Automobile

ZFE : zones de fortes inégalités

Société. La mise en place de zones urbaines réservées aux véhicules les plus récents va entrainer l’exclusion des automobilistes les moins aisés. Une ségrégation sociale sous couvert d’écologie.

Lecture 5 min
Vignette Crit'Air 1
Vignette Crit’Air 1

A partir du 1er janvier 2024, les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants devront obligatoirement avoir mis en place des « Zones à Faibles Emission mobilité ». D’ores et déjà un certain nombre de villes ont commencé à installer ces zones en restreignant l’accès à leur centre aux modèles les plus anciens, Crit’air 5 voire 4. Les Crit’air 3 ont bénéficié récemment d’une prolongation temporaire de circulation jusqu’en janvier 2023. Sauf report, seuls les véhicules affichant une vignette Crit’air verte, 1 ou 2 pourront circuler librement en janvier 2024 en ville. Il faut y ajouter les voitures de collection auxquelles ont été accordées des dérogations, compte-tenu de leur faible kilométrage annuel. Simple mesure de bon sens.

Une mesure contraignante

Concrètement, il s’agit de limiter les nuisances liées à la pollution des voitures les plus anciennes sur la base de leurs émissions de CO2, puisque c’est le seul critère entrant en ligne de compte. Sur le principe, personne ne peut être contre une mesure ayant pour objectif d’améliorer la qualité de l’air respiré par les habitants des grandes villes. Des statistiques de Santé Publique France mettent en avant plus de 40 000 décès prématurés annuels liés à la pollution de l’air. La notion de « décès prématurés » permettant toutes les interprétations, davantage de précisions auraient été bienvenues. Dans la vie réelle, les choses ne sont jamais aussi simples que sur le papier. Ces dispositions vont mettre hors la loi près de 40% des quelque 43 millions de voitures particulières et utilitaires légers qui composent le parc roulant français actuel. Exclure plus de 15 millions de voitures risque de poser un problème social car on se doute que ceux qui roulent au volant de voitures vétustes ne le font pas pour se distinguer mais parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acquérir des modèles plus récents.

La Fédération de la Distribution Automobile a tiré la sonnette d’alarme récemmet : « L’impact de la mise en place des ZFE sera brutal pour une grande partie de la population. Leur extension trop rapide constituera un facteur d‘aggravation des fractures sociales et territoriales. » Cela d’autant plus qu’à l’heure actuelle, près de la moitié des Français n’ont qu’une vague idée de la matérialité des ZFE-m et sont dans le flou concernant les classifications des catégories Crit’Air. Et certains d’agiter la menace d’une nouvelle fronde de type Gilets Jaunes lorsqu’ils seront confrontés concrètement au problème.

Risque de crispations

Une étude du CSA pour l’Association Eco Entretien vient de confirmer que, ZFE-m ou pas, 47% des français concernés n’envisagent pas de changer de véhicule. La raison majeure : un modèle répondant aux normes des Crit’Air 1 ou 2 leur est inaccessible financièrement. Et plus la voiture qu’ils utilisent est ancienne, moins leur budget leur permet d’envisager mieux. Cette enquête met en évidence que seuls 8% des automobilistes concernés sont susceptibles de consacrer 20 000 € ou plus à changer de voiture alors que 27% ne peuvent aller au-delà de 4 000 €. Même ceux qui auraient les moyens de renouveler leur voiture sont réticents : 17% se cabrent, un taux montant jusqu’à 24% parmi les utilisateurs de voitures classées Crit’Air 3 et au-delà.

Des aides financières sont promises pour faciliter cette transition, sans qu’on sache qui pourra en bénéficier et quels seront les modèles concernés. S’il s’agit exclusivement de voitures électriques, compte-tenu de leur prix de vente élevé et de leurs caractéristiques, en particulier leur autonomie et le manque de points de recharge, il est peu probable que le transfert se fasse sans difficultés. Autre hypothèse évoquée : la création de parking-relais aux entrées des grandes villes avec des transports collectifs en direction des zones centrales. Prévoir un temps de transport global en forte augmentation.

À condition que les bus, trams et autres desservent les zones où les gens travaillent. Ce n’est pas toujours le cas actuellement et rien n’indique que cela le sera davantage dans 18 mois.

On l’a compris, entre une légitime volonté de réduire la pollution urbaine et les conséquences des restrictions générées par les ZFE-m, il y a un sérieux risque de crispations. Un euphémisme !