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Tourisme en Bourgogne-Franche-Comté : le retour des beaux jours

Tourisme. Après deux années qui ont fortement impacté le secteur, la question planait chez les professionnels : pour 2022, tourisme or not tourisme ? La réponse est clairement oui : les touristes sont de retour. Des touristes venant de contrées moins lointaines, mais plus avides d’expériences locales, plus attentifs à l’écologie, en mode nomade et « slow ».

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Le Parc de la Gare-d'eau à Besançon
Le Parc de la Gare-d’eau à Besançon (Crédit : JC Sexe)

Les opérateurs touristiques et les collectivités locales retenaient leur souffle : l’année 2022 allait-elle confirmer les aspirations des touristes à un retour à la normale après deux années d’épidémie, de confinement et de restrictions ? Le déclenchement de la guerre en Ukraine, les tensions sur le pouvoir d’achat auraient pu doucher cette espérance mais il semble que les vacanciers sont de retour. BFC Tourisme confirme la tendance : la Bourgogne Franche-Comté retrouve au printemps le niveau de fréquentation de l’avant-covid (15 millions de nuitées de janvier à avril 2022 dans toute la région) avec une nuance puisque ce sont les Français (8,4 millions de nuitées) qui permettent ce bon chiffre, alors que la fréquentation étrangère (6,6 millions de nuitées) est en recul de 17,3 % par rapport au printemps 2019.

« L’Allemagne et le Japon progressent par rapport à 2021, mais restent en deçà des niveaux de 2019, détaille BFC Tourisme. En revanche les touristes suisses, belges, britanniques et néerlandais sont plus proches de leur niveau de fréquentation pré crise. » Les touriste français proviennent essentiellement des régions mitoyennes (Île-de-France, Auvergne-Rhône- Alpes, Grand Est), avec des chiffres en progression, même si le tourisme intra-régional reste majoritaire : une donnée extrapolable au niveau national puisque 77,9 % des nuitées françaises en région se font en hébergement non-marchand (amis, famille, résidence secondaire). En Côte-d’Or par exemple, sur les 12,5 millions de nuitées/ an, trois millions « seulement » se font dans de l’hébergement marchand.

Rien d’étonnant alors que la BFC capitalise sur ses atouts auprès de ses habitants ! L’opération « Sortez chez vous en Bourgogne Franche-Comté » incite les Bourguignons et les Francs-Comtois à devenir touristes dans la région. Outre le site dédié, les campagnes média locales, le conseil régional et BFC Tourisme ont lancé un « pass découverte » annuel à tarif préférentiel à destination des familles à revenus modestes. L’idée de ces 2.000 « sésame » ? Offrir une entrée gratuite ou à tarif réduit parmi 120 offres : musées, châteaux, haras de Cluny, Maisons des Illustres, éco-musées, centres d’art contemporain, jardin… il y en a pour tous les goûts !

UN TOURISME EN MUTATION

Le profil des touristes et des séjours a cependant un peu évolué : « Si on retrouve globalement les niveaux de 2019, analyse Isabelle Corond-Peintre, directrice de Côte-d’Or Attractivité, on dépasse les prévisions sur les gîtes et meublés. Les ponts ont rempli les hôtels comme jamais sur l’axe Dijon-Beaune et les gens restent plus longtemps. » Maxime Millot, chargé de communication du groupe Welcome Dijon Hôtels (Holiday Inn, Vertigo) l’atteste : après un premier trimestre timide, les touristes sont revenus, des touristes « de dernière minute » qui réservent tardivement mais prolongent leur séjour : « Dijon qui était uniquement une ville-étape pourrait devenir une ville de destination. »

« Ces destinations que les Français ont pu redécouvrir pendant la pandémie, allient à la fois le besoin de renouer avec la nature, un tourisme plus vert et des tarifs abordables qui séduisent de plus en plus de vacanciers. »

Une tendance qui doit encore se confirmer néanmoins et les nouveaux équipements structurants (Musée des Beaux-Arts et surtout Cité internationale de la gastronomie et du vin) doivent y contribuer. « La CIGV suscite un grand intérêt, mais il faut lui laisser le temps de s’inscrire dans l’éco-système local », plaide Cordula Riedel, directrice générale de l’Office de tourisme de Dijon Métropole, qui souligne les 50.000 visiteurs déjà accueillis depuis l’ouverture au public le 6 mai dernier et confirme : « Les touristes que nous accueillons ont fait le choix de Dijon. Il y a un ancrage de la destination touristique en tant que telle. »

EN QUÊTE DE SENSATIONS

Le MuséoParc Alésia
Le MuséoParc Alésia (Crédit : Rozenn Krebel).

Plus que jamais, les visiteurs sont en quête d’une expérience : terminées les vacances menées à un train d’enfer où il faut « faire » tous les sites sans reprendre haleine, on préfère prendre le temps mais en vivant le moment à fond. Aux opérateurs alors de s’adapter en proposant des visites immersives ou qui font appel aux sens. « On enregistre +11% de fréquentation des sites et monuments, souligne Isabelle Corond-Peintre, mais ce qui est plébiscité c’est du patrimoine vivant, avec une part d’évènementiel, un embarquement dans une expérience. » Aux Musées des Beaux-Arts de Dijon, outre Philippe le Bon himself en costume d’époque qui conte la vie des Ducs de Bourgogne, sa grand-mère Marguerite III de Flandre, elle-même en costume, vient à certaines dates apporter son propre point de vue…

À Alésia, la scénographie inaugurée l’année dernière est interactive - « Nous avons volontairement délaissé les audio-guides pour une visite plus immersive et ludique », confirme le directeur du site Michel Rouger - tandis que l’Abbaye de Fontenay joue l’apaisement : « Il y a une demande d’authenticité, de sérénité et de calme », souligne Éric Viellard, responsable d’exploitation du site, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981. De fait, l’Abbaye propose cette année une exposition inédite, expérience sensible et intellectuelle à la fois : un « Jardin des Simples » où planent les mânes d’Hildegarde de Bingen, abbesse du XIIe siècle, botaniste et naturaliste, ou les désormais célèbres visites nocturnes (une en juillet, une en août) : la visite de l’Abbaye, éclairée par 1.200 bougies, s’anime du concert de chants grégoriens des Ambrosiniens.

Dans l’Yonne, le succès du spectacle historique donné depuis 41 ans dans le parc du château de Saint-Fargeau ne se dément pas : en dix scènes épiques, 1.000 ans d’histoire défilent sous les yeux des spectateurs : « Cela repart de manière étonnante, confie Patrick Zawada, chargé de communication pour le spectacle, lui-même figurant. Malgré le contexte économique tendu, on sent que les gens ont envie de se lâcher ! » Doubs tourisme enfin propose les « Doubs moments », des excursions insolites mêlant histoire locale et terroir. Le marché nocturne de Belvoir ou la nuit à la Saline suivis d’un dîner promettent des souvenirs inoubliables ! À Ancyle-Franc enfin, family games, visite nocturne et festival baroque viennent bousculer la visite du Château Renaissance.

DU « SUR-MESURE »

La Place de la Révolution à Besançon
La Place de la Révolution à Besançon (Crédit : JC Sexe).

Autre tendance, l’ultra personnalisation. « Le profil du touriste a changé, témoigne Patrick Jacquier, président de l’Union des métiers et des industriels de l’hôtellerie (Umih). Les clients sont devenus plus exigeants, comparateurs et réclament un service encore plus personnalisé ». L’Observatoire des métiers de l’hébergement et des restaurations confirme. Parmi les tendances à l’horizon 2025, il souligne « un retour des clivages avec une société française de plus en plus fragmentée et polarisée, entraînant le besoin d’actions segmentées », alliée « avec un désir de reconnexion à soi et aux autres. » Certains opérateurs l’ont bien compris, telle Cuvée Privée qui propose « l’adoption » de parcelles de vignes incluant une visite des parrains auprès de leurs rangs et une relation privilégiée avec le vigneron : ce nouveau concept d’agritourisme est en plein développement.

« Les citoyens d’aujourd’hui ont envie de voyager sans faire le tour du monde : redécouvrir un territoire proche de chez eux sous l’angle de l’agritourisme apparaît donc comme le compromis idéal, explique Morgane Suquet, l’une des co-fondatrices de Cuvée Privée. C’est précisément cette envie de découvrir le terroir partagé par beaucoup de Français qui fait le succès de Cuvée Privée. Nos clients adopteurs ne souhaitent plus se contenter d’acheter une simple bouteille chez le caviste ou au supermarché, ils veulent vivre une expérience au plus près du producteur. » Parmi les vignerons sélectionnés, des Côte-d’Oriens : Le Domaine Barolet-Pernot (Saint-Romain), Cluzeaud (Volnay) et Désertaux-Ferrand (Corgoloin).

À Besançon, la tendance aussi est au sur-mesure ! Via l’opération « Besançon booster de bonheur », l’Office de tourisme de Besançon propose ainsi une visite façon « guide privé » des bons plans de la ville : direction une boutique associative de bijoux, accessoires et décoration, puis une boutique de design, l’horloge astronomique de la Cathédrale Saint-Jean, un crochet par la maison natale de Victor Hugo et la Citadelle de Vauban, avant une pause à la Buvette du Conservatoire… Une manière décalée de (re)découvrir la ville en alliant culture, shopping et détente. Le label « Made in chez nous » créé par Doubs Tourisme avec les CCI, CMA et Chambres d’agriculture répond lui aussi à ce besoin de personnalisation : « Nous avons souhaité étendre l’offre touristique du territoire, explique Béatrix Loison, vice-présidente du Conseil départemental du Doubs et présidente de Doubs Tourisme, combler les interstices en offrant aux visiteurs une expérience rare d’échanges et de partage avec ceux qui font vivre l’un des départements les plus industrialisés de France. » Concrètement, Made in chez nous ouvre les portes des entreprises du département pour faire découvrir la richesse des savoir-faire industriels, artisanaux et agro-alimentaire locaux. Un tourisme porteur de sens tout en valorisant la région pour des vacances qui ont tout bon !

DES VACANCES EN PLEINE CONSCIENCE

Le Parcours du Goût à Dijon
Le Parcours du Goût à Dijon (Crédit : Office de Tourisme de Dijon)

Dans la même optique, le tourisme vert – mariant conscience écologique, pragmatisme économique et redécouverte des richesses locales – gagne des parts de marché. Gîtes de France Côte-d’Or-Nièvre enregistre ainsi une progression spectaculaire des gîtes dans le Morvan. Idem pour les VVF (Villages Vacances Famille), qui peuvent accueillir 9.000 touristes en BFC sur une saison estivale : deux des trois sites dans le Jura et en Côte-d’Or affichent un taux de réservation de plus de 80%. « Même si la mer reste indétrônable, on note une augmentation des séjours de proximité bénéficiant à la campagne et à la montagne, note Stéphane Le Bihan, directeur général de VVF. Ces destinations que les Français ont pu redécouvrir pendant la pandémie, allient à la fois le besoin de renouer avec la nature, un tourisme plus vert et des tarifs abordables qui séduisent de plus en plus de vacanciers. »

Les destinations nature avec des propositions en vélo tourisme sont aussi très appréciées. C’est même un des objectifs affichés par le conseil départemental de la Côte-d’Or qui s’engage sur un nouveau schéma cyclable pour proposer, d’ici à 2027, 1.000 kilomètres de vélo-route (contre 340 actuellement) sur l’ensemble du département, utilisables pour les touristes comme pour les locaux pour leurs trajets quotidiens. Dans le Doubs, autour de Besançon, 13 boucles vélo (des plus simples aux plus sportives) offrent un éventail de propositions aux amateurs de pédale : elles sont carrément urbaines (comme « La boucle de Besançon ») ou mixte telle « Berges et belvédères » de 13 kilomètres, le long des berges du Doubs - très facile pour les sportifs du dimanche, mais une option (trois kilomètres et 160 mètres de dénivelé positif) promet quelques suées aux plus aguerris pour accéder aux belvédères.

Et cette tendance au tourisme éco-responsable risque de durer : le site ecovoyageurs qui existe depuis 2012 classe ainsi la région BFC comme « un eldorado » pour les amateurs de slow-tourisme en France et note ses atouts tant sur le plan de la nature et de la bio-diversité que de sa richesse gastronomique, patrimoniale et historique… Un set gagnant confirmé par Cordula Riedel : « le patrimoine, la gastronomie et le vin, et le caractère durable des propositions touristiques sont les premières attentes émises par nos visiteurs ».

LA BFC, « NOMADES » LAND

Le tourisme nomade à l'honneur
Le tourisme nomade à l’honneur (Crédit : A. Doire - BFC Tourisme)

La covid et son lot de restrictions pour les secteurs de l’hôtellerie- restauration et hôtellerie de plein-air ont également incité les Français à (re)découvrir les charmes du nomadisme. À dire vrai, la tendance a débarqué dans notre pays il y a déjà une quinzaine d’années, ramenée par d’ex-étudiants partis en Australie ou en Nouvelle-Zélande où la « van-life » est courante. « Il y avait une progression régulière d’environ +15 à +20% par an, précise Christophe Léger, responsable de l’agence Van Away à Couternon (21). Mais avec la covid, cela s’est accéléré d’un coup. » C’est peu dire : l’été 2020 a enregistré + 35% de séjours nomades, idem en 2021.

Si l’été 2022 affiche un retour à la situation de l’avant- épidémie, le secteur a de beaux jours devant lui malgré le prix du carburant : « 99% de nos clients sont des primolocataires, qui vont de la vingtaine à plus de 70 ans », constate encore Christophe Léger. Les véhicules se sont adaptés : exit le combi WV des années hippies aux couleurs psychédéliques bricolé dans le garage, les vans actuels au look sobre offrent un vrai confort intérieur pour une clientèle bobo ou boomer avec un certain pouvoir d’achat – en haute-saison il faut compter en moyenne 1.200 euros la semaine chez un loueur -, influencée par des blogs hautement instagramables qui transforment le camping en « glamping » (camping glamour), à mettre en scène sur les réseaux sociaux où les communautés de touristes en camping-car ou vans sont très actives : couchettes spacieuses, cuisines équipées avec frigo et table de cuisson, douche extérieure et même salle de bains intérieure avec toilettes privatives – une demande expresse pour la clientèle de plus de 60 ans.

« Les visiteurs de la Côte-d’Or sont en attente, d’espace, de patrimoine, d’histoire et de vins à vendre ! Or dans notre département, nous avons la chance d’avoir un territoire facile d’accès et varié pour une offre complète. »

Preuve de cet engouement : des sites spécialisés (tel Yescapa) proposent aussi de la location de vans aménagés ou de camping-cars entre particuliers. Pour les plus bricoleurs, il existe des kits pour transformer soi-même son utilitaire, à moins de le confier à des prestataires dédiés : Mobho à Saint-Julien en Côte-d’Or, Just In wood à Saint-Christophe en Bresse, Stylevan à Auxerre… « Nos clients ont tous les âges, précise Nicolas Bouthier, créateur de Just In Wood. Ce sont soit des camping-caristes qui ne se retrouvent plus dans les aménagements industriels proposés par les constructeurs, soit des nouveaux convertis qui veulent vivre leurs vacances différemment. » Preuve de cette tendance aux vacances itinérantes : c’est à dessein que le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) a choisi les deux YouTubeurs de la chaîne Destination Camping-Car pour faire découvrir les vignobles bourguignons et tracer la route d’un tourisme nomade et empathique qui va à la rencontre des locaux.

UN TOURISME EMPATHIQUE

L'équipe du "Dijon Œno Tour"
L’équipe du "Dijon Œno Tour" (Crédit : JDP).

C’est en effet un autre penchant du tourisme 2022 : après l’épidémie, les vacanciers sont friands de contacts… mais précautions sanitaires en tête, veulent éviter les lieux ultra fréquentés. La voie est donc royale pour un tourisme « relationnel », où l’accent est mis sur les échanges et l’authenticité. Une étude du géant Booking pointe un chiffre éloquent : 72 % des Français recherchent en 2022 des expériences vraies et représentatives de la culture du territoire qu’ils visitent, ce qu’on appelle le tourisme local ou « Staycation ». « On ne veut plus du tourisme de masse, confirme Isabelle Corond-Peintre, directrice de Côte-d’Or Attractivité. La médiation, la transmission font partie des attentes, même si c’est l’axe le plus compliqué à mettre en oeuvre car il demande beaucoup d’implication des opérateurs touristiques ».

Cette tendance explique le succès de la plateforme Make your trip better lancée en juillet 2020. Elle permet, en renseignant son lieu de vacances, de recevoir des idées d’excursions, de visites, des bons plans pour des produits locaux… Make your trip better agrège des sites officiels, mais aussi des blogs personnels, met en relation le voyageur et les habitants qui deviennent des ambassadeurs de leur territoire et crée ainsi une communauté rassurante pour qui prépare son voyage.

Ce besoin de contacts, l’Office du tourisme de Dijon métropole l’a bien compris en lançant son nouveau produit : le « Dijon Oeno-tour » : en petit groupe, au départ de la Cité internationale de la gastronomie et du vin, une balade commentée en navette sur les traces du passé et de l’avenir oenologique de Dijon Métropole, avec arrêt et dégustation au Château de Marsannay, au tout début de la route des Grands Crus. Un produit qui coche toutes les cases puisque, poursuit Isabelle Corond-Peintre, « les visiteurs de la Côte-d’Or sont en attente, d’espace, de patrimoine, d’histoire et de vins à vendre ! Or dans notre département, nous avons la chance d’avoir un territoire facile d’accès et varié pour une offre complète. » Des qualificatifs qui s’appliquent à merveille à la région dont les paysages, les ambiances et les offres peuvent satisfaire faire toutes sortes d’envies.