Champagne / In Vino

L’image du Champagne à l’international surfe sur le mythe

Champagne. L’édition 2021 était concentrée sur la France, la 5e conférence Champagne Market Trends s’est intéressée aux défis qui attendent les opérateurs du Champagne, dès cette année et à plus long terme. à noter, encore une fois, la clarté de la restitution des enquêtes autour de l’image du champagne.

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Finlay Page, Charlotte Tortora, Stéphane Truchi et Gaëlle Egoroff
Les quatre intervenants de cette 5e édition du Champagne Market Trends : Finlay Page (Dynvibe), Charlotte Tortora (ch2 conseil), Stéphane Truchi (Ifop) et Gaëlle Egoroff (CIVC). (Crédit : GD)

Commentant la belle année 2022, le Directeur Général du Comité Champagne, en introduction de cette 5e édition, insiste sur le travail collectif et de longue date menant à la naissance du mythe Champagne : « Ce mythe doit être entretenu pour que le Champagne garde sa place dans l’esprit et le cœur des consommateurs du monde entier ».

Pour Charles Goemaere, ce Champagne Market Trends est un outil que le CIVC met à la disposition des vignerons et maisons de champagne (plus de 400 participants présents), pour mieux comprendre les marchés et les attentes des consommateurs et mieux faire connaître la singularité du Champagne. Tous ensemble, et donc pour le Directeur Général du Comité Champagne « chacun de vous doit aussi concourir à alimenter, à faire vivre ce mythe par vos actions de communication et votre présence sur les marchés ».

Experte et animatrice de talent, Gaëlle Egoroff, Directrice de la protection et de la valorisation de l’appellation au Comité Champagne, précise cette idée bénéfique du travailler ensemble : « Une dynamique d’appellation est plus facile à créer si l’on a au préalable partagé un ensemble de constats. C’est ce qui permet ensuite de se projeter sur l’avenir que l’on souhaite, d’identifier les défis face à nous et de faire émerger des actions communes ou individuelles ».

Un taux de pénétration de 20 à 44% sur les gros marchés à l’export

Des expéditions 2022 (326 millions de bouteilles) en forte hausse : + 1,6% sur un an et + 9,6% sur 2019, avec 57,5% en volume à l’export et un chiffre d’affaires record de 6 milliards d’euros, malgré l’augmentation des prix et une certaine pénurie du produit. Pour autant « ne pas s’endormir sur ces lauriers », le message fort de cette conférence. Question perfide : comment va évoluer la demande ? Certitude : les habitudes de consommation évoluent, dans le monde comme en France.

Le taux de pénétration des acheteurs de champagne dans le monde est resté stable depuis l’avant-Covid, il a progressé aux USA, au Royaume-Uni et en Allemagne. Produit courant en France (64 % des Français ont acheté au moins une fois du champagne dans les douze derniers mois), le champagne demeure plus sélectif à l’étranger, en raison notamment de son prix plus élevé (entre 20 % pour le Japon et 44 % pour l’Italie, en passant par les 33 % des USA ou les 43 % des Britanniques).

La croissance des ventes vient en grande majorité de l’augmentation de la fréquence d’achat au verre (+ 24,5 % aux Etats-Unis, + 21,9 % en Australie, + 17,7 % en Allemagne et, par comparaison, + 16,7 % en France).

Les experts à la tribune constatent d’autres évolutions. Si 36 % des occasions de consommer du champagne concernent les célébrations officielles (mariages ou fêtes annuelles), les petites célébrations montent en puissance : occasions romantiques, repas gastronomiques et autres nouvelles tendances sociétales assimilables à un véritable hédonisme (vacances, brunch, afterwork, voire boire du champagne sans aucune occasion particulière, selon la classification amusante « Why not ? », un segment qui pèse 14% des occasions de boire du champagne dans le monde.

C’est en sortant des grandes occasions que le champagne se modernise et touche des générations plus jeunes. Il est de plus en plus consommé par choix et non obligatoirement en accompagnement d’un évènement. Le champagne fait aussi du pique-nique.

Une présence de plus en plus forte sur les réseaux sociaux

Le champagne bénéficie d’une présence forte sur les réseaux sociaux, avec des taux de commentaires positifs dans 90 % des cas, une popularité mondiale exceptionnelle. Un commentaire parmi d’autres : « Sur les médias sociaux, seul le Champagne, avec son image de luxe et d’exception, permet de conférer un certain statut à un moment de vie spécifique ».


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Le champagne sublime l’évènement. Sur les photos, la vedette c’est lui, partenaire des selfies heureux, étiquette bien visible. Le champagne est même qualifié de versatile, il s’adapte à tous les styles de vies et à toutes les cultures.

Le Champagne passion des prescripteurs mondiaux

C’est le cabinet d’analyse ch2 conseil qui l’affirme au terme de 140 entretiens avec des cavistes, des barmen et des sommeliers dans dix pays : « Ils sont enthousiastes et quasi-religieux face au champagne ». Sa bonne image rejaillit sur celle de leur entreprise. « Aller en Champagne, déclare un sommelier italien, c’est aller en pèlerinage ». Le discours de ces prescripteurs est totalement déconnecté de l’existence d’autres vins effervescents.

Et pour autant, ces prescripteurs ne sont pas pro-actifs. C’est le client qui demande du champagne et à eux la mission de leur proposer le meilleur. Tâche relativement aisée si l’on considère qu’en termes de prestige et d’authenticité le champagne s’impose en leader parmi les pays clients leaders.

Et cependant des warnings s’allument

Les bons résultats s’inscrivent dans un environnement concurrentiel de hausse mondiale des ventes d’effervescents et notamment d’effervescents locaux. Aux côtés du Prosecco, les mousseux japonais, américains, allemands ou britanniques se développent. La fin de l’année 2022 a montré une pénurie évidente du champagne, sur fond de hausse des tarifs. Sa rareté a été un effet d’aubaine pour les concurrents.

Ailleurs aussi, on sait jouer la corde sensible de la préférence locale : le pays d’abord et la région ensuite. Les prescripteurs demandent de l’aide pour vendre sinon plus au moins mieux. Ils veulent pouvoir parler du champagne et des différents crus. Ils ont besoin d’argumentaires et de formations. En termes d’image, deux grands pays consommateurs, le Japon et les Etats-Unis, présentent une certaine baisse. Pire : 39% des Américains pensent que le champagne est... américain. Les fondamentaux sont de qualité. Ils ne sont pas immortels. Entendu dans les conclusions de cette conférence : « Vous avez un trésor entre les mains ». Le contempler ou le faire fructifier ?