Aéroport de Vatry, les grandes manoeuvres pour éviter la sortie de piste
Aéroport. À vendre ou pas, Vatry a un avenir. Le Département de la Marne présente le nouveau Directeur d’un aéroport qui va mettre le cap sur une stratégie à l’attention des grands opérateurs internationaux de fret. Objectif : redresser au plus vite les finances d’une structure jusqu’ici sous perfusion d’argent public.
Le temps des subventions (52% des recettes de Vatry en 2023) sera révolu d’ici à deux ans. En 2026, selon une directive européenne explicite, les collectivités territoriales ne pourront plus aider les petits aéroports en difficulté. Cela suppose un budget quasi essentiellement porté par des recettes. Pour rappel, les grands chiffres de 2023 sont assez éloquents (10,8 M€ de recettes dont de subventions) et loin des standards d’un modèle économique fiable.
Trois gestionnaires en 20 ans
Historiquement, les différents gestionnaires de l’aéroport, inauguré en 2000 sans aucune étude de marché préalable, ont fait profil bas. De l’origine à 2016 : la SEVE, Société d’Exploitation de Vatry Europort, société portée par des groupes privés et les trois CCI de Châlons-en-Champagne, de Reims et de Troyes, puis le groupement de ces trois CCI - la SEVE ayant jeté l’éponge - et désormais l’EPAGV, Etablissement Public de Gestion de l’Aéroport de Vatry, porté sous la forme d’EPIC, établissement public, par le Département de la Marne.
Que dire d’un aéroport, à l’origine essentiellement de fret et conçu pour traiter annuellement 150 000 tonnes de marchandises, qui ne réalise qu’une moyenne annuelle de 17 000 tonnes, soit 11% de sa capacité ? Que dire d’un aéroport sous perfusion d’argent public (61 M€, depuis son ouverture, soit une moyenne de 4,4 M€ par an, avec un investissement de base qui dépasse les 320 M€, dont 260 M€ à la charge du Département) ? Un bilan qui fait dire au Président Roze : « Ce n’est pas au Département de gérer un aéroport. Changer les statuts de l’aéroport va prendre du temps. L’urgence est à son développement économique ».
Répondre aux standards des grands opérateurs
Qu’on le ferme ? Impossible pour des raisons majeures, autant locales que nationales. Et sur ce sujet le Président du Département de la Marne précise : « Il faudrait que l’Etat s’intéresse aussi à la souveraineté nationale. Ce que nous souhaitons d’abord c’est que Vatry puisse fonctionner sans aides publiques. à 50 000 tonnes de fret, nous sommes à l’équilibre financier et c’est possible ». Quant aux rapports de Vatry avec ADP, Jean-Marc Roze poursuit : « Nous avons d’excellentes relations avec Aéroports de Paris (ADP). Nous avons des devoirs vis-à-vis d’ADP, mais aussi des droits. On ne ferme pas un aéroport aussi facilement ».
Qu’on le vende ? Oui, mais pas tout de suite. Nous l’avons déjà dit : pas d’investisseurs privés dans une structure qui réalise plus de 50% de ses recettes avec des subventions publiques. Des solutions ? Oui et d’origines diverses. Le développement économique est la priorité de Vatry et l’arrivée, enfin, d’un nouveau Directeur, Fabrice Pauquet, devrait signer une reconquête en ce sens. Les conditions de ce développement ? Amener Vatry aux standards exigés par les grandes compagnies aériennes, comme par exemple Qatar Airways ou Lufthansa. Former le personnel à ces standards est une condition inhérente à cette piste.
Un calendrier qui dicte les urgences
Ce redressement des comptes de Vatry s’inscrit dans un calendrier à court terme : celui imposé par l’Union Européenne avec la fin des aides publiques aux petits aéroports (2026) et les conclusions de l’audit de la Chambre Régionale des Comptes, commandé par la Région et concernant le maillage aéroportuaire du Grand Est. Pour mémoire, le Grand Est compte quatre aéroports majeurs : Bâle-Mulhouse (plus de 8 millions de passagers en 2018), Strasbourg Entzheim (1,3 million) Lorraine-Airport (280 000) et Vatry (60 000).
La démarche initiée par le Grand Est, dans sa compétence transports, vise notamment à mesurer les retombées économiques des plateformes aéroportuaires sur les territoires, à identifier leur potentiel de développement d’activités, à examiner leurs conditions actuelles d’organisation et de fonctionnement et de faire émerger des principes de coopération et de mutualisation entre elles. Les conclusions de cet audit devraient être rendues en mars 2025.
La stratégie du nouveau Directeur de Vatry
Fabrice Pauquet dispose d’une expérience professionnelle de 31 ans dans le fret aérien international : agent de piste, coordinateur d’opérations aériennes et terrestres, responsable d’opérations aéroportuaires, régulateur d’escales et Directeur d’opérations cargo… Il a travaillé, dans les secteurs fret et passager, pour FedEx, Airbus, AéroTech et Qatar Airways.
Son projet ? « Vatry est un aéroport à gros potentiel. L’idée est d’attirer des compagnies aériennes à fort potentiel et à flux réguliers, à l’importation comme à l’exportation. Il faut changer l’image de Vatry. Être plus présent sur les réseaux pour mieux qualifier les nouveaux produits que nous allons définir… Revoir l’organisation du travail… Tous les aéroports voisins ont eux aussi des problèmes… Notre communication va s’adresser aux professionnels du fret aérien. »
Un Président qui se démène
Il n’oublie pas qu’il est, en sa qualité de Président de la Marne, le Président de l’aéroport de Vatry. Jean-Marc Roze se démène sans compter. Si les récentes expéditions vers la Chine, à la recherche de clients, voire d’investisseurs, le laissent perplexe : « Un pays difficile », c’est vers Paris que certaines démarches vont bientôt le conduire.
Un premier rendez-vous est déjà fixé entre lui, Franck Leroy, Président du Grand Est, Valérie Pécresse, Présidente de l’Ile-de-France et Augustin de Romanet, Président d’ADP, sur le sujet d’une possible complémentarité entre Roissy et Vatry, sur le thème de la saturation aérienne parisienne. Un second est suspendu à l’agenda : un entretien des Présidents Leroy et Roze avec le Premier Ministre, Gabriel Attal, avec comme sujet un aéroport qui a de l’avenir, pour peu que l’état s’y intéresse.