Franck Leroy, un 10e anniversaire entre satisfaction et volonté d’obtenir un pouvoir normatif régional
Grand Est. Entretien avec Franck Leroy, président de la Région Grand Est.

Un commentaire sur le redécoupage de la Loi de 2015.
J’ai été choqué par la manière de construire cette loi. Pas de concertation, comme si tout avait été décidé sur un coin de table. Aujourd’hui, très objectivement, la majorité des présidents de Région estime ce redécoupage pertinent. Le législateur voulait donner aux Régions françaises une force de frappe équivalente à celle des autres régions européennes. La réforme y est parvenue. Cinq régions françaises (enquête Ernst et Young) apparaissent désormais dans les Régions les plus attractives d’Europe. Parmi elles figure bien le Grand Est.
Des Régions plus grandes sont-elles des Régions plus fortes ?
Oui, sans hésitation. Le rapport de force a changé, ne serait-ce qu’avec des institutions comme la SNCF ou EDF, par exemple. Nous avons désormais des relations d’égal à égal avec ces partenaires pour lesquels nous pesons 5,5 millions d’habitants, clients ou abonnés.
Du budget 2016 au budget 2024, on note une augmentation de 70% des dépenses. Imparable ?
Nous dépensons plus et surtout en investissement. Nous avons voulu que la Région devienne un moteur de l’investissement local. Nous sommes en 2024 la première Région de France pour l’investissement par habitant.
Aujourd’hui l’Etat cherche des économies, les trouvera-t-il en dotant encore moins les Régions ?
Nous percevons de moins en moins de dotations de l’Etat. Sortir des dotations, remplacées par une fraction de la TVA, c’est un progrès.
Une autre source de financement : l’emprunt et sa conséquence directe l’augmentation de la dette. Jusqu’à quel niveau pour le Grand Est ?
En matière de dette et comparativement aux autres régions, nous sommes plutôt bien situés. Notre dette est vertueuse, elle paie l’investissement et non le fonctionnement. En moyenne par année, l’investissement du Grand Est progresse de 10%. Le devenir des territoires dépend pour beaucoup de leur capacité d’investissement. Nous investissons parce que nous sommes capables de rembourser. Si l’Etat nous fait les poches en matière de fonctionnement, il est clair que nous devrons ralentir nos investissements qui représentent 70% des dépenses publiques en la matière. Si tout le monde arrête d’investir, c’est la croissance qui chute et avec elle une entrée en récession.
Parallèlement à la loi sur le redécoupage, la loi NOTRe a maintenu les compétences partagées avec d’autres collectivités. Un bien ou un mal ?
Les compétences partagées, la culture, le sport, le tourisme, par exemple sont assez marginales et surtout dans nos investissements. C’est la loi qui a décidé ces compétences partagées.
Êtes-vous favorable à un pouvoir normatif des Régions ?
Evidemment, je suis favorable à ce pouvoir normatif. Il faut rapprocher les centres de décisions et les citoyens. Les meilleures décisions viennent du terrain. Plus d’agilité, plus de rapidité et plus de capacité à répondre aux situations d’urgence. Je suis donc favorable à encore plus de décentralisation.
Quant au pouvoir réglementaire, chaque Région ayant ses propres problématiques, je suis également favorable à une adaptation locale de la loi. Chaque Région devrait pouvoir adapter la loi, évidemment avec mesure. Par exemple aborder les problématiques spécifiques à une Région frontalière comme le Grand Est. Et pourquoi ne pas doter de ce pourvoir réglementaire les présidents et les préfets de Région ? Il est plus facile de régler des problèmes de ce genre avec un préfet qu’avec un ministre.
La Région Grand Est idéale, dans dix ans ?
On conserve l’actuel périmètre. Une Région toujours stabilisée dans une majorité solide. Encore plus de décentralisation. L’avènement d’une gestion de terrain encore plus forte. Et un Etat concentré sur ses missions régaliennes.
Et sur le gâteau d’anniversaire, le 4 janvier prochain ?
Trois réussites parmi bien d’autres : le déploiement de la fibre optique dans la totalité de la Région, jusqu’au plus petit village, la 9e région, sur 242, la plus attractive d’Europe, l’augmentation considérable de l’offre de transport ferroviaire.
Propos recueillis par Gérard Delenclos