Automobile

L’avenir incertain des stations-service

Automobile. Le nombre de pompes où faire le plein se réduit d’année en année. Dans le même temps, les bornes de recharges publiques d’électricité sont encore trop rares. Impasse en vue ?

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Fin 2022, la France comptera un million de voitures électriques et hybrides rechargeables qui auront besoin de faire le plein d’énergie.

Sombre constat : le nombre de stations-service ne cesse de diminuer. Le problème n’est pas nouveau mais le prolongement du télétravail, au moins partiel, au-delà de la crise sanitaire, le nombre de kilomètres parcourus annuellement par les automobilistes français en baisse et l’électrification à marche forcée du marché automobile accentuent encore le problème. Il se pose en particulier pour les points de distribution indépendants dont les tarifs sont plus élevés que ceux des hyper et supermarchés pour lesquels le carburant ne constitue qu’un produit d’appel et encore davantage pour les petites stations rurales qui disparaissent les unes après les autres, accentuant encore davantage la fracture entre les zones urbaines et les autres.

Une sorte de « désaménagement » du territoire dans ce domaine comme dans tant d’autres. Les chiffres sont sans appel. En 1975, on dénombrait 47 500 stations, cinq ans plus tard, tout juste 40 000 et en 2018, dernier état des lieux disponible, à peine 11 000. Combien aujourd’hui ? On est passé sous les 11 000, c’est certain, c’est à dire quatre fois moins qu’il y a 40 ans. Les perspectives sont peu encourageantes, compte-tenu des projections liées au développement accéléré des véhicules 100% électriques : selon une étude sérieuse, en 2035, la moitié des stations encore existantes pourrait disparaitre. Circuler en dehors des grands réseaux autoroutiers et routiers tiendra alors de l’aventure.

Une chute des profits estimée à 80%

Pire encore, les profits du réseau traditionnel diminueraient de 71% alors que celui présent sur les autoroutes perdrait 30%. La même étude estime que l’interdiction définitive des moteurs thermiques prévue en 2050 provoquerait une chute vertigineuse de 80%. Dans ce contexte, les habitants des zones éloignées des grands centres seraient doublement pénalisés : impossible de se passer d’un véhicule pour aller travailler ou se rendre chez le médecin faute d’une offre de transports collectifs inadaptée sinon inexistante, mais peu ou pas du tout de points où faire le plein de carburant. Une situation déjà effective dans de nombreux territoires.

Certains ont imaginé des solutions en profitant de la montée en puissance des ventes de voitures électriques et hybrides rechargeables, via la transformation des stations en points de recharge électrique. C’est déjà partiellement le cas sur les autoroutes où on dénombre des bornes. Un réseau insuffisant en période de grands départs pour faire face à la demande, d’autant plus que faire le plein d’électricité est long, même avec les systèmes les plus performants. Et compliqué avec des incompatibilités entre les différents opérateurs et des équipements en panne dans 25% des cas...

Des pompes à carburant aux bornes de recharges électriques

Quant à équiper de bornes les stations-services rurales indépendantes, l’idée apparait séduisante et pourrait leur offrir un avenir. Mais c’est un doux rêve en raison d’un coût élevé d’installation et un investissement difficile voire impossible à rentabiliser. À la campagne ou dans des bourgades, la plupart des habitants vivent dans des maisons individuelles où ils ont la possibilité d’installer des recharges de type Wall box pour un tarif raisonnable une fois les aides diverses déduites. Créer une station de recharge a été évalué autour de 45 000 € en moyenne et pour une simple borne installée sur la voirie entre 4 200 € et 6 500 € par borne.

Beaucoup pour accueillir des clients de passage à la venue aléatoire. Et pourtant, mieux vaut ne pas compter sur les bornes publiques. Le mirage des 100 000 points de recharges installées fin 2021 est en train de dissiper. Un nouveau domaine où l’état a failli et n’a pas réussi à tenir des promesses inconsidérées, répétées en boucle par les différents ministres qui se sont succédés. À deux mois de la fin de l’année et malgré une relative accélération depuis quelques mois, on est loin des 100 000 points de recharge attendus au 1er janvier prochain.

Début septembre, l’AVERE-France, association en charge de la promotion de la mobilité électrique, en dénombrait un peu plus de 40 000. Il faudra cependant trouver une solution pour recharger les 435 000 véhicules 100% électriques qui seront en circulation à la fin de l’année. D’autant plus qu’il faut y ajouter 235 000 hybrides rechargeables. Au terme de l’année 2022, l’AVERE estime à 1 million les véhicules ayant besoin de points de recharge : 600 000 seront des 100% électriques et 400 000 des hybrides rechargeables. Pour ces derniers, la situation sera un peu moins inconfortable. À condition d’accepter de payer au prix fort le litre de sans plomb. Et de trouver une station ou faire le plein.