Champagne / In Vino

La filière Champagne persiste et signe

Champagne. Lors du salon Wine Paris, les deux co-présidents du Comité Champagne ont exprimé et affiché leur optimisme en ce début d’année 2024, malgré quelques signaux conjoncturels nationaux et internationaux délicats.

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Photo de Maxime Toubart et David Chatillon
Maxime Toubart et David Chatillon, les deux co-présidents de l’interprofession champenoise. (Crédit : BB)

« Dans un contexte difficile, la filière maintient le cap de ses ambitions », affirment en chœur Maxime Toubart et David Chatillon, les deux co-présidents de l’interprofession champenoise, pour qui l’année 2024 qui s’ouvre doit inciter à l’optimisme, preuves à l’appui. « Nous persistons et nous signons ».

Pour les présidents du Comité Champagne, la conjoncture mondiale délicate et la baisse des volumes d’expéditions enregistrée en 2023 ne doivent pas engendrer d’inquiétudes outre mesure pour les acteurs de la filière comme pour les observateurs. « Les indicateurs de bonne santé ne se limitent pas au volume des expéditions », assurent-ils. En effet, si les chiffres des expéditions enregistrent une baisse en 2023, (298,38 millions de bouteilles, soit un recul de 8,2% sur un an, voir PAMB 8059), le chiffre d’affaires global du champagne dans le monde reste stable grâce à un phénomène de prémiumisation qui impacte le prix moyen de la bouteille.

Un renouvellement de la consommation et des marchés qui impactent la valorisation du champagne dans le monde entier, consacrant au passage la stratégie suivie par la filière depuis plusieurs années déjà. Le « brut sans année », longtemps largement plébiscité par le consommateur est désormais concurrencé par des cuvées plus élaborées, avec des assemblages et des dosages plus diversifiés.

« La demande de Champagne rosé à l’étranger a été multipliée par cinq en 20 ans », éclaire David Chatillon. Fin 2022, avec 20 millions de bouteilles, le champagne rosé représentait même plus de 10 % des ventes à l’export. « Les vins peu dosés - extra bruts et non dosés - progressent également, avec un volume multiplié par près de 70 en l’espace de 20 ans (6,4 millions de bouteilles exportées en 2022) », poursuit le président de l’Union des Maisons de Champagne. L’export, qui représentait 45% des ventes il y a encore 10 ans a littéralement explosé pour atteindre près de 60% des ventes aujourd’hui avec un total de 171,7 millions de bouteilles.

Mondialement connu et reconnu, le champagne est toutefois dominé par 8 marchés principaux (dont la France) qui représentent 80% de ses ventes ! De quoi imaginer des marges de progression sur les autres marchés dont certains manifestent un intérêt grandissant sur les derniers exercices. C’est le cas notamment du Canada qui a doublé au cours des dix dernières années (3,3 millions de bouteilles), de l’Afrique du Sud dont les chiffres ont été multipliés par trois en dix ans ( 1,3 million de bouteilles) et de la Corée du Sud (2,3 millions de bouteilles, soit un volume multiplié par 4,5 en dix ans).

Engagement social et économique

Parmi les autres motifs synonymes d’optimisme, la filière Champagne peut compter sur son engagement et sa responsabilité. « Cette année, nous renforçons particulièrement notre engagement sur le plan social et économique », insiste Maxime Toubart. En effet, à la suite des drames humains et sociaux intervenus lors des vendanges 2023 (quatre décès, enquêtes ouvertes pour « traite d’être humains », découverte de logements « indignes et insalubres »…), l’interprofession a donc demandé aux pouvoirs publics de condamner « sévèrement » les auteurs de comportements déviants observés en septembre dernier.

Elle annonce également s’engager à travailler autour de quatre chantiers stratégiques – dont les premières avancées devraient apparaître dès la vendange 2024 – pour mettre fin à ces situations. « Nous sommes engagés pour mieux encadrer cette période cruciale et traiter les problématiques de fond. L’objectif est d’assurer le bon déroulement de la vendange qui mobilise, chaque année, plus de 100 000 vendangeurs », poursuit le président du Syndicat Général des Vignerons. « Nous travaillons sur les conditions d’hébergements et sur l’augmentation des capacités d’hébergement, nous voulons aussi garantir aux vendangeurs sur les conditions de travail, de santé et de sécurité des vendangeurs ».

La filière vise aussi la sécurisation de l’offre des prestataires de services (avec les services de l’Etat et la MSA notamment) ainsi que sur la facilitation du recrutement, en demandant par exemple que l’agriculture champenoise soit reconnue comme « métier en tension ». En décembre 2023, Maisons et Vignerons se sont mis d’accord pour reconduire la contractualisation qui les lie et qui encadre le marché des raisins en Champagne. Un cadre qui assure le juste approvisionnement des marchés en raisin tout comme le partage de la valeur et qui a donc été renouvelé pour cinq ans.

Une interprofession innovante. Voici la troisième raison avancée par Maxime Toubart et David Chatillon pour voir l’année 2024 en rose. Confrontée au réchauffement climatique et à de nouveaux fléaux comme la flavescence dorée, la filière s’est organisée pour faire face, assurer la pérennité de son vignoble et la typicité du vin de Champagne. Projet-phare des années 2023-2024 (l’inauguration est prévue à l’été 2024), la serre « insect-proof » QANOPEE en cours de construction sur le site d’Oger en partenariat avec les régions viticoles de la Bourgogne et du Beaujolais va permettre de sécuriser les plants de vignes de ces vignobles.

« Le projet de nouveau centre de recherche, développement et innovation est acté et il sera intégré au nouveau siège du Comité Champagne à Epernay », précise David Chatillon. Un équipement de pointe qui permettra de renforcer les actions en faveur de la qualité et du développement durable, avec notamment un agrandissement significatif de la cuverie expérimentale et qui devrait voir le jour d’ici 2028 sur le site des Berges de Marne (voir PAMB 8059).

Bureau à Stockholm et formation internationale

Enfin, et c’est bien l’une des caractéristiques de la pérennité de la Champagne, la protection d’une appellation forte est également une des raisons d’être optimistes pour les deux co-présidents. Outre l’ouverture en avril prochain, d’un Bureau du Champagne à Stockholm, le Comité Champagne va lancer une nouvelle formation certifiante. « La création d’un Bureau à Stockholm est capitale pour représenter la filière en Suède, Norvège, Danemark et Finlande où la demande est en constante augmentation : +67% en dix ans ! », explique David Chatillon.

La formation « Champagne Education » vise quant à elle a former les professionnels du vin et à conforter leur rôle de prescription, via un programme complet et certifiant. Elle est d’ailleurs déjà en cours de déploiement, en partenariat avec des écoles renommées comme l’Ecole du vin à Paris, la Napa Valley Wine Academy aux Etats-Unis ou encore la Deutsche Wein und Sommelierschule en Allemagne.

La protection de l’appellation passe également par des victoires sur le plan juridique en 2023, que ce soit en Italie ou au Canada mais surtout en Chine. « Le Champagne a obtenu le statut de « nom notoire » en Chine, une première pour une appellation étrangère dans ce pays et une avancée exceptionnelle offrant une protection renforcée contre toute utilisation frauduleuse du nom Champagne », souligne Maxime Toubart. Une preuve de plus de la solidité du modèle champenois, petit par la taille (20 000 vignerons et 80 Maisons sur un territoire de 35 000 hectares seulement) mais grand par son esprit d’anticipation et sa réactivité en matière de prise de décisions structurantes et collectives.