Automobile

Le marché auto français en plongée abyssale

Marché. Il faut remonter jusqu’en 1974 pour retrouver un niveau de ventes aussi bas : seulement 1 529 035 immatriculations ont été comptabilisées en 2022. Une chute de près de 8% par rapport à l’an passé.

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Voitures électriques
Plus de 200 000 voitures électriques ont été vendues en France l’an dernier. (Crédit : DR)

Scénario catastrophe pour le marché automobile français à l’heure des comptes. Un détail qui ne trompe pas : alors que les années précédentes, les médias généralistes se contentaient d’une brève en guise de bilan annuel, cette fois, l’automobile fait les gros titres de toute la presse. À juste titre car jamais depuis 1974, une autre époque, on n’avait immatriculé aussi peu de voitures dans notre pays.

Seulement 1 529 035 unités, soit un recul significatif de 7,83% par rapport à 2021, un exercice déjà considéré comme médiocre. Si on se réfère à 2019, la dernière année « normale », c’est à dire précédant la crise sanitaire, la chute apparait terrible : plus de 685 000 immatriculations « perdues ». Un véritable gouffre : « Une baisse d’un tiers de volume » constate la Plate Forme Automobile qui représente l’ensemble de la filière. Quasiment un demi-siècle pour en arriver là ! Et encore, les chiffres auraient pu être pires sans un relatif redressement au cours des derniers mois de l’année.

Le diesel en voie de marginalisation

Les causes de cette situation sont multiples et connues : pénurie de composants électroniques ralentissant la production, situation internationale, contexte économique national morose, difficultés de livraisons faute de chauffeurs, augmentation spectaculaire du prix des voitures et des carburants, incertitudes liées à la transition dite écologique... Un cumul inédit de difficultés et autant de bonnes raisons d’inciter les clients à différer leur décision ou à renoncer.

Le marché automobile français 2022 est également marqué par de profondes mutations dans sa structure. Avec la confirmation de l’effacement définitif des motorisations diesels. Plébiscité par les Français jusqu’à l’excès pendant des décennies pour ses vertus économiques – consommations moindres notamment – les ventes de voitures neuves fonctionnant au gazole sont désormais marginales. Sur l’ensemble de l’exercice, les diesels ne totalisent que 15,6% du total (239 111 unités). Un recul de 31,6% par rapport à l’année précédente. Quand on se souvient que les diesels concentraient plus de 70% du marché du neuf il y a une décennie. Baisse également pour les voitures roulant au sans plomb. Certes, l’essence reste le choix n°1 des acheteurs avec 37% du total des immatriculations avec près de 569 000 voitures mais recule de 3% par rapport à 2021.

À l’inverse, les motorisations 100% poursuivent leur marche en avant. Près de 203 000 immatriculations et une progression de 25,2% d’une année à l’autre. C’est du jamais vu. En 2022, les voitures électriques ont représenté 13% des immatriculations, un gain de 3% par rapport à 2021. Cette montée en puissance résulte d’une offre de plus en plus étendue chez la quasi totalité des constructeurs et des très fortes aides fiscales payées par l’ensemble des contribuables, faut-il le rappeler. Sans chercher à remuer le couteau dans la plaie, force est de constater que l’installation des bornes de recharges publiques ne suit pas le rythme. Le chiffre de 100 000 points claironné par l’Etat pour fin 2021 n’est toujours pas atteint. Une course contre la montre déjà définitivement perdue.

Peu d’espoirs pour 2023

Si globalement le marché des hybrides reste bien orienté, celui des hybrides rechargeables est en repli. Les premières représentent plus d’une voiture sur cinq immatriculées l’an dernier avec une progression de plus de 8% (309 734). Les secondes sont tombées à 8,3% de part de marché, avec 126 549 voitures immatriculées, soit un recul de l’ordre de 10%. Principalement achetés par les entreprises comme voitures de fonction, ils souffrent de coûts à l’usage – en particulier leur consommation – éloignés des valeurs conventionnelles mises en avant et des menaces à court terme pesant sur leurs avantages fiscaux. Enfin, le GPL et l’E85 progressent : près de 70 000 immatriculations, en quasi totalité des Dacia et des Ford, les deux seules marque à proposer ces alternatives en équipement « usine ».

Faut-il espérer une embellie après cette année noire ? Selon AAAData, le spécialiste de l’analyse des marchés, c’est peu probable. Marie Laure Nivot, la responsable intelligence marché du cabinet d’étude ne voit pas de raisons objectives de retournement de situation : « Plusieurs facteurs nous laissent penser que 2023 sera encore une année tendue sur le marché des voitures neuves. Les contraintes qui ont pesé en 2022 ne disparaitront sans doute pas en 2023 : contexte de crise des semi-conducteurs, pression sur le pouvoir d’achat des Français et guerre en Ukraine. Nous avons constaté une baisse des commandes de véhicules neufs en 2022, ce qui aura des répercussions sur le niveau des ventes. » Début 2022, les plus pessimistes des observateurs envisageaient des ventes de l’ordre de 1,6 millions voitures. Ils étaient encore trop optimistes...