Collectivités

La Marne rejoint la moitié des Départements français financièrement fragilisés

Finances. Le Conseil Départemental de la Marne, jusqu’ici en résistance, affiche plus de dépenses, contraintes à près de 80%, que de recettes. Il affiche donc, à son tour, un projet de budget 2025 déséquilibré qu’il soumet à l’Etat, via le Préfet.

Lecture 6 min
Photo du Conseil Départemental de la Marne
Jean-Marc Roze : « Nous sommes victimes du sérieux et de la sincérité de nos précédents budgets. Aujourd’hui, nous payons mais nous ne décidons pas. » (Crédits : GD)

Dans son discours liminaire, le Président donne le ton : « À l’heure actuelle, nous n’avons plus aucune garantie nationale pour pouvoir finaliser la construction de notre budget sereinement » et pointe les contraintes qui pèsent sur cette construction. Des contraintes conjoncturelles, comme la crise immobilière qui amène une baisse drastique (-25 %) des DMTO, les droits de mutation à titre onéreux passeraient de 103 à 77 M€. Il s’agit de la deuxième recette du Département. Des contraintes structurelles, comme l’augmentation des charges imposées par l’État, avec par exemple + 4,5 M€ pour le RSA ou + 2,5 M€ pour l’augmentation des salaires des professions médico-sociales assumées par le Département. Jean-Marc Roze redit la noirceur des situations financières, actuelles et à venir, des départements français : 14 dans le rouge en 2023, 50 fragilisés en 2025, dont 30 dans l’incapacité de boucler leur budget. La Marne entrant dans cette catégorie, avec pour la première fois de son histoire une épargne brute annoncée négative. En conclusion de son intervention, le Président demande une vraie démarche de décentralisation : « Laissez-nous les moyens d’agir, redonnez-nous une autonomie fiscale ».

Une Assemblée unanime contre l’État

Le conseiller d’opposition, Rudy Namur, s’indigne : « Ils nous ont fait les poches, maintenant ils nous rackettent », puis s’interroge sur des pistes pour colmater les brèches : « Le gel du partenariat avec les communes, ne s’en tenir qu’au financement de nos compétences et donc plus d’aides à la culture, au sport et au tourisme, ou encore envisager une diminution des indemnités des élus, pour à peine parvenir à l’équilibre financier ? »

Julien Valentin, pour la Majorité départementale, remonte aux sources du déséquilibre budgétaire annoncé pour 2025 : « On a tout accepté du Gouvernement depuis le début des transferts de compétences sans les compensations financières correspondantes. Depuis, nous vivons au-dessus de nos moyens avec des dépenses contraintes qui pèsent 76 % du budget du Département ».

Un déficit structurel qui appelle une réforme fiscale

Charles de Courson, l’orfèvre en matière de finances, celles du Département comme celles de la Nation, lance : « L’exercice est impossible », avant d’expliquer les calculs d’économies vaines : « Revenir à nos compétences n’aboutit qu’à 6 M€, ne plus aider certaines initiatives communales ne pèse que 10 M€. On est loin de résoudre ainsi le déséquilibre de ces Orientations 2025 ». Fini le conjoncturel, Charles de Courson annonce : « On entre dans un déficit structurel qui impose de réformer les recettes du Département ». Le conseiller de la Majorité s’interroge sur la future attitude des banques ou sur les taux d’intérêt qui pourraient augmenter et esquisse une solution : « On pourrait créer une source nouvelle de recettes du genre CSG départementale ».

Dans ce débat des Orientations Budgétaires, le Président Roze esquisse : « Nous sommes victimes du sérieux et de la sincérité de nos précédents budgets… Aujourd’hui, nous payons mais nous ne décidons pas ». Puisqu’il en est ainsi, Charles de Courson suggère : « Saisir le Préfet de la Marne pour l’informer que le Département ne pourra pas respecter la règle de l’équilibre budgétaire en 2025 ». Proposition votée à l’unanimité par le Conseil départemental.

Les grands chiffres provisoires des OB 2025

Les Orientations Budgétaires 2025 du Conseil départemental, présentées par Jean-Pierre Fortuné, 2e Vice-président en charge des Finances, affichent des dépenses à hauteur de 617,9 M€ (537,1 M€ en fonctionnement et 80,8 M€ en investissement). Par rapport au Compte Administratif 2024 anticipé, les dépenses de fonctionnement augmenteraient de 4,5 %. Ces dépenses comprennent la solidarité, les infrastructures et transports, le développement et l’attractivité du territoire, les collèges, la culture, le patrimoine et les loisirs, et les moyens généraux. Les dépenses d’investissement (80,8 M€) affichent une baisse de 10,4 %.

Les grands équilibres des OB 2025 affichent des recettes de fonctionnement, hors cession, en baisse de 1,5 %, des dépenses de fonctionnement, hors intérêts de la dette, en hausse de 8 %, des intérêts de la dette en hausse de 10 % et une épargne en chute : -16,8 M€ (-154 %) pour l’épargne de gestion et -21,1 M€ (-178 %) pour l’épargne brute. Désormais négative, cette dernière passerait de 27 à -21,1 M€. Pour mémoire, cette épargne brute avait dépassé les 60 M€ en 2012. Enfin, avant reprise des résultats du budget 2024, le Département de la Marne annonce un besoin d’emprunt de 88,4 M€, contre 50 M€ au BP 2024.

Tous ces chiffres, empreints d’incertitudes conjoncturelles, seront à ajuster lors du BP 2025, « en fonction de l’attention qui sera portée par l’État sur la difficile situation budgétaire et financière des Départements, en particulier dans le cadre des mesures définitives de la loi de finances, de l’évolution des DMTO, de l’attribution et du montant du fonds de sauvegarde et de la situation économique et de l’emploi ». Patience donc.