2026, l’année charnière pour l’avenir de XCR Airport
Transport. En 2026, avec ou sans Ryanair, avec la fin de l’argent public, directive européenne pour soutenir les petits aéroports, et vraisemblablement avec un renforcement du partenariat avec la Chine, faiseuse d’activité mondiale de fret aérien, XCR Airport peut survivre, voire faire beaucoup mieux.

Quelques jours avant la mission en Chine du Département de la Marne, le Conseil d’Administration de l’EPGAV, Etablissement Public de Gestion de l’Aéroport de Vatry, a voté en mars dernier le BP, Budget Primitif 2025 de XCR Airport, passant notamment par l’approbation des conventions de financement 2025 des collectivités partenaires, pour un total de 1,616 M€, contre 1,750 M€ en 2024, soit pour cette année : la Région Grand Est (533 333 €), l’Agglomération de Châlons-en-Champagne (333 333 €) et le Conseil départemental de la Marne (750 000 €). La subvention de fonctionnement émanant de la Région Grand Est ayant baissé de 20% cette année. Rappel : la Région participe également aux investissements de Vatry, avec un financement variable en fonction des demandes annuelles et devrait poursuivre en ce sens. La directive européenne sur les aides accordées aux petits aéroports prenant fin au mois d’avril 2026, comment peut-on imaginer le BP 2026 de Vatry sans ce dispositif ?
Un point d’équilibre entre 40 et 50 000 tonnes
Réponse de Jean-Marc Roze : « C’est un problème à résoudre. Sans les subventions, le point d’équilibre est aux alentours d’une activité de 40 à 50 000 tonnes de fret. Si nous n’y parvenons pas, c’est la question du devenir de l’aéroport qui se posera. XCR Airport pourrait alors fermer ou bien être cédé à une autre collectivité, comme la Région Grand Est par exemple, dans une sorte de vente à zéro avec retour à meilleure fortune ».
La piste du partenariat avec ADP, Aéroports De Paris, est-elle toujours possible ? La réponse du Président du Département de la Marne évoque un malentendu historique : « À l’origine, la création de Vatry a pu paraître comme une certaine concurrence à ADP, d’où un certain mécontentement parisien. La Direction d’ADP a changé. ADP, c’est l’Etat et l’Etat peut considérer, un jour ou l’autre, Vatry comme un aéroport stratégique, ouvert au fret sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui n’est pas le cas de Roissy. Sur ce sujet, nous allons rencontrer le plus tôt possible, le Ministre des Transports et le nouveau Président d’ADP.
Vatry existe, le fret avion mondial est en pleine croissance et des aéroports français pourvus d’une piste de près de quatre kilomètres, nous ne sommes pas sûrs d’en construire avant bien longtemps ».
À propos du vote du Budget Primitif 2025 de XCR Airport, à la ligne « Produits des services », on passe de 5,8 M€ au BP 2024 à 6,6 M€ au BP 2025 soit une augmentation de 63%, et de 11 000 à 18 000 tonnes de fret, soit également +63%. Sur quelles bases repose cette perspective d’augmentation de 63% de l’activité fret en un an ? « C’est, précise Jean-Marc Roze, une perspective de la Direction de l’Aéroport, émise par notre Directeur, spécialiste du fret international, lequel travaille sur ce dossier en permanence, divers contacts et réflexions approfondis à la clé ».
Un budget 2025 qui acte la menace de départ de Ryanair
La ligne « Aviation commerciale » du BP de XCR Airport, qui passe de 874 000 € en 2024, à 270 000 € en 2025 (-70%), prend-elle en compte les récentes menaces de départ de Ryanair ? La présentation d’un Budget Primitif sincère explique ce jeu d’écriture précisé par le Président du Conseil Départemental : « N’ayant, au moment du vote du BP de l’aéroport, aucune nouvelle de Ryanair, nous avons acté la menace de départ de la compagnie, aux dernières nouvelles vers fin octobre, et bâti un BP sans Ryanair. La compagnie étant toujours active, nous nous apprêtons à refinancer cette ligne « Aviation commerciale » lors d’une décision modificative du BP ».
Avant d’en arriver à cette mission Chine, ce constat : Vatry c’est 90% de fret chinois et 85% d’activité voyageur assurée par Ryanair, depuis 2010. Et ce rappel : la Chine et Vatry, une longue histoire qui remonte à 2012, du temps du Conseil Régional de Champagne-Ardenne, avec l’arrivée à l’époque de Yangtze River Express Airlines, vols cargo directs depuis Chengdu (3 vols par semaine, entre 20 000 et 30 000 tonnes prévues à l’année), ou celle bien plus récente de la ligne cargo Haiku (2 vols par semaine). Et aujourd’hui du fret venant d’autres provinces et aussi de Pékin.
La Chine, un partenariat à renforcer et une piste essentielle pour l’avenir de XCR Airport ? « Que l’activité fret de l’aéroport comporte 90% d’origine chinoise n’est pas un hasard, le pays étant l’un des tout premiers opérateurs mondiaux en matière de fret aérien. Que nous persévérions à croire au développement de ce marché avec la Chine, tient aussi à la volonté de la DGAC, la Direction Générale de l’Aviation Civile, laquelle nous a largement accompagnés dans notre mission ».
Les leçons de la mission marathon en Chine
Dix-sept rendez-vous en une petite semaine (du 29 mars au 4 avril dernier) à Pékin, Canton, Shenzhen et Hong Kong, des entretiens avec l’Ambassade de France et avec deux consulats français sur place, des séances de travail avec la DGAC de Chine, avec six compagnies de fret, quatre compagnies aériennes et trois directions d’aéroports … De XCR Airport, il fut longuement question dans une organisation millimétrée.
Les VRP de l’aéroport ont fait leur travail et le Président Roze retient ceci :
« Une leçon en trois temps : l’avitaillement, les droits de trafic et le fret de retour ».
À propos de l’avitaillement, le patron de Yun Express, l’une des premières entreprises chinoises de logistique, remarque : « Je paie le kérosène un euro à Roissy et 1,3 euro à Vatry, globalement un coût supplémentaire de 30 000 euros par Boeing 777 ». Donc pour pouvoir s’approvisionner à moindre coût, c’est vers World Fuel Services, négociant mondial de carburants que l’aéroport marnais se dirige pour trouver une solution.
Deuxième leçon, la quantité des droits de trafic, ou autorisations commerciales, qui découlent d’un arrangement entre les DGAC dans le monde, en fonction des volontés gouvernementales de chaque pays. Sur ce sujet, la Chine dit à Vatry, « nous pourrions faire plus avec vous, mais, nous sommes limités ». Jean-Marc Roze fait alors remarquer les excellents rapports entre XCR Airport et la DGAC française. Donc, une ouverture ? Avec en toile de fond les frictions commerciales opportunes entre la Chine et les Etats-Unis.
La troisième leçon ? Une question de rentabilité : des avions chinois qui repartent à vide de Vatry. Un message aux exportateurs régionaux ? « Nous allons nous revoir avec les Chinois, conclut Jean-Marc Roze. Je crois que d’ici à la fin de l’année nous aurons des retours positifs. À nous, à présent, de résoudre les problèmes posés par nos interlocuteurs ». Pour récolter les moissons du ciel, le Département de la Marne n’a pas rechigné à mettre les mains dans le kérosène.