Gérald Darmanin segmente l’offre de prisons selon le profil des détenus
Sécurité. Le ministre de la Justice lance les 50 premières cellules du quartier de semi-liberté en préfabriqué au centre de détention de Troyes-Lavau. Un moyen d’adapter les conditions de détention en fonction du profil des détenus.
Les premiers quartiers de semi-liberté (QSL) devraient être inaugurés en novembre 2026 à la prison de Troyes-Lavau. Pour répondre au manque de place – 6 000 détenus disposent d’un matelas au sol à ce jour en France – et tandis que le nombre de prisonniers continue d’augmenter, + 6,6 % en 2024, Gérald Darmanin, ministre de la Justice, veut « changer la politique carcérale en classifiant les établissements selon la dangerosité des détenus ». Les appels d’offres ont été actés fin octobre et la production des modules va pouvoir commencer en usine pour accélérer la construction de QSL. Il s’agit ainsi de différencier et d’adapter les conditions de détention en fonction des détenus. Les QSL doivent leur permettre de suivre des activités pour préparer leur sortie à proximité et réaliser des travaux d’intérêt général favorisant leur réinsertion. « En France, il y a, sur les 85 000 détenus, 16 000 auteurs de délits routiers. Les gens qui sont auteurs de délits routiers dont le juge a considéré dans sa grande indépendance qu’il fallait mettre en prison, n’ont pas besoin de la même sécurité, ni du même de besoin de réinsertion que quelqu’un condamné à 20 ans de prison parce qu’il a été l’auteur de plusieurs assassinats », poursuit le Garde des Sceaux.
Sécuritaire mais deux fois moins cher
Les QSL seront accolés aux établissements pénitentiaires mais à l’extérieur de l’enceinte, permettant d’externaliser les parloirs ou l’accès aux soins, les détenus étant plus autonomes. Construits en usine en 3D ou 2D, les modules préfabriqués en béton, béton-acier ou béton-bois, seront ensuite assemblés sur site. Une conception livrable en 18 mois, au lieu des cinq ans requis pour la construction d’une prison traditionnelle, qui permet de réaliser les économies d’échelle d’un process industriel prédéfini. 1 500 places sont ainsi installées dans 17 centres en France métropolitaine et à la Réunion, pour un investissement de 200 000 euros la place au lieu de 400 000 euros dans une prison traditionnelle. Pour autant, les systèmes constructifs retenus garantissent la qualité, la pérennité et la sureté des exploitations. « On ne fait pas du modulaire pour faire “cheap” », explique Guilhem Blanchard, directeur de l’agence publique pour l’immobilier de la justice.
Le Garde des Sceaux a ainsi fait le tour des établissements pénitentiaires de l’Aube lundi dernier et lancé le premier chantier de QSL en préfabriqué pour les personnes détenues en semi-liberté. Les cinquante places construites à Lavau s’ajoutent aux 20 places disponibles à ce jour.
De Clairvaux à Villenauxe-la-Grande
« Ce n’est pas évident d’avoir des élus extrêmement courageux à quelques mois des échéances électorales. On en a besoin pour la sécurité de nos concitoyens. On ne peut pas être à la fois celui qui veut de l’hyper sécurité partout et, en même temps, ne pas construire de prison chez soi », souligne le ministre de la Justice, saluant la politique sécuritaire menée notamment par le maire de Troyes, François Baroin. Gérald Darmanin a débuté son périple aubois à Clairvaux. Un site qui enfermait 80 détenus condamnés à de lourdes peines et qui contribuait largement à l’économie locale. L’ancienne prison, aujourd’hui propriété du ministère de la Culture, pourrait rechanger d’affectation. « Ce que j’ai vu est assez différent de ce qu’on m’en a dit. Nous avons fermé un site alors que nous avons besoin de prisons en France, cela peut être a priori paradoxal. Je ne vais pas donner un avis comme cela, je fais attention à l’argent public. Je vais essayer de comprendre ce qui a poussé un de mes prédécesseurs à fermer un site, alors que nous avons besoin de prisons en France ». Gérald Darmanin ouvre donc le dossier de Clairvaux, soutenu par les élus du territoire et les parlementaires. « Devant les enjeux très importants que nous avons contre l’islamisme radical, contre la criminalité organisée, nous ne pouvons pas balayer d’un revers de la main un site comme celui-ci. »
Réflexion, réunion, discussion et sans doute retour à Troyes sont au programme pour statuer du projet à donner à Clairvaux, site sur lequel il a rendu hommage au personnel de l’ancienne prison. Gérald Darmanin s’est d’ailleurs prononcé sur les conditions des agents : « Nous recrutons cette année 1 000 agents pénitentiaires supplémentaires. Ça ne rattrapera pas toutes les difficultés des temps passés, mais ça va les rattraper en partie », saluant les arbitrages budgétaires favorables au ministère de la Justice. « Je rappelle qu’avec l’Armée, ce sont les deux seuls ministères qui connaissent une progression très importante de leurs crédits. Ce qui se joue dans nos prisons françaises, c’est la sécurité du quotidien pour l’ensemble de nos concitoyens. Trop de gens organisent leur trafic, utilisent des téléphones, commanditent des assassinats depuis leur prison ».
Ouverture de qsl et de qhs
Le ministre se rendait justement à Villenauxe-la-Grande dans l’après-midi après une séance au Palais de Justice où il a rencontré les représentants du barreau de Troyes. Une prison prête à recevoir 200 détenus, fermée en partie faute de personnel. « C’était un peu absurde d’avoir des prisons vides alors que nous en avons besoin. J’ai pris des décisions et je remercie les syndicats de la pénitentiaire qui m’ont accompagné pour réarmer cette prison en nombre d’agents et la rouvrir ». Un arbitrage assorti d’un récent décret qui statue sur l’augmentation de rémunération des agents.
Le centre pénitentiaire de Troyes-Lavau a quant à lui ouvert en décembre 2023 après la fermeture de la prison Hennequin du centre-ville de Troyes. Sur les 25 hectares, il accueille 440 détenus hommes sur les 476 places disponibles, soit un taux d’occupation de 93 %. « Nous sommes dans un établissement à sécurité adaptée, sans mirador, ni filet anti-hélicoptère », précise Danièle Boilée, directrice du centre pénitentiaire de Troyes-Lavau. L’établissement d’insertion active abrite des infrastructures qui permettent de travailler sur la prise en charge des personnes détenues pour prévenir la récidive avec un pôle de réinsertion et de prévention de la récidive. Une prison récente, dont l’extension en préfabriqués préfigure les prisons de demain avec des équipements et un fonctionnement moins coûteux, prévus pour les détenus en semi-liberté qui retournent en cellule le soir. À l’opposé, le Garde des Sceaux construit aussi des quartiers de haute sécurité, QHS, pour les narcotrafiquants et la grande criminalité, comme dans les prisons du Pas-de-Calais et de l’Orne.