La nouvelle décentralisation au coeur du Congrès des Maires de la Marne
Municipalités. Le 73e Congrès des Maires et présidents d’intercommunalités de la Marne, dernier rendez-vous avant les élections municipales de mars 2026 , a été marqué par une projection vers l’avenir, au-delà des incertitudes financières étatiques, autour d’une nouvelle réforme de la décentralisation empreinte de simplifications et donc d’efficacité et d’économie.
« Un mandat comme aucun de nos prédécesseurs n’en a vécu. » Pour résumer le mandat écoulé, Franck Leroy cite la crise sanitaire Covid de janvier 2020, l’aide logistique apportée à la distribution des masques et à la vaccination à grand échelle, le déploiement logistique et la mobilisation des acteurs de terrain, la guerre en Ukraine et les répercussions économiques, la crise énergétique et l’envolée des prix, et enfin, depuis janvier 2024, la crise politique nationale, marquée par une instabilité chronique et par une crise aigüe des finances publiques. Les institutions locales ont résisté : « Tout au long de ces six années plutôt tumultueuses, poursuit le Président Leroy, nos collectivités ont tenu y compris quand le pouvoir national était réduit à l’impuissance, sans gouvernement ou sans budget parfois ».
Les collectivités ont fonctionné : « Personne ne conteste aujourd’hui que nos communes, nos intercommunalités, nos départements et nos régions concourent à la stabilité du pays. C’est assurément l’un des enseignements majeurs de ce mandat ». Vient alors cette alerte du Président Leroy : « Mais pour que cette stabilité demeure, pour que nos collectivités restent des points d’appui précieux, encore faut-il que les collectivités ne deviennent pas, dans ces temps de crise financière de l’Etat, la variable d’ajustement du budget de l’Etat ». Faisant allusion au rapport de Boris Ravignon, invité de ce Congrès 2026, Franck Leroy souligne les fausses pistes pour résoudre les déficits de l’Etat, comme par exemple celle de la redistribution des rôles entre collectivités : « Ce n’est pas en fragilisant une strate qu’on satisfera les autres ».
nous vivons la fin d’un système
Les mesures d’austérité imposées aux collectivités, comme elles figurent dans le projet de loi de Finances, sont injustes et entraîneraient une chute de l’investissement, une altération du service public et une diminution du soutien aux territoires. Franck Leroy prend de la hauteur en évoquant des changements qui s’imposent : « On vit la fin d’un système. Celui d’un pays dont l’Etat cherche à être présent partout et où, trop souvent, il révèle une forme d’impuissance … On n’est franchement pas loin de la réalité en constatant qu’à vouloir tout faire en même temps, l’Etat s’expose à ne rien faire de manière satisfaisante ». Passons aux changements radicaux, suggère le Président de l’Association des Maires de la Marne qui cite en premier lieu la dette, cette menace qui pèse sur l’avenir de la France, et 51 ans de déficit continu : « Au nom de quoi, si ce n’est d’une forme de démission du politique, le budget de l’Etat est-il en déficit depuis 51 ans. Est-ce normal ? ».
Quand les collectivités se serrent la ceinture, limitent les dépenses, baissent des subventions, ferment parfois des équipements, c’est la contrainte de la loi qui impose l’équilibre budgétaire. Et si certains observateurs politiques estiment que le législatif est en train de faire le travail de l’exécutif, Franck Leroy en rajoute : « Il est légitime d’attendre du pouvoir national, dont on sait depuis 2024 que la centre de gravité s’est déplacé de l’Elysée vers le Parlement, la même lucidité, le même courage ».
les collectivités sauront mieux faire
Après un Etat déficitaire et endetté, place à une nouvelle décentralisation : « Il est démontré depuis les années 80 que les collectivités gèrent mieux que l’Etat les compétences qui leur sont confiées, pourquoi ne pas imaginer une nouvelle décentralisation ? » Franck Leroy insiste : les collectivités sauront mieux faire et il est temps de définir un nouveau transfert de compétences du national vers les échelons décentralisés. Il nous l’avait déjà confié lors d’un entretien (PAMB du 29 septembre 2025) à propos des dix ans de la Région Grand Est, le Président Leroy vise l’efficacité de la proximité qui prouve qu’il est plus facile de construire avec un Préfet, parce qu’il connaît le terrain, et ses acteurs, qu’avec un Ministre : « Parallèlement à ce nouveau mouvement de décentralisation, les Préfets doivent se voir confier la gestion des politiques de l’Etat dans les territoires » Il conclut : « La décentralisation est une chance pour notre pays ».
Oublier Kafka et Ubu, et économiser 7,5 Md€, le coût de fonctionnement annuel de la complexification de l’organisation de la vie publique, entre les territoires et l’Etat, organisation engluée dans les compétences croisées et les doublons de multiples dispositifs sur un même sujet. Exercice de synthèse pour Boris Ravignon, Maire de Charleville-Mézières et Président d’Ardenne Métropole, invité de ce Congrès en sa qualité d’auteur d’un rapport aussi instructif que mal né. Instructif parce que parfaitement au coeur de la crise financière étatique, avec constats et propositions. Mal né parce que remis à l’exécutif quelques jours avant la dissolution de juin 2024 de l’Assemblée Nationale. Et l’on sait depuis que l’urgence est dans le redressement des comptes de la Nation et pas forcément dans une nouvelle réforme territoriale, laquelle cependant pourrait bien être source d’économies. En vingt minutes, Boris Ravignon donne l’essentiel d’un rapport de 240 pages, riche de 36 propositions concrètes sur trois grands thèmes :
- Revoir la décentralisation française pour associer toujours à l’attribution d’une responsabilité politique le transfert de compétences cohérentes et la disposition des moyens financiers nécessaires
- Mieux respecter le principe de libre administration dans la création de normes applicables aux collectivités territoriales
- Simplifier les normes pesant sur les collectivités territoriales.
Boris Ravignon fustige ce qu’il appelle la « schématologie », surtout lorsqu’elle n’est pas prescriptive. Il s’interroge ainsi à propos du financement d’un projet d’achat de vélos électriques par une petite commune : « Une ligne Europe, une ligne État, une ligne Région, une ligne Département, une ligne Intercommunalité et une ligne autofinancement de la commune… Un milliard d’euros de paperasserie en tout genre, voilà ce qu’il en coûte à la France, chaque année ».
Le Président d’Ardenne Métropole, intentionnellement ou pas, lance : « Attention à l’interventionnisme de certaines collectivités dans des domaines à compétences partagées ». Il expose les fausses pistes à écarter comme celle d’une décentralisation est qui serait allée trop loin, ou celle du grand soir qui privilégierait la suppression de tel ou tel niveau d’administration. En conclusion, Boris Ravignon souhaite plus de fusions de communes et d’intercommunalités, parce qu’il faut se rapprocher pour mieux travailler ensemble, le réalignement des responsabilités en matière de politiques publiques et l’attribution en cohérence des compétences à chaque strate. Bref, aller vers une décentralisation plus efficace, clarifier les responsabilités, encourager les regroupements de territoires et parvenir à un maximum de simplifications normatives.
romain royet, préfet de la marne, l’énergie, le foncier et l’eau
Invité à clore les débats de cette 73e assemblée générale des Maires et présidents d’intercommunalités de la Marne, Romain Royet, nouveau Préfet de la Marne, a précisé, tel qu’il le percevait, le triptyque du développement du département : l’énergie, le foncier et l’eau. L’énergie éolienne et des chiffres qui marquent : 600 machines en service, 250 autorisées et en instance de branchement et 180 en instruction, donc à ce stade un millier potentiel d’éoliennes dans le département. « Attention à la saturation, précise le Préfet de la Marne, celle du raccordement comme celle qui concerne le paysage et la qualité de vie des habitants… Pour le photovoltaïque, c’est un peu la même chose.
Ne pas confondre, nous ne sommes ni dans le Far West, ni dans l’Eldorado ». En matière de foncier, avec un ZAN, incontournable quel que soit le nom qu’on lui donnera à l’avenir ou le dispositif qui le portera, avec des souplesses et une sobriété foncière qui s’impose, pour Romain Royet : « Les espaces naturels et agricoles ne sont pas des ressources inépuisables ». Enfin, en ce qui concerne l’eau : « C’est une demande sociale, en qualité comme en quantité, même si le sujet est complexe et demande des changements de pratique, au niveau de l’industrie comme de l’agriculture ou des loisirs ».