État des routes : de pire en pire
Infrastructures. La 7e puissance économique du monde est incapable d’entretenir correctement ses routes et les chaussées de ses villes. La situation ne cesse de se dégrader d’année en année.
Les SUV vont-ils devenir indispensables pour affronter les nids de poules et ornières des routes et des rues françaises ? La question s’impose quand on roule à bord d’une voiture « classique » et qu’on est confronté à l’état de dégradation avancée des voies de circulation, qu’il s’agisse des départementales, des nationales et des artères des agglomérations. Inconfort, suspensions mises à mal, risques de crevaisons, voire d’accident : la situation devient insupportable. Et on ne parle même pas des conducteurs de motos et de scooters pour lesquels les risques de chute ne sont pas anecdotiques. Curieusement, le rôle des infrastructures est escamoté lorsqu’il s’agit de mettre en évidence les causes des accidents. Il est plus simple de rabâcher les mêmes lieux communs... Avec leurs suspensions à grand débattement, leur hauteur de caisse surélevée et leurs pneus à flancs relativement haut, les SUV sont les mieux adaptés pour limiter les conséquences d’une situation empirant au fil du temps sans que ceux qui ont la charge de la réfection et de l’entretien des voies de circulation ne prennent la mesure de la situation. A commencer par l’Etat dont la préoccupation principale semble être de se débarrasser du problème en cherchant à le refiler aux collectivités locales.
La réponse des uns et des autres est toute faite : manque de moyens. L’Observatoire National de la Route, émanation l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité, créé en 2016, met en évidence la forte augmentation des prix en se basant sur l’index des Travaux publics. La 7e puissance économique mondiale, le pays où les impôts et les multiples prélèvements sont parmi les plus élevés, n’a pas les moyens d’entretenir correctement son réseau routier et ses rues. L’ONR a livré son bilan 2022 dans un rapport de 90 pages sur la base de multiples données. Un document dense et complexe. Sa conclusion est mesurée - un euphémisme - mais claire : « Pour la première fois depuis 2016, les dépenses publiques d’investissement dédiées à la voirie sont en baisse. Cette baisse globale montre les difficultés que les gestionnaires ont à maintenir leurs investissements dans un contexte d’augmentation importante des prix des travaux et de budget encore largement impactés par la crise sanitaire. » Moins d’investissement, des prix en hausse : les conséquences coulent de source.
Juge et partie
Pourtant, le bilan de l’ONR met en évidence un surprenant déni de réalité. Le réseau national (11 680 km) est estimé en mauvais état par son gestionnaire, l’Etat, dans seulement 19,3% des situations, nécessitant un entretien pour 26,6% et en bon état dans 54,1%. Tout va presque bien ! Pour les voies sous la responsabilité des départements (378 693 km), l’enquête annuelle de l’ONR, basée sur les réponses de 64 départements reflète une perception différente de celle de ceux qui les empruntent quotidiennement. 11% seraient en mauvais état, un chiffre stable, 23% nécessiterait un entretien et 66% seraient en bon état. Les chiffres datant de 2021, c’est 2% de mieux que l’année précédente. De quoi autoriser l’ONR à mettre en avant « une légère amélioration de l’état des réseaux ». A contrario, seulement 16% des départements estiment que leur réseau routier s’est amélioré alors que 24% jugent qu’il s’est dégradé.
L’indice de satisfaction est aussi élevé pour les métropoles (33 891 km) dont seulement dix ont alimenté l’étude de l’ONR : seulement 14% des routes sont estimées en mauvais état, 20% ayant besoin d’un entretien et 66% sont en bon état. Cependant, aucune ne constate une amélioration du réseau dont elle a la charge alors que 29% penchent pour une dégradation. Coté ouvrages d’art, essentiellement les ponts, à propos desquels des déclarations alarmistes ponctuent régulièrement l’actualité, ce n’est pas brillant dans l’ensemble avec une dégradation globale tant pour ceux dépendant de l’Etat que des diverses collectivités. Depuis 2017, sauf exception, la situation empire avec des variations selon le type d’ouvrage.
Point faible de cette étude : ce sont les départements et les métropoles qui ont estimé l’état de leurs voiries via une enquête en ligne. Pour ce qui est de l’Etat, l’ONR s’est appuyé sur les données publiées par le ministère chargé des routes nationales. Être juge et partie ne permet pas d’établir un constat objectif. Force est de constater une divergence d’appréciation entre ceux qui ont la charge des axes de circulation et ceux qui les utilisent tous les jours. Osera-t-on une fois de plus nous ressortir le fameux « sentiment » d’une dégradation, supposé éloigné de la situation réelle ? A force d’être mis à toutes les sauces, l’élément de langage est usé jusqu’à la corde.