Assises de l’Attractivité : constat sévère pour objectif ambitieux
Tourisme. Les premières Assises de l’Attractivité du Grand Reims réunissant les grands acteurs économiques, associatifs, universitaire de l’emploi et de la culture, se sont déroulées au Centre des Congrès. L’objectif était de dresser un état des lieux du dynamisme et des potentialités de la collectivité, dans l’optique notamment, d’obtenir le titre de Capitale Européenne de la Culture 2028.
C’est ce qu’on appelle être « habillé pour l’hiver ». À l’issue de la matinée présentant la démarche de « marketing territorial » entamée par le Grand Reims dans le cadre de son projet de territoire, l’agence Sennse spécialisée dans l’audit et l’accompagnement des territoires, est venue délivrer, devant un parterre de personnalités locales et économiques, son diagnostic d’attractivité. Et le moins que l’on puisse dire est que le constat est particulièrement sévère. En effet, malgré les nombreuses transformations entamées depuis plusieurs années, Reims est toujours perçue à l’échelle nationale comme une « belle endormie ».
Image de « carte postale »
Cette image de carte postale, coincée entre la cathédrale et le champagne lui colle encore et toujours à la peau, peinant à trouver le souffle qui la fera passer d’une « jolie petite ville un peu élitiste » à une cité dynamique capable « de créer un grand événement populaire ». « Il y a sans doute un décalage entre l’image vécue par les Rémois eux-mêmes et celle renvoyée à l’extérieur », note Xavier Mercier, directeur associé de l’agence Sennse, précisant même étonnamment, que les Rémois ressortent « discrets et peu fiers de leur appartenance ». Un constat piquant et amer mais sans doute pas étranger à la campagne de communication de la Ville, il y a quelques années, « Je suis Rémois et fier de l’être », reprenant en logo plusieurs symboles de la cité des Sacres, de l’Ange au Sourire au Biscuit rémois en passant par le maillot du Stade de Reims ou encore le bouchon de champagne.
Et si Reims souffre d’un déficit d’image, avec en vrac des qualificatifs comme « triste », « petite », « loin de la mer et de la montagne » et « bourgeoise », la ville créée cependant « la surprise » une fois qu’on s’y rend. « Les marqueurs extrêmement forts que sont la cathédrale et le champagne ont tendance à faire oublier le reste comme la quiétude, la douceur de vivre, la campagne à quelques minutes, la facilité de mobilité… » indique Xavier Mercier. « Il y a peu de bouchons à part ceux de champagne », relève Anouk Briguet, directrice associée de l’agence Sennse, apportant un peu de légèreté au diagnostic. Pour créer une dynamique, les deux experts insistent sur la nécessité de trouver « un élément totem ».
« Il n’y a pas d’événement phare, reconnu nationalement ou internationalement qui fait rayonner la ville au-delà des frontières régionales. » Et cela en dépit d’une offre culturelle riche, avec par exemple le festival Reims Polar ou celui de la Magnifique Society. « L’offre reste perçue comme confidentielle voire élitiste. Il manque le côté populaire », pointe Xavier Mercier, nécessaire à un engouement et une ferveur explosive pour un titre de Capitale européenne de la Culture. Justement, ce titre se révèle être un accélérateur d’attractivité immense, en témoignent les retours des collectivités comme Lille (Capitale européenne de la Culture en 2004) Mons en Belgique (2015) ou Esch au Luxembourg (2022).
Des retombées économiques massives
« Il faut une saison culturelle hors-norme, exceptionnelle avec une proposition différenciante », confie ainsi François Navarro, directeur de l’agence d’attractivité Hello Lille. Ces événements créent en effet des retombées économiques massives : pour 1 euro investi par la collectivité, 3,5 ont été réinjectés dans l’économie du territoire. À Mons, les chiffres sont encore plus édifiants avec un rapport de 1 pour 5,5 euros. « À Lille, la dépense moyenne d’un touriste venu pour les événements de Lille Capitale européenne de la Culture 2004, a été de 122 € soit une retombée économique totale de 15 millions d’euros. » Après ces titres, Mons et Lille ont d’ailleurs instauré des biennales. Mais pour cela, il faut que les touristes restent sur le territoire et ne soient pas que de passage.
« Il faut deux jambes pour avancer, l’une avec une approche endogène et l’autre exogène. »
« Un problème » pour Reims où en moyenne, un touriste ne reste « que » 1,6 nuitées. « Les visiteurs ne s’arrêtent pas en dépit des offres proposées : restaurants étoilés, sites labellisés Unesco … » L’offre destinée aux familles est par exemple montrée du doigt, la destination se prêtant plus à un court séjour à deux qu’à un long en famille. Élément non négligeable, 50% des touristes rémois venaient avant la crise du Covid de l’étranger. « Avec de nouveaux équipements comme l’Arena mais également des sites totalement restaurés comme le parc des Expositions, Reims peut gagner une nouvelle clientèle de touristes d’affaires », note l’agence Sennse, insistant sur l’importance de la diversification de l’offre d’hébergement.
Néanmoins, le Grand Reims s’en sort avec une économie dynamique en termes d’innovation, avec des start-up de pointe dans les secteurs de l’aéronautique, la médecine ou encore des biotechnologies. « Le secteur de la bioéconomie est une priorité pour la région Grand Est, et le territoire rémois possède un vrai dynamisme sur ce secteur. » Pour autant, afin de pérenniser une véritable attractivité économique, le territoire « doit non seulement attirer et conserver plus de sièges sociaux mais aussi de cadres, le déficit étant de ce côté, de 400 départs par an ».
Remise en question
Pour autant, devant ce rude constat, les élus ne perdent pas leur enthousiasme : « Si nous ne souhaitions pas nous remettre en question, nous n’aurions pas payé une agence pour nous descendre devant 700 personnes », relativise Arnaud Robinet. Les deux têtes du territoire rémois livrent « prendre conscience des failles et des faiblesses... pour mieux les transcender et se sentir conforter dans les actions mises en place depuis cinq années. » « On a un territoire qui a une activité économique intense et le premier sujet c’est comment on aide ces entreprises à continuer à rester, comment notre offre est-elle attractive et comment les entreprises peuvent-elles se développer ? » exprime Catherine Vautrin, la Présidente du Grand Reims.
« Il faut deux jambes pour avancer, l’une avec une approche endogène et l’autre exogène. » Le projet Reims Grand Centre, avec un investissement ces dernières années d’1,5 milliard d’euros notamment dédié aux équipements, ainsi que le projet de territoire du Grand Reims devant remodeler par ailleurs les accès aux 143 communes devront aussi démontrer toute leur pertinence pour aider à décrocher le titre de Capitale européenne de la Culture 2028. Les acteurs économiques, associatifs et les élus répondent en tous cas massivement présents à ces enjeux, l’agence Sennse avouant n’avoir jamais eu un tel accueil, « une telle communauté rassemblée » en rendant son diagnostic.