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Hervé Lapie : « Le vrai écolo c’est le paysan »

Agriculture. Le plan de mesures gouvernemental estimé à 400 millions d’euros - auquel il faut ajouter plus de 200 millions pour l’abandon de la hausse du GNR agricole - a provoqué une trève dans le mouvement des agriculteurs en attendant d’autres résultats qui seront issus des réunions de travail qui débutent dans les préfectures.

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Photo d'Hervé Lapie
Le marnais Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA et président de la FDSEA de la Marne attend beaucoup des travaux engagés dans les préfectures. (Crédit : BB)

La colère n’a pas disparu, la mobilisation non plus. Mais l’heure est au travail, annonce la FNSEA. Les trois salves d’annonces gouvernementales ont momentanément convaincu les principaux syndicats d’agriculteurs, notamment la dernière en date, celle du jeudi 1er février, qui a permis les avancées les plus significatives. Un plan de mesures à hauteur de 400 millions d’euros - dont 150 millions d’euros en soutien fiscal et social pour les éleveurs dès 2024 - auquel il faut ajouter plus de 200 millions d’euros pour les mesures concernant l’abandon de la hausse sur le GNR agricole. Dès vendredi matin, la FNSEA et les JA ont donc annoncé la suspension des barrages pour permettre d’engager les discussions et les travaux avec les services de l’Etat.

« Une partie des annonces vont dans le bon sens mais nous avons encore des sujets sur lesquels nous n’avons pas suffisamment de réponses. Dès lundi (5 février, NDLR) nous allons engager un gros travail en préfecture pour travailler sur les questions de simplification administrative », indique Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA et président de la FDSEA de la Marne.

« Si le résultat n’est pas à la hauteur de nos attentes nous reprendrons nos actions », prévient-il. Ce dernier, au cœur des négociations depuis le début du mouvement des agriculteurs, a senti « une prise de conscience du malaise agricole de la part du Premier Ministre, qui a mesuré la dimension du sujet ». Une écoute qui, seule, ne suffira pas, tant les agriculteurs sont dans l’attente de mesures fortes. « Cela fait trop longtemps que ça dure et le chantier est tellement énorme que ce ne sont plus des braises qui couvent, aujourd’hui ce sont des flammes », prévient Hervé Lapie qui, en tant que secrétaire général, a été de toutes des négociations pendant les deux semaines de mouvement.

Attente de réponses au niveau européen

Parmi les motifs de satisfaction de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, la suppression de la taxe sur le GNR (Gazole Non Routier), la pérennisation de la TODE (importante notamment pour tous les employeurs de main d’œuvre saisonnière), des mesures de défiscalisation pour la relance de la filière bovine, des mesures sur la crise viticole avec des programmes d’accompagnement à l’arrachage…

D’autres annonces plus générales ont été faites comme le renforcement de la loi Egalim, la non-signature du traité UE-Mercosur, une réflexion sur la création d’une force européenne de contrôle contre la fraude, la mise à l’arrêt du plan écophyto, la promotion de l’étiquetage de l’origine des produits au niveau national et européen, l’inscription dans la loi du principe de souveraineté agricole et alimentaire, des mesures contre la concurrence déloyale, l’accélération du plan eau… un vaste chantier auquel ont déjà réfléchi les syndicats agricoles.

« Nous avons travaillé à 120 mesures au niveau de la FNSEA et des JA, que ce soit pour l’élevage, la viticulture, l’emploi, les grandes cultures, les revenus… Les annonces gouvernementales vont plutôt dans le bons sens mais il manque encore beaucoup de réponses au niveau européen », insiste Hervé Lapie. « Nous voulons obtenir une simplification administrative le plus rapidement possible dans l’intérêt de tous les paysans ».

Une trève jusqu’au SIA

Au cœur des points d’interrogations qui restent à éclaircir, la suppression pure et simple du conseil stratégique ou la révision du cahier des charges sur la jachère sont des éléments qui devraient animer les discussions au cours des prochains jours. « Nous avons des dérogations pour la jachère mais nous ne savons pas comment nous pouvons la cultiver », rappelle le secrétaire général de la FNSEA. « Par exemple, je suis chef d’entreprise et je cultive 140 hectares avec mon frère. Aujourd’hui on me demande de ne pas cultiver 6 hectares, sur lesquels je ne créé pas de valeur alors que j’ai des charges à payer et que l’on a de plus en plus besoin de produire. »

Au sujet des ZNT aussi, la question devra être tranchée sans attendre, estiment les représentants de la FNSEA. « Nous sommes le seul pays en Europe à mettre en place ces zones de non traitement avec des chartes qui nous mettent en insécurité juridique. Ce sont des sujets qui sont des irritants pour tous les agriculteurs ».

Autre point d’achoppement : les accords de libre échange et les fameuses clauses miroir réclamées par les producteurs français. « Nous demandons des accords de libre échange équilibrés pour que la marchandise qui entre chez nous respecte au minimum les mêmes règles qui sont imposées aux agriculteurs français. »

Les représentants de la FNSEA seront particulièrement attentifs aux sujets continentaux, d’où viennent les inquiétudes de décroissance liées au Green Deal européen, d’autant plus quand les Etats décident de surtransposer. Pourtant, rappelle Hervé Lapie, les agriculteurs n’ont pas besoin de cela pour prendre soin de la terre. « Le vrai écolo aujourd’hui c’est le paysan. C’est celui qui connaît le mieux la nature et qui en prend soin. Des solutions, nous en avons sur nos fermes ».

Des solutions qui seront notamment présentées sur le Salon International de l’Agriculture, dès le 24 février à Paris (voir ci-dessous), l’échéance accordée par les agriculteurs au gouvernement pour disposer des mesures fermes et concrètes avant de décider de la reprise du mouvement ou non.