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La séance plénière d’octobre du Grand Est a quasiment échappé à l’agitation politique nationale

Région. La séance plénière d’octobre du Conseil régional, relativement sereine compte tenu d’un ordre du jour examinant principalement des bilans d’étapes, notamment sur les dossiers Stratégie Fret Grand Est, Life Adapt’Est, évolution de la commande publique ou encore régénération du réseau routier et écocontribution la permettant, s’est avérée comme un prélude aux rendez-vous de novembre et décembre consacrés au budget 2026.

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En 2024, 72% des achats de la Région (476 M€) ont bénéficié à des entreprises implantées dans le Grand Est et 73% de ces achats (484 M€) ont été réalisés auprès de TPE et PME. (Crédits : GD)

Loin de l’agitation politique nationale, l’intérêt public existe et il est dans le Grand Est. L’entrée en matière du Président Franck Leroy pour cette séance plénière d’octobre, en attendant les orientations budgétaires et le budget primitif 2026, sonne comme un rappel à l’ordre venu du territoire : « Au spectacle de la division, nous opposons celui d’une Région mobilisée sur les grands enjeux … Privilégier l’action et non les incantations, c’est notre marque de fabrique, parier sur l’avenir, c’est ce qui nous anime, agir en responsabilité, c’est ce que nous devons à celles et à ceux qui nous ont accordé leur confiance ». En prélude à l’examen de rapports, tenant pour beaucoup du simple point d’étape, les interventions des présidents des groupes politiques ont été relativement modérées venant de l’opposition, voire élogieuses pour d’autres.

Franck Leroy, un capitaine dans la tempête ?

Notons donc, par ordre d’entrée en scène Frédéric Fabre, pour le RN et apparentés, avant de tendre la main à la droite républicaine et s’adressant au Président Leroy : « Après la censure du Gouvernement qui ne saurait tarder, votre tour viendra… Il faut libérer la Région de la soumission nationale… Le Grand Est présente une écologie de façade ». Pour le groupe Centristes et Territoires, Christophe Choserot se dit en colère contre la médiocrité nationale : « Ma conviction, c’est le fait local … C’est au niveau local que peuvent naître les solutions ». Avant cette conclusion emphatique à l’adresse de Franck Leroy : « C’est dans la tempête que l’on reconnaît un capitaine. Vous êtes Monsieur le Président, un capitaine ! ».

Eliane Romani, pour les Ecologistes, lance deux alertes qui concernent les Grand Est : la santé dans une agriculture sans aucun pesticides et la survie du monde associatif, maillon essentiel de la société. « Une plénière sans odeur ni saveur », se plaint Michaël Weber, au nom de la Gauche Solidaire et Ecologiste. Ce dernier, décidément fâché poursuit : « Une politique de stop and go … Un fossé grandissant entre vos discours et la réalité ». Et rajoute, comme en écho à l’intervention de son collègue Christophe Choserot : « Je ne voudrais pas que vous deveniez un capitaine de pédalo à la place d’un vrai visionnaire pour la région Grand Est ». D’une modeste séance plénière, une dizaine de rapports et huit heures de débat, on peut retenir pour l’essentiel : le dispositif Life Adapt’Est, le bilan des achats responsables de la Région, la stratégie Fret Grand Est 2025-2030 ou encore l’avenir des infrastructures routières.

Life Adapt’Est un projet leader soutenu par l’union européenne

En 2023, la Région avait adopté une feuille de route d’adaptation aux changements climatiques afin de rendre le territoire plus résilient aux bouleversements en cours. Cette feuille de route se concrétise désormais dans le projet Life Adapt’Est soutenu par l’Union Européenne, doté de 26 M€ et étalé sur la période 2026-2034. Ce projet qui réunit des partenaires publics et privés, doit agir sur des axes comme la gestion de l’eau, l’agriculture, la forêt, les infrastructures et les bâtiments, la santé, la biodiversité et l’aménagement du territoire. Le financement global est assuré à 60% par l’UE. Il est complété par l’Etat, les agences de l’eau et la Région, laquelle participe à hauteur de 4,1 M€. Life Adapt’Est devrait exercer un levier sur l’économie régionale de l’ordre de 152 M€.

La commande publique levier majeur de la transition écologique

Ce rapport présente le bilan 2024 du programme Orchidée (1 707 marchés et 660 M€ de commandes) visant à limiter l’impact environnemental et à promouvoir le volet social des achats de la Région, tout en faisant de la commande publique un outil du développement économique du territoire. Ainsi en 2024, 72% des achats de la Région (476 M€) ont bénéficié à des entreprises implantées dans le Grand Est et 73% de ces achats (484 M€) ont été réalisés auprès de TPE et PME.

Sur ce point, la Région fait mieux que la moyenne nationale évaluée à 60%. Plus de 50% de ces achats intègrent une clause sociale. Ils ont permis près de 400 000 heures d’insertion sociale et ont donné du travail à 245 équivalents temps plein. 70% d’achats responsables socialement et 100% environnementalement sont les objectifs d’Orchidée en 2026.

Ce rapport a fait bondir le RN, par la voix de Pierre François lequel constate que l’Assemblée régionale prend acte des bilans, sans plus : « Notre Assemblée est en train de devenir une chambre d’enregistrement ». Pour Lara Million, Centristes et Territoires : « Le dispositif Orchidée et complexe et coûte cher ». Pour Caroline Reys (Les Ecologistes) et Marcello Rotolo (La Gauche solidaire et écologiste), Orchidée ne prend pas assez en compte l’économie sociale et solidaire ou les structures d’insertion par l’activité économique.

Premier réseau national de lignes ferroviaires exclusivement fret

La stratégie Fret Grand Est s’inscrit dans un contexte national dans lequel la route représente 84% du transport de marchandises. Avec 5 millions de tonnes transportées et 4 200 trains dédiés, soit l’équivalent de 200 000 poids lourds en moins sur les routes, le Grand Est occupe en la matière une position de leader national (15% du fret ferroviaire de la France métropolitaine).

Le programme vise la régénération de 12 lignes capillaires fret d’ici à 2028, pour un montant de 97 M€, dont 36 M€ assumés par la Région. Il prévoit également 42 M€ sur d’autres lignes et des raccordements directs du ferroviaire aux entreprises.

Sur l’ensemble de ce programme, la Région s’appuie sur le Contrat de Plan Etat Région 2023-2027, soit 155 M€ pour le fret ferroviaire, 73 M€ pour les plateformes multimodales, 136 M€ pour le réseau fluvial et 329 M€ pour les infrastructures routières. Sur ce dernier point, l’Assemblée régionale a validé le bilan de la nouvelle gestion des routes nationales non concédées par le Grand Est avec au bilan 2025 un montant de 92 M€ consacrés à des régénérations de chaussées, des mises à 2x2 voies, des sécurisations de carrefours et des rénovations de tunnels ou de viaducs sur les RN4, RN44, A30, A31 et A313.

Une écocontribution des transporteurs étrangers de 1 MD€, de 2027 à 2037

La Région s’est portée volontaire, depuis le 1er janvier 2025, pour gérer 525 km de routes nationales de son territoire. Rénovation, sécurisation, entretien des chaussées et des ouvrages sont nécessaires et réclament donc un budget qui trouve sa source dans une écocontribution des transporteurs étrangers traversant la région. Ce financement prévisionnel est évalué à 1 Md€ sur 10 ans. En matière de compétence et de taxation, le rapport a été l’un des plus chauds de cette séance plénière.

Evidemment, la première salve est venue du RN, avec cette intervention de Christian Zimmermann, pour qui écocontribution est le nom hypocrite d’écotaxe et ne peut conduire qu’à la faillite des entreprises de transport : « Vous faites ingurgiter une nouvelle compétence à une Région déjà boulimique qui s’apparente de plus en plus à un état dans l’Etat ». Les membres de la Majorité régionale, sans surprise, ont exprimé leur adhésion au dispositif au travers de leurs interventions, comme par exemple celle de Bruno Minutiello : « Le transit international abîme le réseau routier régional ». Favorables au dispositif, les écologistes par la voix de Jean-François Secondé disent pourquoi : « Faire payer ceux qui dégradent ce réseau, nous sommes pour ». La palme revenant à Thibaut Duchêne qui au nom de la Majorité lâche : « Les routiers étrangers sur nos routes sont comparables à des passagers clandestins ».