la question en posant les chiffres de la réalité : des dépenses de fonctionnement en hausse de 11,6 M€, dont 9 M€ supplémentaires pour la solidarité départementale, en face d’une baisse de 0,3 M€ pour les recettes, des dépenses d’investissement en recul de près de 4M€, avec des recettes, portées par l’emprunt, à hauteur de 8 M€. Au total l’emprunt prévisionnel s’élève ainsi à 24 M€. En rappelant le montant de 156,5 M€ pour la globalité de la dette du Département.

Un Département qui vit sur ses réserves

La Marne peut encore vivre à court terme des excédents cumulés de ses budgets antérieurs. Le Département boucle un budget en équilibre à fin 2023, une situation financière saluée par le Président sortant, comme une sorte de soulagement.

Depuis au moins deux décennies, l’Etat vient au secours des départements confrontés, via un fonds de soutien (59 M€ en 2023). Si la Marne n’en n’est pas là, une douzaine de départements est passée en la matière du déficit du conjoncturel au au déficit structurel. Petite phrase de Christian Bruyen, passée sous silence :

« Peut-être faut-il encore un nouvel acte de décentralisation ». Des départements avec une unique compétence ? Celle des solidarités qui pèse selon les départements entre 65 et 70% des dépenses de fonctionnement ? Un souhait de Rudy Namur, conseiller socialiste d’opposition : « Il va falloir remettre à plat les politiques départementales » assez proche de celui du Président sortant : « Il va falloir s’en tenir aux solidarités pour l’essentiel » ?

Pour une collectivité qui ne dispose que de 7% de liberté de son budget, l’horizon est peut-être celui d’une autre décentralisation qui ne lui appartient cependant pas. Mais pour l’immédiat, le Conseil départemental de la Marne va élire son nouveau Président le 6 novembre et se prononcer sur ses orientations budgétaires 2024 le 8 décembre.