Stéphane Keyser
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Stéphane Keyser

Une porte ouverte sur l’art

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Stéphane Keyser dans sa galerie d’art à Hermonville. Nastasia Desanti

Stéphane Keyser se caractérise par sa grande fidélité. En amour, en amitié, dans les affaires. Il a grandi avec la première entreprise qui l’a engagé, s’y est épanoui et l’a fait fructifier. Et non content de s’y limiter, il a également co-créé avec son épouse et des amis, un festival de jazz, et aujourd’hui une galerie d’art et des chambres d’hôtes. Mais tout cela ne s’est évidemment pas fait un jour car au départ, rien ne le destinait à un tel parcours… Originaire de la région – il est né à Reims, mais a grandi à Sermiers, un petit village viticole – Stéphane Keyser n’a pas une appétence particulière pour les études et leur préfère le concret.

Après 18 mois dans l’armée de l’air à Orange, où, comme officier et responsable défense sol-air, il apprend la rigueur et quelques bases de management, il revient à Reims où il rédige son « seul et unique CV » de toute sa vie. Mais avant d’entrer dans la vie active, il organise une grande fête pour son retour avec « déjà ce goût pour les événements ». Et le 26 juin 1993 très exactement, il « fait la rencontre la plus importante de toute (sa) vie, celle de (sa) femme ». Pendant quelques temps, il « vend des os », son père étant kinésithérapeute du Stade de Reims notamment, « dans le but d’aider les médecins à expliquer les pathologies dont souffrent les patients ».

Un « job de quelques mois » qu’il abandonne lorsqu’il fait « la deuxième rencontre la plus importante » de sa vie, celle de Ghislain Pointillart, pdg de Manurégion, à l’époque baptisée Manutention régionale, petite entreprise rémoise de trois salariés, vendant des chariots élévateurs. « J’ai été embauché comme commerciale en 1993 pour développer l’activité des portes industrielles, dans l’Aisne, la Marne et les Ardennes. » Travailleur et passionné par ses missions qu’il apprend sur le tas, Stéphane Keyser participe à la forte progression de l’entreprise, tant et si bien que Ghislain Pointillart lui propose d’acheter 25% des parts « à un tarif très préférentiel ». « À ce moment-là, la société faisait 400 000 euros de chiffre d’affaires et très vite, le secteur devient un peu juste, nous avons besoin de prendre de l’ampleur pour répondre à toutes les demandes car nous devenons un acteur de poids local de la fermeture industrielle et de l’équipement de quais. »

Une montée en puissance

Manurégion ouvre ainsi plusieurs agences dans le Grand Est et en 2001, c’est à nouveau une rencontre déterminante qui fait évoluer Stéphane Keyser dans ses activités. « Je rencontre à ce moment Éric Drain qui avait ouvert une des agences à Dijon et ensemble, nous devenons associés avec 49% des parts à deux. Nous développons ensuite la société jusqu’à ouvrir six agences et en 2013, Ghislain Pointillart qui détenait alors 51% des parts, fait valoir ses droits à la retraite et nous revend la totalité de Manurégion. » L’entreprise ayant pris beaucoup de valeur, jusqu’à atteindre « plusieurs millions d’euros », pour racheter l’ensemble des parts, les deux hommes s’associent avec quatre autres cadres de la société.

« Ma réussite c’est celle d’avoir grandi dans une société et aujourd’hui de faire vivre des gens grâce à elle. »

« Ensemble, nous développons la société jusqu’à atteindre 140 salariés et 24 millions de chiffre d’affaires, en nous imposant comme les spécialistes de la fermeture industrielle, de la vente, de l’entretien et de la réparation », précise Stéphane Keyser. Jusqu’à cette année, les associés structurent toujours un peu plus la société avec comme objectif de la pérenniser, en construisant notamment un nouveau bâtiment en 2015, mieux adapté à l’activité et à l’amélioration des flux. « Construire une telle histoire ne s’envisage pas sans consolider le devenir et les emplois pour les salariés », insiste-t-il.

Structurer et renforcer Manurégion

« Toute ma vie, je n’ai souhaité qu’une seule chose, structurer et renforcer Manurégion. L’argent gagné a toujours été réinjecté dans l’entreprise, pour son développement, pour lui faire gagner en importance. Je n’ai jamais roulé en Porsche et ça n’a jamais été mon objectif », livre Stéphane Keyser. « Nous avons toujours été conscient que la principale richesse d’une entreprise, ce sont les gens qui la composent. Ma réussite c’est celle d’avoir grandi dans une société et aujourd’hui de faire vivre des gens grâce à elle. » Et pour la faire évoluer encore plus, en novembre 2021, tous les associés ont vendu leurs parts à Novoferm, un grand groupe, « avec encore plus de moyens » (700 salariés, 150 millions d’euros de chiffre d’affaires).

« Notre choix s’est porté sur le projet présenté par Michel Akoum, président de Novoferm France, où nous avons retrouvé des valeurs communes de respect des femmes et des hommes qui composent nos deux sociétés », expliquait ainsi Stéphane Keyser dans nos colonnes. Et s’il a vendu ses parts, celui qui aura passé presque 30 ans dans la société et qui arbore toujours une chemise logotée au nom de l’entreprise, reste salarié de Manurégion, comme Directeur commercial.

Mais avec les fonds engrangés de la vente, une seconde vie professionnelle s’ouvre à lui, celle de « Business angel ». « La transmission des savoirs est importante et le fait d’accompagner et de soutenir des entreprises en devenir m’a paru être une bonne manière d’investir l’argent gagné en faisant profiter de mon expérience. ». Son premier soutien va aller à la start-up In Tracks, spécialisée dans la création de tableaux de bords de données type compteur Linky. Et son premier choix n’est pas dû au hasard puisqu’il s’agit de l’entreprise créée… par son fils.

De la culture et du jazz

Autre engagement, culturel cette fois-ci, avec la création d’un festival de Jazz à Hermonville, en 2010, baptisé « Art & Jazz dans ma cour ». « Nous sommes installés dans ce beau village depuis 1999, et c’est une initiative de copains, de voisins, d’avoir voulu ouvrir les cours des maisons à des expositions d’art et des concerts de jazz. » Le festival, soutenu par de nombreux mécènes (et clients de Manurégion !) se déroule tous les deux ans et en est à sa sixième édition. Au fil des ans, il a pris de l’ampleur, puisque désormais une personne est chargée de la programmation artistique et que de belles têtes d’affiches sont présentes dans le massif de Saint-Thierry.

Ainsi, Michel Jonasz, André Manoukian ou encore Candy Dulfer, saxophoniste (qui joua aux côtés des Pink Floyd) ont donné des concerts à Art & Jazz dans ma cour. « Ce qui est sympa, c’est que le public a l’occasion, deux jours durant, de découvrir des lieux habituellement fermés et qui valent le détour. » Chaque édition, pour laquelle oeuvrent 130 bénévoles, accueille désormais une trentaine de groupes et une cinquantaine d’artistes plasticiens. « Les artistes programmés, sont le fruit de rencontres. Il faut que l’esprit de partage et de communion avec le public et les villageois soit présent. »

Création d’une galerie d’art

Si le festival 2020 était prêt, il n’a pas pu se tenir en raison du Covid-19. « L’édition 2022 est également bookée. On espère que tout va pouvoir se dérouler normalement. Le festival se déroulera les 11 et 12 juin prochains. » Dernier engagement en date de Stéphane Keyser, la création d’une galerie d’art au rez-de-chaussée d’un ancien atelier de mécanique entièrement rénové, dans lequel à l’étage, ont été créées trois chambres d’hôtes. « Cette dernière initiative est le fruit d’une réflexion et d’une envie commune avec ma femme d’ouvrir toute l’année un lieu dédié à l’art, et non pas juste deux journées par an », explique-t-il. Ainsi les presque 300 m2 ont été entièrement réhabilités et convertis en lieu d’accueil d’exposition permanente de plusieurs artistes, avec différentes ambiances au sein de la galerie dans laquelle il sera aussi possible de boire une coupe de champagne de producteurs locaux.

« Nous avons des artistes d’ici mais aussi issus d’autres régions. Là encore, nous fonctionnons au coup de coeur, à la rencontre. » Angelo Lembo, Mog’s Art, Christine Hoffmann, Quentin " Wone " Bohn ou encore Yann Leharanger font donc partie des premiers artistes exposés. Les chambres d’hôtes quant à elles, seront disponibles début janvier, avec là encore, la volonté et le bonheur « de rencontrer des gens, de découvrir de nouvelles histoires ».