Politique

Bruno le Maire : « L’Europe peut être le grand continent économique du XXIe siècle »

Economie. Devant le patronat français, Bruno Le Maire s’est montré ambitieux et profondément optimiste, raccord avec son public, sans toutefois le convaincre à 100%.

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Photo de Bruno le Maire
« Quand vous baissez les impôts, vous avez plus de recettes fiscales », a démontré le ministre de l’Economie. (Crédit : DR)

Rencontre des Entrepreneurs de France, deuxième journée, ce 29 août sur l’hippodrome de Longchamp. Le temps du business s’est arrêté, suspendu à l’intervention du ministre de l’Economie. Un temps habituel, au fil des éditions, qu’il maîtrise visiblement.

Une quarantaine de minutes pour expliquer la stratégie, décortiquer la philosophie gouvernementale, défendre le côté interventionniste de l’Etat, notamment sur la politique industrielle. « L’économie moderne, ce sont des entreprises fortes et un Etat fort », martèle-t-il en guise de préambule, sur la scène centrale. Avec une liberté réaffirmée, par conviction personnelle.

« Nous avons fait le job »

Première partie d’intervention sous le signe du bilan : « Depuis 2017, nous avons créé les conditions pour développer l’emploi (avec 2 millions de postes créés en six ans), les entreprises, entamer la réindustrialisation du pays. »

Pour rassurer le Medef, ces conditions incluent de la méthode « pour baisser les impôts, et nous continuerons à baisser les impôts des entreprises dans les années qui viennent. » Entrée en scène réussie pour le ministre de l’Economie. Petit coup d’œil dans le rétro sur les années Covid, où l’Etat, selon lui, aura pleinement joué son rôle en épaulant l’écosystème quoi qu’il en coûte, pour ne pas troubler « l’ordre public économique » et éviter moult faillites et débauches associées.

Plus proche de nous, Bruno Le Maire parle de cette rencontre, imminente, avec les grands distributeurs et industriels « pour regarder ce qu’ensemble, nous pourrons faire pour contenir la flambée des prix. Lorsqu’il y a des distensions entre les PME et les grands donneurs d’ordre, il est tout à fait normal que l’Etat se range aux côtés des PME, pour s’assurer par exemple qu’en matière de délais de paiement, les engagements pris soient bien respectés. »

Surtout quand on se retrouve coincés entre deux grands bouleversements systémiques, « comme il en arrive un par siècle » : entre transition climatique et intelligence artificielle, il reste des cartes maîtresses à jouer, « et c’est aussi le rôle de l’Etat que de prévoir les investissements nécessaires sur le long terme dans ces domaines-là, des investissements qui ne seront pas rentables immédiatement », pour financer les nouvelles énergies ou planifier la bataille des technos génératives.

De quoi expliquer – en partie seulement- des prélèvements fiscaux record, de l’ordre de 45% du total de la richesse nationale, via l’Etat bien sûr mais aussi les collectivités au sens large. Bruno Le Maire, préfère parler de tendance baissière que de pourcentages arrêtés : « quand vous baissez les impôts, vous avez plus de recettes fiscales. » Traduit en chiffres, avec l’auditoire pris pour grand témoin ? « Le taux d’impôt sur les sociétés, depuis six ans, a baissé de 33,3 à 25 %, c’est un engagement que j’avais pris devant vous et qui a été tenu contre vents et marées, malgré la crise Covid, les gilets jaunes ou l’inflation. Et ce qui nous rapportait 35 Mds€ de recettes fiscales nous rapporte aujourd’hui 60... » Pour que la mayonnaise prenne, il fallait créer de l’activité et de l’emploi, donc de l’impôt sur le revenu, qui lui, est passé sous les 7 ans de ministère Le Maire de 70 Mds€ à 140 milliards.

La CVAE en question

L’addition est certes bonne pour le gouvernement, mais la soustraction de 10 Mds€ sur les impôts de production est-elle suffisante aux yeux du patronat ? Retour à la case CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), celle-là même qui a quelque peu enflammé les Médéfiens la semaine passée : sa suppression totale (pour 8 Mds€/an) était annoncée pour 2024, mais par un prompt renfort gouvernemental, après 4 milliards effectivement déduits cette année, les 4 restants seront soldés d’ici 2027 et non l’année prochaine...

« Si nous pouvons supprimer définitivement la CVAE plus tôt que 2027, nous le ferons sans hésitation. » Mais de tempérer ce cri du cœur apprécié du public : « Notre intérêt, ça n’est pas d’avoir un Etat lourdement endetté, synonyme de taux d’intérêts plus élevés et de conditions de financement plus difficiles. Ma responsabilité, c’est de trouver le bon équilibre entre la baisse des impôts de production et le rétablissement des comptes publics. » Une équation qui n’a pas rassuré nos patrons, sans pour autant les faire sortir de leurs gonds.

« Être désirés... »

Faut-il ou non sortir le chéquier pour attirer en France de gros paquebots industriels ? « Nous l’avons déjà fait », rétorque Bruno Le Maire, prenant l’exemple de ST Microelectronics à Grenoble. « Dans le fond, la question ne se pose pas. Les Chinois le font, les Américains le font, et nous nous sommes battus becs et ongles pour imposer à la Commission européenne la possibilité de soutenir les investissements industriels. »

Pour appuyer sa démo, cap sur Dunkerque, « un bassin qui montre à quel point il faut croire dans les capacités françaises, dans les entrepreneurs français. À Dunkerque, depuis 30 ans, on fermait des usines, on laminait la culture ouvrière, on perdait la capacité de production, alors oui, j’ai sorti le carnet de chèques pour installer des usines », aujourd’hui et demain. Scalable ? « On y travaille ». Pour que la France savoure sa pole position sur la carte européenne des pays les plus attractifs de capitaux étrangers.