« Il faut repenser les activités des trois aéroports intermédiaires régionaux »
Aéroportuaire. En attendant le rapport de la Chambre Régionale des Comptes, mandaté par la Région, le CESER vient de rendre son avis sur la politique de soutien aux plateformes aéroportuaires du Grand Est. Sans surprise, ce double constat : accessibilité et intermodalité d’un côté, diversification des activités d’un autre.
En février dernier, le Président du Conseil régional a saisi la Chambre Régionale des Comptes (CRC) pour la réalisation d’une évaluation de la politique de soutien aux plateformes aéroportuaires du Grand Est et a, par ailleurs, sollicité la contribution du Conseil Économique, Social et Environnemental Régional (CESER) sur le même sujet. Les trois aéroports régionaux de taille intermédiaire (flux annuel inférieur à 3 millions de passagers), Vatry, Metz-Nancy-Lorraine et Strasbourg Entzheim, soutenus financièrement par la Région, ont été évalués par le CESER à partir de trois questions clés : le soutien a-t-il contribué à un modèle économique et financier soutenable ? Les trois aéroports contribuent ils à l’attractivité des territoires ? Cette politique de la Région favorise-t-elle la limitation de l’impact environnemental de ces infrastructures ? La mission du CESER est d’apporter l’éclairage de la société civile (entreprises, professionnels non-salariés, syndicats, acteurs de la vie collective et personnalités qualifiées) sur ces thèmes.
En introduction à son rapport, le CESER note que les aéroports intermédiaires maintiennent leur activité grâce aux subventions de fonctionnement. En matière de concurrence, les trois aéroports régionaux sont dans une situation frontalière avec des aéroports qui bénéficient parfois de règles fiscales plus attractives. De plus, ils sont au voisinage de grands hubs de fret, comme Liège, Amsterdam, Bruxelles, Luxembourg ou Bâle-Mulhouse.
Près de 40 M€ depuis la création du Grand Est
Le CESER cite le rapport de présentation de l’évaluation produit par la CRC Grand Est (évaluation à rendre au premier trimestre 2025) : « Les trois plateformes ne sont pas parvenues à trouver un modèle économique soutenable leur permettant, a minima, d’équilibrer leurs dépenses et, plus globalement, de financer une partie de leur cycle d’investissement portant sur les infrastructures et équipements aéroportuaires. » Le CESER rappelle qu’entre 2016 et 2023, la Région Grand Est a soutenu, en fonctionnement et investissement, les trois aéroports régionaux à hauteur de 39,7 M€ (17,2 M€ pour Metz-Nancy-Lorraine, 13,9 M€ pour Strasbourg-Entzheim et 8,6 M€ pour Vatry).
Sur la base du contexte de fragilité de l’activité des aéroports régionaux (concurrence, équilibre d’exploitation dépendant des subventions, rapport de force en faveur des compagnies aériennes à bas coûts, contraintes réglementaires), le CESER insiste sur l’attractivité économique induite, y compris en termes d’emplois, sans pour autant se focaliser sur le seul prisme du trafic commercial et évoque la coexistence de plateformes spécialisées. Il faut repenser les activités des aéroports régionaux. En termes de transition énergétique, le CESER imagine la production de carburant vert destiné à l’aviation ou l’implantation de photovoltaïque (déjà partiellement le cas pour Vatry), et questionne la coopération entre les aéroports régionaux et voisins (Bâle-Mulhouse, Baden-Baden, Luxembourg et Paris). S’agissant de Vatry, « Il pourrait développer son activité cargo au-delà du périmètre européen en visant le marché chinois, par exemple. » Côté diversification, le CESER revient sur des pistes déjà évoquées : maintenance, recyclage et démantèlement d’aéronefs. Autant d’activités qui existent ailleurs, y compris dans le Grand Est.
Accessibilité et intermodalité : deux conditions pour réussir
Abordant l’attractivité des territoires, le CESER reconnaît la capacité d’attractivité à travers le trafic de passagers et de fret, pour peu que l’accessibilité aux infrastructures aéroportuaires le permette par une intermodalité favorisée, par exemple par des liaisons ferroviaires. « Il est nécessaire d’intégrer à la politique de soutien aux plateformes aéroportuaires une desserte adaptée et performante des aéroports pour les transports en commun ou des solutions alternatives à la voiture individuelle. » Le développement des aéroports passe aussi par l’amélioration des transports en commun. Le CESER revient sur l’idée d’une jonction entre la LGV Paris-Strasbourg et l’aéroport de Vatry. Il insiste sur la nécessité d’une stratégie aéroportuaire régionale définissant les fonctions de chaque aéroport, les complémentarités et l’environnement aéroportuaire national et international, accompagnée d’un plan d’actions précis.
La diversification, un marché en voie de saturation
Le CESER analyse la diversification des activités aéroportuaires, notamment la maintenance, le démantèlement et le recyclage des avions, un marché en plein essor avec un potentiel important. Des exemples comme Tarbes (Tarmac Aerosave), Châteauroux (Vallair et Paprec), ainsi que des développements récents à Metz-Nancy-Lorraine, témoignent de cette tendance. Le rapport souligne la surcapacité de certains aéroports, en particulier Vatry, en termes de fret et de passagers, et examine les ratios bilan/capacité pour chaque aéroport.