Automobile

L’absence de boutons donne de l’urticaire

Sécurité. La généralisation des commandes sur écrans tactiles à la place des classiques boutons génère des risques pour la sécurité. Un magazine automobile suédois le démontre.

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L'absence de boutons donne de l'urticaire
Le tout écran rend l’utilisation des commandes plus longue et plus complexe : un progrès illusoire (Crédit : DR)

Ceux qui conçoivent nos voitures en prennent-ils le volant réellement ? On peut s’interroger quand on constate le manque d’intuitivité et la complexité des commandes, accessibles uniquement par le biais de dalles numériques tactiles sur la quasi totalité des modèles les plus récents. Une « logique » poussée jusqu’au bout par Tesla où tout, absolument tout, n’est accessible que par le grand écran central. Jusqu’à la commande des essuies-glace ! Autre exemple, jusqu’à la dernière génération, la VW Golf était réputée pour l’évidence de ses différentes fonctions. On prenait place au volant et on avait l’agréable impression d’être immédiatement dans un environnement familier.

Sur la dernière mouture, l’essentiel passe par un écran tactile et c’est une autre histoire, plus compliquée. Une lacune unanimement soulignée. Volkswagen n’est pas le seul. Comme si la plupart des marques rivalisaient au nom d’un prétendu progrès pour perturber le quotidien de leurs clients. D’autant plus que chaque constructeur a sa propre logique informatique et qu’elle diffère d’un modèle à l’autre. Formation spécifique souhaitée ! C’est, on le sait, d’abord une histoire de marketing, avec la préoccupation futile de « faire moderne », au même titre que les aides à la conduite qui se multiplient jusqu’à l’absurde. Probablement une question d’économie globale également.

« Les équipes de conception de la plupart des constructeurs aiment abandonner les boutons et les interrupteurs physiques bien qu’ils soient de loin supérieurs en termes de sécurité »

Ce parti pris est non seulement désagréable mais aussi et surtout dangereux pour la sécurité routière avec des conséquences potentiellement graves. Quand on regarde l’écran de sa voiture en roulant pour régler la température à bord ou baisser la puissance de la musique, on quitte la route des yeux. Pire encore, lorsque la buée envahit le pare-brise et qu’il faut en passer par l’écran central pour résoudre le problème sans tarder. Et comme ce n’est pas simple, ça dure de longues secondes qui peuvent être fatales. La sécurité dont on nous rabat les oreilles en prend un coup. Une évidence que semblent ignorer les constructeurs automobiles. Alors que l’usage du téléphone en conduisant est réprimandé à juste titre, le détournement de l’attention n’est pas moindre lorsqu’il s’agit de pianoter sur l’écran central pour faire des ajustements. Dans ce cas, aucun problème, c’est autorisé : on cherche à comprendre la logique.

Des écrans mal implantés

Un magazine automobile « Vi Bilagäre » suédois vient de démontrer les dangers évidents des commandes de bord exclusivement numériques. Les résultats sont édifiants. Pour procéder à leur test, les essayeurs scandinaves ont utilisé d’une part un break Volvo V70, âgé de 17 ans et dépourvu de tout écran de commande et, d’autre part, différents modèles récents, de la Dacia Sandero à la BMW iX en passant par la Seat Leon ou encore la MG Marvel R. Un échantillonnage représentatif de l’ensemble de la production actuelle. Les épreuves imposées : activer le chauffage des sièges, augmenter la température de deux degrés, enclencher le dégivrage, allumer l’auto-radio et choisir une station, réinitialiser l’ordinateur de bord et réduire au minimum l’éclairage du tableau de bord. Un parcours du combattant sur certaines voitures.

Pour effectuer ces tâches, il suffit à la « vieille » Volvo V70, née au début du XXIe siècle, de seulement 10 secondes. A la vitesse de 110km/h, cela représente 306 m parcourus. A l’autre extrémité du test, on retrouve la voiture la plus récente, la MG Marvel R qui a réclamé plus de 44 secondes pour faire la même chose, au cours desquelles la voiture électrique chinoise a effectué 1372 m ! Un temps et une distance pendant lesquels l’attention du conducteur s’est dispersée au détriment de la sécurité. Entre les deux, on retrouve les Seat Leon (29 secondes) et BMW iX (30 secondes) alors que la Dacia Sandero s’en tire à son avantage avec 13,5 secondes, grâce notamment à une limitation des fonctions accessibles sur son écran. La simplicité a souvent du bon.

Autre enseignement tiré de ce test, le positionnement inadéquat de nombreux écrans tactiles, souvent implantés beaucoup trop bas, ce qui impose de baisser franchement le regard et de quitter la route des yeux de longues secondes. Ecrans mal implantés, commandes tactiles trop complexes : le tableau d’ensemble est négatif. Conclusion sans appel du magazine suédois : « les équipes de conception de la plupart des constructeurs aiment abandonner les boutons et les interrupteurs physiques bien qu’ils soient de loin supérieurs en termes de sécurité ». Les constructeurs tiendront-ils compte de ce constat sans équivoque ?