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Entre dépenses contraintes en inflation et recettes en baisse, la Marne plaide pour une autonomie fiscale

Finances. En amont du vote du Budget Primitif, le Président Jean-Marc Roze fait le point sur la situation financière préoccupante du Département, sur les dossiers majeurs et sur la volonté de l’exécutif départemental se sortir de la quasi-tutelle financière de l’État.

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Photo de Jean-Marc Roze
Jean-Marc Roze. (Crédits : GD)

Le Département de la Marne a toujours été bien géré, au plus près de ses moyens et de ses dépenses. Quand il exprime ce constat, le Président Roze n’est pas loin d’émettre un regret « Comme nous sommes de bons gestionnaires, l’attribution par l’Etat de la fraction de TVA à la Marne est moindre que pour d’autres Départements ». Autrement dit : on sanctionne les bons élèves.

« Cette année, poursuit-il, une fois nos crédits remboursés, nous serons à zéro du côté de notre épargne, donc à moins de s’endetter, plus de possibilité d’investir. Notre chance est que notre Département est peu endetté et que nous pourrons encore investir en 2025 et 2026, mais vraisemblablement pas au-delà ».

Et, comme gérer c’est prévoir, le Département, dès le mois de juin dernier, a reconsidéré son guide du partenariat avec ses territoires, notamment en privilégiant ses aides à l’investissement et, désormais, en priorité vers les petites communes, ces dernières en ayant moins de moyens que les autres. Ces aides s’élevaient à 12 M€ pour l’ensemble des communes. Elles passent à 6 M€, c’est-à-dire le maintien intégral de l’existant pour les petites communes.

Près d’un quart de recettes en moins pour les DMTO

À propos des DMTO, Droits de Mutation à Titre Onéreux, plus connus sous le label droits de notaire, le record de perception pour la Marne remonte à 2022 avec 103 M€. En 2023, ces droits ont rapporté 83 M€, une baisse issue du ralentissement du marché de l’immobilier. En 2024, le Département ne bénéficie plus que de 78 M€ et donc 25 M€ de recette perdus en deux ans (-24,3%).

En face, les dépenses sociales obligatoires de la Marne ont progressé dans le même temps de 50 M€. Somme toute, un manque budgétaire de 75 M€. Pour rappel, les DMTO constituent, avec en moyenne 20%, le deuxième poste des recettes de fonctionnement, derrière les fractions de TVA.

Sur la pression de l’Etat d’imposer des économies de fonctionnement aux collectivités territoriales, Régions et Départements principalement, dans le cadre de la dette publique, Jean-Marc Roze explique à propos de ce fonds de précaution : « Le dernier projet de loi de finances, rejeté par la censure contre le Gouvernement, aurait dû coûter 21 M€ au Département de la Marne. Dans l’attente d’une nouvelle loi de finances, on parle d’une compensation deux fois moindre qu’initialement prévue. Nous sommes dans l’expectative : 10 M€ au lieu de 21 M€ ? Et de toute façon, le budget de la Marne risque bien de s’enfoncer dans le rouge ».

Le rabotage des budgets hors compétences propres

Le Budget Primitif, aussi sincère que pourra le présenter le Département à la fin janvier, ne pourra pas tenir compte de cette ponction de l’Etat à l’ampleur inconnue. Dans l’immédiat, ce BP devrait prévoir des dépenses moindres, partout où elles sont possibles. « Pour l’instant, nous rognons un peu partout, dans le tourisme, le sport, la culture… Aux alentours de 5% du budget total du Département, soit une trentaine de millions d’euros ». Le Président Roze va plus loin : « Sur le sujet de l’enseignement supérieur et surtout des grandes écoles, nous freinons nos aides dans l’idée d’arriver à ne plus du tout soutenir le fonctionnement de l’enseignement supérieur, d’ici à trois ans, conformément d’ailleurs à ce que préconise la loi notre de 2015 ».

S’il imagine mal une nouvelle tranche des DMTO allouée aux Départements, dispositif plutôt nuisible au marché de l’immobilier et principalement à l’accession à la propriété, Jean-Marc Roze revient sur les recettes : « Ce que nous souhaitons c’est rendre à l’Etat toutes nos dotations actuelles et percevoir une CSG territoriale, une fraction de cette Contribution Sociale Généralisée, qui nous donnerait enfin notre autonomie fiscale ». Une demande déjà formulée par plusieurs Départements.

Et s’il fallait s’en tenir aux compétences propres ?

Des recettes incertaines et des dépenses contraintes. Choisir de privilégier les dépenses inhérentes aux compétences propres ? Vers un retour aux strictes compétences des Départements ? Le Président du Département ne va pas encore jusque-là mais des signes sont bien présents : ne plus aider que les petites communes (aménagement du territoire), privilégier l’investissement au fonctionnement, alléger, voire à terme effacer, le soutien aux compétences partagées avec d’autres collectivités territoriales.

Pour mémoire, les compétences propres des Départements concernent l’action sociale, les infrastructures telles que les aérodromes, les ports et les routes départementales, la gestion des collèges et les aides aux communes. Le sport, la culture ou le tourisme sont des compétences partagées par toutes les collectivités locales.

Vatry reprend des couleurs et soigne son client chinois

« Le Département n’a mis que 750 000 euros en 2024 dans l’aéroport, contre des années à 3 ou 4 M€. Pourquoi ? Des améliorations dans les marges, au niveau de l’activité. Mais toujours pour l’instant déficitaire ». Le Président Roze distille avec un certain plaisir le bilan d’activité 2024 de Vatry : 11 000 tonnes de fret (+20%) 7 700 vols d’entraînement (+6%), 86 500 passagers (+25%), avant d’évoquer l’avenir : « Nous allons poursuivre notre stratégie de développement du fret aérien et multiplier les contacts, notamment en Chine pour faire émerger des nouvelles perspectives commerciales ». Notons que la Chine pèse déjà plus de la moitié de l’activité fret de Vatry.

Au voisinage de l’aéroport, les deux premières ZAC sont pleines et la troisième, sur 362 hectares, devrait se sortir du piège de la réglementation, mal aimée ici et ailleurs, du ZAN, le déjà fameux Zéro Artificialisation Nette. Ce projet de 3e ZAC répond à la volonté affichée du Département de la Marne : Intégrer une nouvelle ZAC dans un environnement existant, un aéroport et deux ZAC, afin de diversifier les activités de logistique, d’industrie et de services avec le souhait de créer un véritable hub en lien avec les activités économiques de l’aéroport. Le hub Vatry ? Une idée qui fait son chemin.

Au rang des autres sujets abordés lors de cette conférence de presse : la protection de l’enfance « priorité absolue des élus du Département », la présence de la Marne, pour une première, au Salon International de l’Agriculture de Paris, avec un stand vitrine du Made in Marne, l’ouverture d’un nouveau site Web, la fin des travaux du Collège Université de Reims (35 M€), la livraison des bâtiments du SDIS à Fagnières (15 M€), la poursuite des études sur le projet véloroute 52 et des ajustements du dispositif départemental de viabilité hivernale.