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La loi 3DS : nouvelle étape de la décentralisation

Décentralisation. Après plus de deux ans de gestation, la Loi 3DS vient d’être promulguée. Plus qu’une nouvelle étape de la décentralisation, elle se présente comme l’une des phases de la différenciation, une adaptation législative répondant aux spécificités des territoires.

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Ici aux côtés de Jean Rottner, Président du Grand Est, Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales : « Ce texte est celui des femmes et des hommes qui agissent sur le terrain pour améliorer le quotidien des Français : leur logement, leur mobilité, leur santé, leur accès aux commerces, aux services publics, à leurs droits sociaux ». Gérard Delenclos

Votée par le Sénat, le 8 février, puis par l’Assemblée Nationale, le 9 février, la loi 3DS, Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification de l’action publique locale, parue au JO du 22 février, est l’une des toutes dernières lois du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Cinquante ans après l’avènement de la Région et quarante ans après les grands textes de 1982 sur la décentralisation, au terme de deux années de consultation et de travail des ministères et du Parlement, la loi 3DS, aux dires d’experts, est un texte technique qui vise à « rendre plus fluide les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales ». Parole de ministre : « Nous avons choisi de mettre de l’huile dans les rouages, d’améliorer le paysage institutionnel plutôt que de le bouleverser ». Jacqueline Gourault, alors Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, signe avec cette loi l’affirmation délicate de la différenciation, telle qu’elle figure d’ailleurs dans la construction de la Collectivité Européenne d’Alsace que la Ministre a su faire aboutir.

UNE DIFFÉRENCIATION ADAPTÉE AUX PARTICULARITÉS LOCALES

Les régions et les départements pourront formuler des propositions d’évolution législatives pour adapter le droit à leurs besoins. Le pouvoir réglementaire des collectivités sera étendu à de nouveaux domaines. Les communes et leurs intercommunalités pourront conjointement effectuer des transferts de compétences, comme par exemple l’entretien de la voirie. Les intercommunalités pourront être reconnues autorités organisatrices de l’habitat (AOH). La loi prône davantage de souplesse dans la répartition des compétences entre communes et intercommunalités. Le transfert de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités sera précédé d’un débat avec les communes sur les modalités de sa mise en œuvre. Les syndicats d’eau intracommunautaires existants seront maintenus dans leur délégation, ou supprimés par décision de l’intercommunalité. La coopération transfrontalière sera renforcée : créations possibles de sociétés publiques locales d’intérêt commun et réalisations de stages d’apprentissage, juridiquement sécurisés, dans les entreprises étrangères.

UNE DÉCENTRALISATION AU SERVICE DE LA REVITALISATION LOCALE

Les régions pourront se voir déléguer une partie du fonds chaleur et du fonds économie circulaire de l’ADEME, l’Agence de maîtrise de l’énergie. Les PLU, Plans Locaux d’Urbanisme, pourront délimiter les secteurs d’implantation futures d’éoliennes et la consultation des communes limitrophes s’impose sur ce sujet. L’investissement des collectivités dans la biodiversité et le développement d’énergies renouvelables seront facilités. La loi SRU, Solidarité et Renouvellement Urbain, qui impose à certaines communes et selon leur taille des quotas de logement sociaux, est pérennisée au-delà de 2025 et mieux adaptée aux contraintes locales, notamment par la possibilité d’adapter la production de logements sociaux aux contraintes locales (possibilité de mutualiser les objectifs à l’échelon intercommunal).

Environ 10 000 kilomètres de routes nationales, d’autoroutes non concédées ou de portions de voies du domaine public seront proposés à la décentralisation, sur la base du volontariat, aux départements, aux métropoles et, à titre expérimental aux régions. Les collectivités devenues gestionnaires de réseaux pourront y installer des radars automatiques. Sur le territoire de la Champagne-Ardenne, les voies concernées sont, entre autres, l’A34 (Reims, Sedan, la Belgique), la RN4 (Paris, Strasbourg), la RN51 (Epernay, Reims, Charleville-Mézières), la RN77 au sud de Troyes ou la RN67 au nord de Chaumont. Les régions ont également la possibilité de se voir transférer la propriété des petites lignes ferroviaires et la gestion des gares. Les départements seront désormais chef de file en matière d’habitat inclusif et d’adaptation du logement au vieillissement de la population. Les métropoles pourront se doter d’un centre intercommunal d’action sociale. Une autorité fonctionnelle sera instaurée dans les collèges et les lycées. Elle concerne, en phase avec les compétences en matière de restauration scolaire, d’entretien général et de maintenance des équipements, les gestionnaires qui interviendront sous l’autorité des exécutifs des départements et des régions, sans aucune incidence sur le champ pédagogique.

DÉCONCENTRATION ET SIMPLIFICATION A MINIMA

Avec la différenciation et la décentralisation, on est dans le domaine du volontariat et de l’expérimentation, pour qui veut et pour quelque temps. Autant dire, à la lecture du texte de loi, que le troisième D de la loi et le S de la simplification sont plutôt au régime sec. Rapprocher l’Etat du terrain et faciliter l’action publique territoriale sont pourtant des axes fondamentaux de la décentralisation. A moins que cette dernière ait atteint ses limites. Du côté de la déconcentration, la loi précise que le Préfet de Région est désormais Délégué territoriale de l’ADEME et de l’Office français de la biodiversité, dans un souci de cohérence de l’action de l’Etat. Le Préfet de bassin présidera le Conseil d’administration des agences de l’eau. Les préfets de département pourront se voir déléguer l’attribution des crédits de dotation de soutien à l’investissement public local (DSIL).

Enfin, le Cerema, établissement public de l’Etat qui fournit des prestations d’ingénierie en matière de poli- tiques publiques d’aménagement, deviendra un outil commun de l’Etat et des collectivités qui choisiront d’y adhérer. Du côté de la simplification, la loi veut faciliter les démarches des citoyens en matière de droits et prestations, en organisant l’échange d’informations entre administrations. Les communes alimenteront une base nationale des adresses à l’usage des services publics et privés. La transparence des entreprises publiques sera renforcée, les règles de prévention des conflits d’intérêt des élus représentant leur collectivité dans des structures tierces seront clarifiées. Les chambres régionales des comptes pourront être mobilisées par les départements, les régions et les métropoles pour évaluer leurs politiques publiques et leurs projets d’investissements structurants.