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Gérard Larcher : « Vous déclinez les politiques qu’on vous impose »

Institutions. En visite à Sézanne, le président du Sénat, a certes soutenu le candidat de la « majorité sénatoriale », Christian Bruyen, devant les élus locaux, mais il a aussi développé les priorités de l’institution parlementaire envers les communes notamment.

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Photo de Gérard Larcher
Le président du Sénat Gérard Larcher a présenté les enjeux de la rentrée pour son assemblée et a appelé à plus de décentralisation. (Crédit : BB)

Pour le Président Larcher, l’enjeu des prochaines élections sénatoriales du 24 septembre prochain est limpide : conforter sa majorité. En ce sens, dans la Marne, il s’agit de renouveler les trois postes de Sénateurs sortants, Françoise Férat, René-Paul Savary et Yves Détraigne, tous membres de sa majorité mais qui ont choisi de ne pas se représenter.

Pour ce faire, il compte sur la liste menée par Christian Bruyen, président du Conseil départemental de la Marne, qui s’inscrit donc dans cette lignée. Gérard Larcher s’est rendu à Sézanne, dans le sud-ouest marnais pour y soutenir la liste, mais aussi pour donner les ambitions de sa majorité, si celle-ci devait être reconduite à l’issue des élections qui, rappelons-le, concernent la moitié des Sénateurs du pays.

Accueilli par le maire Sacha Hewak, le Président du Sénat n’a pas manqué de saluer un à un les visiteurs d’un jour, près d’une centaine d’élus, maires et grands électeurs venus de tout le département. Le député Charles de Courson, Françoise Férat et l’enfant du pays, René-Paul Savary étaient aussi de la partie.

Si les travaux de la rentrée au Sénat vont être marqués par le projet de loi de finances, ils vont aussi l’être par un texte sur les politiques migratoires et un texte sur la décentralisation.

Les finances publiques

D’emblée, l’ancien maire de Rambouillet a annoncé la couleur : l’heure est aux économies. Et sur ce point, le Sénat compte bien rappeler au gouvernement certaines de ses obligations : « Il faut que nous allions chercher dans les temps qui viennent, sur un ensemble de dépenses annuelles cumulées de 1 500 milliards, 15 milliards de trajectoire pour revenir, d’ici 2025, juste en dessous de 3% du PIB. Pas pour faire plaisir à l’Europe, simplement pour préserver notre souveraineté. Parce qu’avoir des finances publiques saines, c’est préserver notre souveraineté ».

Les communes

« Le Sénat, c’est sans doute aujourd’hui, avec les communes, l’Assemblée qui incarne ce défi si cher pour nous de la proximité et de la stabilité. Le Sénat, vote la loi, contrôle le gouvernement et selon l’article 24 de la Constitution, il vous représente », a-t-il lancé aux maires présents, avant de rappeler sa manière de conduire sa majorité sénatoriale, quand l’assemblée nationale n’en dispose pas :

« Aujourd’hui, nous aiguillonnons, nous amendons la loi, nous disons oui quand nous pensons que c’est l’intérêt du pays, et disons non quand c’est nécessaire. Je dis toujours aux sénateurs, « vous ne dites jamais oui par discipline et jamais non par idéologie ». C’est vraiment la marque du Sénat. Nous avons donc un rôle particulier, en ce moment, de stabilisateur des institutions. L’assemblée nationale a une minorité. Le gouvernement n’a pas de majorité. Le Sénat est le seul endroit où il y a une majorité et je souhaite la conforter ».

Il rappelle la responsabilité voire le poids tout particulier du Sénat dans les institutions de ce quinquennat, puisque quand il n’y a pas d’accord entre députés et sénateurs sur un même texte de loi en commission mixte paritaire, le vote du Sénat apporte ou non la majorité.

« Nous avons une manière de faire de la politique basée sur l’écoute, la responsabilité et qui dépasse les attitudes partisanes. L’écoute, ça nous paraît fondamental. La responsabilité, parce que c’est de la France dont il s’agit, ne soit pas là pour nous-mêmes, mais pour être au service de notre pays ».

La simplification

« Il y a 20 ans, maire de Rambouillet il me fallait deux ans pour conduire un projet d’urbanisme, deux ans et demi pour réaliser un projet. Aujourd’hui, il faut cinq ans, voire cinq ans et demi », note Gérard Larcher, qui enfonce le clou, en terrain conquis face à une assistance d’élus locaux rompus à l’exercice des budgets et des dossiers administratifs : « Nous avons perdu nos leviers financiers. Nous sommes entrés dans la complexification absolue de nos pouvoirs d’urbanisme, au point qu’ils nous ont été retirés, au bénéfice, des DREAL, aux bénéfices d’Agences, elles aussi. Et aujourd’hui, nous n’avons plus le pouvoir d’agir ».

À titre d’exemple, Gérard Larcher cite un Code général des collectivités territoriales qui a été multiplié par trois en 20 ans (« Autant de nids à contentieux, autant de nids à blocages ») ou un Code de l’environnement qui est passé de 100 000 mots à un million sur la même période.

« Ce sera une de mes tâches de président du Sénat que cette œuvre de simplification. Je m’y engagerai de manière personnelle ». Applaudissements de la salle. Le Président du Sénat : « Cette verticalité nous coûte cher. Cette complexification nous coûte cher : l’OCDE, dans un rapport, a dit que la sur-réglementation, la complexification française coûtait 60 milliards d’euros chaque année à notre pays par rapport aux autres pays de l’OCDE ».

Le levier fiscal et financier

« Nous avons perdu le levier fiscal et financier ». Perte de la taxe professionnelle ; avènement des grandes régions et menaces qui ont pesé, en 2014, sur les Départements (« Imaginez aujourd’hui, à la lumière du Covid, à la lumière des solidarités, la France sans départements »), tentative de faire élire au suffrage universel les intercommunalités, disparition de 12 milliards de DGF entre 2014 et 2017, suppression de la taxe d’habitation…

Gérard Larcher énumère les atteintes au pouvoir décisionnel des élus de proximité et au « lien de citoyenneté ». « Nous proposons de réfléchir à un impôt résidentiel. Nous ne pourrons plus continuer ainsi pour des raisons citoyennes », souligne-t-il.

« Nous sommes aussi en train de perdre la CVAE qui remplaçait en partie la taxe professionnelle. Nous avons aussi des appels à projets nationaux. Et en fait, mes chers collègues, vous allez faire la quête auprès du préfet, DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux, NDLR), DSIL (dotation de soutien à l’investissement local, NDLR), fonds verts : vous déclinez non pas les politiques que vous voulez, mais les politiques qu’on vous impose ».

La santé

« C’est un signe d’inégalité extrêmement fort. Voilà pourquoi nous avions voté l’an dernier par exemple, l’envoi des internes de médecine générale en quatrième année sur le territoire sous-dense, qui représente aujourd’hui près de 80 % du territoire… Depuis deux ans, ce vote - répété l’an dernier - n’a toujours pas fait l’objet de décret. La question de la santé, est une question majeure, c’est même la question numéro 1, qui m’est posée dans toutes les assemblées générales de maires ».

La décentralisation

« 40 ans après les lois Defferre, la décentralisation a quasiment totalement disparu. Nous vivons la recentralisation. Je n’ai jamais voté lui mais reconnaissons que François Mitterrand, puis Jacques Chirac, ont apporté une dimension qui s’appelait confiance dans les communes, confiance dans les départements, confiance dans les régions. Au-delà de la décentralisation, c’est la capacité de tout le pays à se redresser au travers des collectivités. Nous abordons l’ensemble des sujets et pour nous, il n’est pas question de distinguer les communes rurales des autres, comme par exemple dans la question des indemnités ».

Rôle de l’école, Zéro Artificialisation Nette, protection des élus, « main tendue » au gouvernement en matière d’institution pour retrouver « une pratique des institutions qui soit non-verticale »... Gérard Larcher s’apprête à une rentrée sénatoriale active, avec, l’espère-t-il, une majorité pour le réélire et lui donner les moyens de peser sur les sujets qui lui tiennent à cœur.