La voiture, trop chère mais indispensable
Economie. L’enquête annuelle de l’Observatoire du Cetelem confirme que, malgré ses inconvénients, l’automobile individuelle reste un moyen de déplacement incontournable.
Les faits sont têtus : lorsqu’il s’agit d’aller d’un point à un autre, la voiture constitue le mode de déplacement le plus simple et le plus efficace. C’est vrai en France comme partout en Europe, l’étude annuelle réalisée par l’Observatoire du Cetelem le confirme. On peut retourner le problème dans tous les sens, dénoncer les excès du tout auto, mettre en avant la pollution engendrée par les moteurs thermiques, l’engorgement aux portes des grandes villes : il n’en reste pas moins que la polyvalence et la souplesse de l’automobile la rend indispensable. Il faut admettre qu’elle a la partie facile face à des transports collectifs inexistants hors des grandes agglomérations ou trop souvent inadaptés, inefficaces et peu sûrs là où ils sont disponibles.
Pour autant, les automobilistes ne célèbrent pas aveuglement le culte de la voiture comme certains idéologues anti-bagnoles voudraient le faire croire. Ils sont lucides, en France comme ailleurs. Sur les prix d’achats, toujours plus élevés pour commencer : seulement 60% les jugent plus ou moins raisonnables, surtout en ce qui concerne les véhicules d’occasion. Les tarifs des voitures ayant augmenté deux fois plus vite que le revenu des ménages en Europe, avant même la situation actuelle, cela impose des efforts financiers pour 70% des acheteurs. Avec à la clé une interrogation du Cetelem : « À quand la rupture ? »
Autres éléments pesant sur les budgets : des coûts d’utilisation en hausse, constatés par plus de 8 européens sur 10. Si l’entretien et l’assurance sont considérés comme « raisonnables » par la moitié des Français, ça coince du côté du passage à la pompe : 77% estiment les tarifs des carburants sont élevés ou très élevés. Un sentiment partagé par l’ensemble de leurs voisins. Pour tenter de faire face, les automobilistes de tous les pays cherchent à économiser d’abord sur le poste carburant (68% des français) et sur les péages autoroutiers (37%) ou les frais de stationnement (30%). Avec une solution évidente : limiter les déplacements pour près de 60% d’entre eux, trouver les stations les moins chères et adopter une conduite plus économique. Les Français se distinguent en étant un des pays du continent où on roule le moins : 12 400 km en moyenne annuels. Seuls les britanniques laissent davantage leur voiture au garage : 12 150 km.
Automobilistes des villes et automobilistes des campagnes
De quoi envisager de se passer de voiture ? La réponse est sans équivoque : 72% des européens disent non. Seulement 8% sont certains de pouvoir faire sans. Ces résultats sont encore plus accentués en France avec trois-quarts de réponses négatives. Avec une forte césure entre les automobilistes des villes et ceux des campagnes. En France, un tiers des automobilistes utilise majoritairement sa voiture en ville, une moitié en fait un usage mixte et 17% circulent principalement en zone rurale. C’est davantage que la moyenne européenne (11%) et un des pourcentages les plus élevés derrière l’Autriche (28%) et la Norvège (19%).
Les solutions alternatives, transports en communs, co-voiturage, vélo, trottinettes gagnent du terrain. L’étude du Cetelem met en évidence, la multiplication par trois en cinq ans des modèles à assistance électrique pour atteindre les 3 millions contre 22 millions pour les vélos classiques à l’échelon européen. En France, les ventes de trottinettes électriques ont été multipliée par neuf entre 2017 et 2021. Avec des différences selon les pays mais aussi surtout selon son lieu d’habitation. Les mobilités dites « douces » sont sans objet pour la plupart des ruraux, une évidence que certains semblent oublier. De quoi éclairer les enquêtes exprimant le rejet de l’automobile, parfois sans nuance des citadins, sans doute parce qu’ils peuvent s’en passer au quotidien, au contraire des habitants des périphéries ou de la campagne qui ont besoin impératif d’un véhicule individuel pour se rendre... en ville.
Indispensable pour une majorité d’entre nous mais de plus en plus coûteuse : cela génère la crainte de devoir s’en passer un jour ou l’autre pour un nombre croissant d’automobilistes. C’est le cas de plus de 60% des européens, un seuil quasiment identique à celui constaté en France, en particulier chez les moins de 35 ans. Raison principale invoquée : des moyens financiers insuffisants. Cela ne risque pas de s’arranger avec la fin des voitures thermiques au profit des 100% électriques, plus chères de 30% à 50% selon les modèles, des tarifs jugés trop élevés par 7 personnes sur 10. Au point qu’une part significative de la population envisage de renoncer tout en considérant « qu’un monde sans voiture est synonyme de déplacements plus difficiles et plus pénibles ». Progrès, vous avez dit progrès ?