La réduction de l’artificialisation des espaces naturels place le Grand Est parmi les meilleures régions métropolitaines
Territoire. Dans un contexte de loi ZAN, Zéro Artificialisation Nette, amandée depuis sa création par de multiples exceptions, la région Grand Est, consommatrice d’espaces naturels dans la moyenne nationale, s’avère très performante dans la réduction de cette consommation. Le blocage de la ZAC 3 de Vatry sur ce sujet est un cas d’école.
Chaque année en France, entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces naturels agricoles et forestiers (ENAF) sont occupés par l’activité humaine (étalement des villes, industrialisation, développement des infrastructures …). Cette artificialisation des terres est une des causes du recul de la biodiversité. Référence parmi d’autres de cette dénaturation, le rapport du Sénat de 2021 pointe cette évolution sur le long terme : les aires urbaines, 22% de la superficie du territoire hexagonal, ont triplé en 80 ans et dans le même temps la part de la population urbaine est passés de 53 à 81%.
Le rapport du Sénat cite quelques facteurs, parmi les plus responsables, de l’artificialisation des sols : augmentation du nombre de ménages, 4,2 millions supplémentaires en 20 ans, et donc du nombre de logements (42% de l’artificialisation), constructions dispersées et donc étalement urbain et multiplication des infrastructures de transport (28%), de services, de loisirs (16%), avec un bétonnage des ENAF. On comprend ainsi l’un des objectifs de la loi d’août 2021, dite « Climat et résilience », concernant l’instauration du ZAN, Zéro Artificialisation Nette, avec un objectif à atteindre à l’horizon 2050. Le loi évoque une étape avec la réduction par deux de la consommation des ENAF, constatée entre 2011 et 2020, d’ici à 2030. Il ne s’agit pas de l’arrêt total de l’artificialisation mais de conditionner celle-ci à une renaturation à proportion égale sur le principe : « Tout ce qui est pris sur la nature doit être rendu ».
L’avatar controversé de la loi climat et résilience
Depuis son vote, et à la suite de bien des désaveux émanant des territoires, la loi ZAN a été quelque peu amendée. C’est ainsi que la loi d’accompagnement des élus locaux de 2023 prévoit des délais supplémentaires pour intégrer les objectifs du ZAN et met l’accent sur la manière de mieux consommer les locaux vacants et les friches (Plan France Relance avec un financement de 650 M€ pour le recyclage des friches et 350 M€ pour la relance de la construction durable notamment par la sobriété foncière). ZAN d’un côté et volonté de réindustrialisation du pays de l’autre, cette contradiction va aboutir à un nouveau dispositif d’assouplissement qui donne la main aux territoires : la loi TRACE, Trajectoire de Réduction de l’Artificialisation Concertée. Ce sont désormais les Régions qui vont fixer leurs propres objectifs de réduction de la consommation d’ENAF sur la période 2022-2034.
Les collectivités locales pourront désormais dépasser de 30% les seuils fixés par le ZAN. Au mois de juin dernier, l’Assemblée Nationale à enterré les ZFE, Zones à Faibles Emissions et a bien failli en faire de même du ZAN. Réaction contre une écologie punitive ou pas, la loi ZAN ne s’applique plus pour les constructions industrielles, les infrastructures de production d’énergies renouvelables, la construction de logements sociaux dans les commune carencées, la construction de bâtiments scolaires, les plateformes de recyclage et de valorisation de déchets inertes et les bâtiments agricoles.
Le Grand Est réduit mieux qu’ailleurs sa consommation d’espaces verts
Dans le Grand Est, conséquence directe d’une atonie démographique et économique, les surfaces urbanisées progressent moins qu’ailleurs en France (-43% en consommation médiane avec -45% pour l’habitat et -30% pour les activités économiques). Dans son enquête de septembre 2025, l’INSEE évalue à 15 000 hectares les surfaces régionales urbanisées plaçant le Grand Est au 6e rang des régions les plus consommatrices d’espaces naturels. En matière de progression (+4% en dix ans), le Grand Est affiche l’avant-dernière place. Seule l’Ile-de-France a moins augmenté. Dans le détail, l’INSEE relève la nature de la consommation finale d’ENAF : 53% pour le développement de l’habitat (63% en France), 28% pour l’activité économique (23% en France) et 9% pour les routes et le ferroviaire. Sur le pourcentage de consommation d’espaces naturels en faveur du développement économique, la région Grand Est présente des disparités géographiques marquées, de 34% pour le Haut-Rhin à 15% pour les Ardennes, en passant par les 32% de la Marne, les 30% de l’Aube ou les 22% de la Haute-Marne. Le rythme de la consommation d’espaces ne dépend pas toujours de la dynamique de l’emploi.
Entre 2012 et 2021, cette consommation a concerné tous les bassins d’emploi du Grand Est, ceux en croissance d’emploi comme Reims, Strasbourg ou Saint-Louis, comme ceux en baisse d’emploi comme Epernay, Saint-Avold ou Vitry-le-François-Saint-Dizier. Le secteur de l’industrie en région est très consommateur de foncier (32% du total), tout en ne représentant que 18% des emplois de l’économie et subissant une baisse de 12% de ses effectifs en dix ans. A contrario, les bureaux et services publics du Grand Est ne consomment que 28% des ENAF et pèsent 53% des emplois.
Le cas d’école de la ZAC 3 de Vatry victime du ZAN
Le projet d’intérêt général ZAC à Vatry remonte à l’époque de la création de l’aéroport avec l’achat d’un terrain aménageable de 2 000 hectares comprenant l’infrastructure aéroportuaire et dans un premier temps deux ZAC, aujourd’hui quasiment pleines. Le projet de la ZAC 3 porte sur 400 hectares bruts et 200 hectares nets de construction. Depuis, entre les deux premières ZAC et le nouveau projet est intervenu la loi ZAN. Vatry « zané » n’est pas acceptable pour le Président du Conseil départemental de la Marne. « Alerté sur cette contrainte, précise Jean-Marc Roze, le Président de la République nous a promis, l’année dernière, la non application du ZAN à Vatry.
Depuis le Gouvernement nous a répondu que le ZAN pourrait ne pas s’appliquer, mais en plusieurs étapes, hectares après hectares, à condition que la ZAC 3 reçoivent des projets, verts ou de défense ». Le Département et les intercommunalités concernées ont cependant poursuivi leur projet en dehors de toute contrainte étatique. Une société d’aménagement de ZAC est désormais sollicitée pour aménager ce nouveau périmètre, pour un coût évalué à 110 M€, et le rentabiliser. Le Département est impatient et pour cause, la ZAC 3 est concernée par le projet de production de carburant d’avion durable d’Haffner Energy, annoncé l’année dernière, un investissement estimé par le Département à 500 M€. Dans l’immédiat, ne pas être exonéré en une seule fois du ZAN prendrait quasiment une vingtaine d’années.