« Avec l’oenologie, les vins ont beaucoup progressé en qualité »
Œnologie. À l’occasion du VITeff, Wilfrid Devaugermé, président des OEnologues de France pour la Champagne apporte son éclairage sur un métier qui intervient dans les coulisses de l’élaboration du vin.
Petites Affiches Matot Braine : Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots, en quoi consiste le métier d’œnologue ?
Wilfrid Devaugermé : Le métier d’œnologue englobe plusieurs aspects. Tout d’abord, il s’agit de l’apprentissage d’élaboration du vin, grâce à différentes techniques. Nous nous intéressons à l’aspect biochimique de la fermentation et à comment arriver à la maîtriser en évitant les dérives organoléptiques. Il y a ensuite un aspect « dégustation » dans le métier, surtout en Champagne, où il s’agit d’arriver à reproduire un goût et une identité « Maison », identique d’une année sur l’autre et ce, quelle que soit la vendange.
Il y a là, un vrai travail technique d’assemblage pour arriver à retrouver un produit que l’on reconnait à la première dégustation. Et si notre Diplôme est un Diplôme national, des spécificités de terroirs y ont été apportées pour se spécialiser. L’œnologue intervient à toutes les étapes de la fabrication du vin. Son activité se déroule en 5 phases : la production du raisin, la transformation en vin, le contrôle de la production, la commercialisation et l’adaptation des produits aux marchés, et enfin, les analyses.
Concernant la vendange 2023, quel va être son travail ?
W.D : Nous avons déjà un phénomène exceptionnel avec un poids moyen de grappes de raisin de 220 grammes contre une moyenne 150 grammes les années précédentes. C’est un scénario nouveau. Qualitativement, c’est le mois d’août qui fait la vendange. Or, cette année, il a plu au début du mois avec une forte chaleur à la fin et pendant la période de vendange. La très belle récolte a permis de trier et d’éliminer les grappes altérées.
Et la Champagne a cette particularité d’avoir des vins de réserve, ce qui permet d’assembler plusieurs années. La technique d’assemblage permet de lisser l’effet millésime pour avoir une constance de produit. Concernant la vendange, chaque année, nous faisons une journée technique avant et après.
Observe-t-on aujourd’hui des effets du changement climatique sur les vendanges en Champagne ?
W.D : Déjà au niveau des dates, les vendanges sont en moyenne 10 à 15 jours plus tôt qu’il y a 25 ans. Aujourd’hui, les changements climatiques ont pour effet d’augmenter les rendements. Ils ont aussi pour effet de réchauffer le jus de raisin quand la vendange est effectuée sous des températures trop chaudes. Il faut donc rafraichir le raisin et refroidir le jus.
Aujourd’hui on dispose de cuveries thermo-régulées mais aussi d’outils permettant de faire tomber de plusieurs degrés le jus. Loin de l’altérer, ça protège le jus car, sinon, il partirait spontanément en fermentation. L’œnologue est justement là pour vérifier cette fermentation. Dans l’avenir, il sera toujours possible de réfléchir à des portes greffes de nouveaux cépages. L’Homme s’est toujours adapté aux changements climatiques. Dans le sud, ils réfléchissent à l’irrigation même si, à l’heure actuelle, c’est interdit dans les AOC. Mais les règlementations sont mouvantes. Aujourd’hui, 60% des vignobles dans le monde sont irrigués.
Quel est le rôle de l’Union des Œnologues de France ?
W.D : Nous sommes là pour partager les savoirs, mettre en réseau. C’est important de se rencontrer et d’échanger sur le métier. Nous assurons ainsi des réunions techniques et des journées thématiques. Je voudrais aussi rappeler que la nature est merveilleuse mais que l’Homme est toujours intervenu pour l’observer et la modeler. On a besoin sans cesse d’approfondir les connaissances et de parfaire les techniques. Je rappelle souvent que le jus de raisin fermenté sans intervention humaine, ça fait du vinaigre. Avec l’œnologie, les vins ont beaucoup progressé en qualité en sublimant les caractéristiques de chaque terroir.