Vincent Jourdan
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Vincent Jourdan

Le collectif lui va bien

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Vincent Jourdan : « On doit un service complet à nos adhérents, pour le bien du collectif. C’est en cela que la coopération est moderne. » (Crédit : JR)

Près d’un quart de siècle dans la Marne n’a guère altéré le rythme de son phrasé estampillé ‘‘Drôme provençale’’. Ca tombe bien, Vincent Jourdan ne renie pas cette pointe d’accent léger à laquelle les coopérateurs champenois vont vite s’habituer – si ce n’est déjà fait.

Depuis juin 2022, il préside en effet la Coopération Agricole Grand Est - section Champagne (ancienne Fédération des coopératives vinicoles de Champagne), qui rassemble la quasi-totalité des structures – environ 120 – de l’appellation.

Près d’un quart de siècle, donc, au cours duquel il a patiemment acquis une indiscutable légitimité dans le milieu, ce qui n’est pas toujours le plus simple lorsque l’on n’est pas fils de la Champagne.

Mais, lorsqu’il s’installe à Courtagnon, en 2000, il est tout de suite à bonne école sous l’égide de Jacques Lutun, son beau-père, viticulteur et coopérateur respecté.

Challenges, rencontres, projets...

Une formation d’ingénieur en agriculture constitue déjà un bagage professionnel non négligeable. Vincent Jourdan travaille d’abord dans une PME lyonnaise du secteur agro-industriel, dont il prend la direction générale lorsqu’elle devient filiale d’un groupe anglais.

Pourtant, il n’envisage pas sa vie dans la peau d’un cadre sup’ de l’agro-alimentaire, rêve plutôt d’indépendance. Vignerons et agriculteurs, ses beaux-parents pensent à se retirer.

Avec Aude, son épouse, Vincent reprend l’exploitation familiale. « Mais je n’avais pas encore quitté l’agro-alimentaire. Pendant 4 ans, j’ai mené de front ces deux activités. Période… compliquée. »

En 2004, il se consacre entièrement à la terre. « J’avais tout à apprendre du terrain. Ce que j’ai fait aux côtés de mon beau-père, des salariés de l’exploitation, et avec la bienveillance de l’environnement viticole. »

En 2005, il intègre le conseil d’administration de la coopérative de Sermiers, à laquelle le champagne Lutun a toujours apporté son raisin.

« Cela a constitué pour moi un facteur important d’intégration dans le milieu viticole. Je sortais d’une période professionnellement et socialement riche et la coopération a été l’occasion de retrouver du relationnel et une ouverture sur la profession. » On l’a compris, Vincent Jourdan n’est pas un solitaire et la routine l’ennuie vite. « J’ai besoin de challenges, de me nourrir de rencontres et de projets. »

L’envie de l’aventure collective

Après la vendange 2010, le président de la coopérative de Sermiers ne souhaite pas effectuer un nouveau mandat. Vincent lève le doigt, « parce que je me sentais prêt. » Et puis l’envie – « parce que sans envie, on ne peut rien faire » – de l’aventure collective le titillait un peu.

Il prend la mesure des enjeux de la coopération, avec l’objectif de pérenniser la coop de Sermiers, pour les adhérents. Soucieux d’appréhender plus largement les choses, « d’être au cœur de ce qui se passe pour en avoir une compréhension optimale », il intègre le conseil d’administration de Nicolas Feuillatte, où il fait la connaissance de Véronique Blin (future présidente de Feuillatte et actuelle vice-présidente de la Fédération des coops de Champagne) et d’Eric Potié, qui l’entraîne bientôt à la Fédération qu’il préside alors.

« Le modèle coopératif est très bien adapté à la viticulture champenoise actuelle et future. »

Pour Vincent Jourdan « Il constitue une réponse au morcellement que connaît aujourd’hui le vignoble. Au regard des contraintes administratives, sociales, environnementales auxquelles doivent faire face les vignerons exposés à l’évolution ultra rapide de la profession, les coops sont un vrai support à la valorisation de la production de raisin, mais aussi à tout ce qui est périphérique à l’exploitation. On doit un service complet à nos adhérents, pour le bien du collectif. C’est en cela que la coopération est moderne. »

Programme et dossiers ouverts

L’an dernier, à l’heure de prendre un peu de recul après plus de 10 ans de présidence, Eric Potié et le bureau de la Coopération Agricole Grand Est - section Champagne présentent Vincent Jourdan comme successeur.

Il est élu par le conseil d’administration le 2 juin. Son programme – « ce n’est pas mon programme ! Je porte le programme d’une équipe… » –, bref, le programme porté par le nouveau président tient en trois points : assurer la représentation de la Fédération à l’échelle nationale ; conforter la représentativité de la coopération au sein des instances champenoises, en étant notamment une réelle composante économique du Syndicat Général des Vignerons, au service du vignoble, avec des marques fortes pour peser sur la filière ; faire valoir les intérêts de la coopération à l’échelle de l’appellation.

Le renouvellement des accords interprofessionnels après la vendange 2023, l’évolution des outils de régulation (comme la réserve individuelle, par exemple), la transition générationnelle avec la recherche de jeunes talents, sont les dossiers ouverts sur son bureau.

« Sans oublier l’animation du réseau des coopératives. La Fédération forme les administrateurs des coops, sert de support juridique aux administratifs et aux élus, établit plus de 600 bulletins de salaires pour les personnels… Pour cela, nous disposons d’une dizaine de collaborateurs. »

À part ça, Vincent Jourdan trouve encore le temps d’être adjoint à la maire de Courtagnon. Là encore, il y a la volonté d’apporter sa contribution à la vie de la petite commune (72 habitants !) où il habite et travaille depuis… près d’un quart de siècle.

D’aucuns pourrait voir dans ces engagements l’expression d’une ambition forcenée. C’est qu’ils ne connaissent pas Vincent Jourdan. Les choses se sont faites naturellement, au fil du temps, parce qu’il se sentait en mesure d’assumer ces responsabilités. Avec l’accord de son épouse et de ses enfants, à chaque fois consultés. Collectif, toujours…