Champagne / In Vino

Champagne de BARFONTARC, entre patrimoine et modernité

Champagne. La nouvelle identité du Champagne de BARFONTARC repose sur un ancrage territorial et historique profond, une quête de cohérence, d’excellence et d’humilité. Directeur de la Maison de Baroville dans l’Aube, Olivier Martin réaffirme les valeurs de proximité de l’entreprise.

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Photo d'Olivier Martin
Olivier Martin : « Nous sommes des paysans, il ne faut pas l’oublier. » (Crédit : MBP)

Matot Braine : La nouvelle signature de la Maison de Champagne de BARFONTARC symbolise-t-elle un virage pour la Maison ?

Olivier Martin : Nous voulions réaffirmer certaines valeurs. Tous les dix ans nous entretenons l’image de la Maison mais faire un habillage pour un habillage n’a pas de sens. Nous avons pris le temps de construire le livre de la marque. Nous nous sommes plongés dans soixante années de coopérative depuis 1962 et dans l’histoire de la marque depuis 1971. S’il a fallu deux ans pour sortir cette plateforme de marque, aujourd’hui tout est plus simple et plus fluide. Je ne me pose plus de question. Ce travail constitue aussi une courroie de transmission pour que les vignerons comprennent mieux ce que nous faisons de la marque. Nous ne voulons pas ouvrir un bureau à l’autre bout de la planète où BARFONTARC ne parle à personne. Nous sommes attachés au travail que font les vignerons et aux valeurs qu’ils portent. Nous avons écrit nos quatre engagements viticoles, vinicoles, commerciaux et territoriaux et de quelle manière la coopérative existe dans son écosystème. C’est important, je suis un enfant du pays, je peux difficilement le vivre autrement.

Comment se traduisent ces valeurs sur votre marque ?

Photo de la bouteille Héritage de la maison de Barfontarc
(Crédit : Olivier Frajman)

O.M : Nous avons modernisé le logo. Le symbole est construit sur ce qu’est notre Maison. La partie voutée rappelle l’architecture, l’histoire de la Champagne et des vignerons. La lettre B pour la marque permet aussi de lire un 3 en référence à l’association des trois villages viticoles d’origine de la coopérative Baroville, Fontaine et Arconville et on y voit un 8 qui est le nombre de villages d’où viennent aujourd’hui les vignerons adhérents. Nous avons aussi souhaité reprendre les codes de la Maison avec beaucoup de transparence et d’honnêteté pour les consommateurs.

Moi, quand je regarde une bouteille, je regarde tout de suite l’étiquette sur l’arrière et c’est ce que le consommateur demande. Nous avons fait le choix d’écrire devant, tout ce qu’un client voudrait savoir. L’étiquette reprend ainsi l’origine du champagne avec l’indication « Baroville – Côte des Bars en Champagne », le cépage, le dosage et le nombre de fois que l’assemblage a été réalisé. Par exemple pour la cuvée Héritage (voir photo), c’est la 49e fois. Nous avons aussi numéroté nos bouteilles pour toutes les cuvées ce qui donne une indication sur les volumes des produits et met en avant le côté artisanal de la production qui va de 100 000 exemplaires à quelques milliers pour les cuvées plus confidentielles. Cela donne une indication sur la rareté du produit.

Votre positionnement et votre politique de distribution vont-ils changer ?

O.M : Le nom de la cuvée a changé dans la nouvelle charte. Elle s’appelle Héritage. Nous mettons en avant cette volonté patrimoniale, avec ce que l’on a de nos parents et que l’on transmettra à nos enfants. Nous indiquons la mention « champagne de vignerons » plutôt que négociant. Il n’y a pas de compétition, nous expliquons où sont nos racines et à quel monde nous appartenons. Sans aucune critique pour le négoce qui est une activité importante et représente 70 % de notre production, mais dans notre discours commercial, nous sommes plus proches de celui du vigneron que de celui du négociant. Nous travaillons sur le secteur traditionnel avec une clientèle de particuliers, de détaillants, de cavistes et un peu de restaurateurs. Nous commercialisons 60 % de la production en France et 40 % à l’export dans 18 pays dont principalement le Japon. La Maison distribue 210 000 bouteilles et veut atteindre les 250 000 en 2024 et les 300 000 à 5 ans. À part à l’export où nous travaillons avec un distributeur, l’idée est de maintenir une activité commerciale en B to C au départ de la coopérative.

La Maison Barfontarc subit-elle la crise ?

O.M. : Notre secteur est plutôt épargné grâce à l’attachement et au côté festif auquel le champagne est associé. Je suis surpris de cet aspect positif du covid sur l’appréciation du produit. Il a été un peu dépoussiéré. Les jeunes acteurs et jeunes vignerons ont envie d’amener autre chose et cela booste le marché.

« Si demain ils créent une section viti-vini à Bar-sur-Aube, j’applaudis des deux mains. »

Nous avons fait une super belle année 2023. Nous allons revenir à une période économique différente. Je pense que l’année qui se profile va être plus compliquée si on se réfère aux indicateurs. Nous allons donc fidéliser les relations commerciales entretenues depuis 5 / 10 ans pour qu’il y ait une vraie compréhension de notre politique de distribution.

Comment Barfontarc aborde la RSE ?

O.M : La Maison accompagne les certifications environnementales depuis 8 ans auprès des vignerons. 85 % des cultures ont la certification Viticulture durable en Champagne. Le bémol est que cela représente 60 % des exploitations donc il faut aller chercher 40 % en nombre d’exploitations pour avoir les 15 % qui manquent en surface. La coopérative est certifiée ISO 9001 pour garantir l’ambition de qualité et de service auprès de nos clients. Nous avons une démarche RSE avec un fort attachement à la qualité de vie au travail avec un respect de tout l’écosystème social et environnemental autour de notre coopérative.

Qui mieux qu’un vigneron, qu’un rural peut prendre soin de son environnement ? Nous devons nous engagés parce que nous avons une part de responsabilité sociale et sociétale auprès de nos salariés et vignerons associés. L’accompagnement dans les certifications environnementales, la qualité, l’hygiène et la sécurité des personnes sont des métiers plus présents aujourd’hui. Nous avons aussi une activité d’œnotourisme pour faire découvrir notre métier et notre cadre de vie. La Maison accueille 2000 personnes par an pour des dégustations et des visites de vignobles avec des vignerons qui parlent avec beaucoup d’humilité et de compétences de leur métier.

Rencontrez-vous des difficultés de recrutement ?

O.M. : L’effectif est au complet avec 22 personnes à la coopérative. Il y a une petite fragilité sur la partie hyper technique en production où le volume de formation n’est pas suffisant. Il semblerait que le CFA de Bar-sur-Seine veuille ouvrir une deuxième classe, allons-y ! Si demain ils créent une section viti-vini à Bar-sur-Aube, j’accompagne et j’applaudis des deux mains. Cela fait 8 ans que nous accueillons des alternants. Cela me paraît indispensable de former ceux que nous voulons embaucher demain et nous ferons en sorte qu’ils restent.

Comment sera la Maison de Champagne de BARFONTARC demain ?

O.M : Ma vision est de maintenir cet équilibre savant entre la production de raisin, la détention de la vigne et la mise en marché. Il faut essayer de préserver la propriété du vignoble aux mains des vignerons. S’il faut reconnaître que ceux qui savent mieux faire le commerce restent les négociants, nous devons attentifs à la façon dont ce commerce se développe, pour qu’il reste accessible et que cela ne nuise pas in fine à l’image de l’appellation.

Photo de la Maison de Champagne de Baroville
La Maison de Champagne de Baroville. (Crédit : MBP)

Il y a un effet « premium » très marqué dans les grands groupes qui peut desservir. Nous devons être les gardiens du vignoble et tout mettre en œuvre pour cela reste aux mains des vignerons et des enfants de vignerons même si c’est compliqué et coûteux. Cette notion d’héritage est importante pour moi. Quand on plante une vigne, c’est pour 40 ans. Nous ne pouvons pas nous déconnecter de cette base temps. On n’est que des paysans. Mon grand-père faisait partie des fondateurs. Il était ouvrier agricole puis a réussi à avoir quelques ares de vignes. Mon père a pris la suite. On vient de là, il ne faut pas l’oublier. »