Stéphane Journaux
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Stéphane Journaux

Commerçant et précurseur.

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Portrait : Stéphane Journaux
Une cuillère à soupe suffit pour doser les produits Stéphie, très concentrés. (Crédit : N. Desanti)

À l’heure de la dématérialisation, du click and collect et des story Instagram, l’entreprise de produits ménagers et cosmétiques Stéphie ferait presque figure d’ovni. Et pourtant, c’est bien son ADN de proximité et de relation avec le client qui en fait aujourd’hui une entreprise non seulement florissante mais aussi ancrée dans le présent et les préoccupations de développement durable. « Mon père était vraiment ce que l’on appelle un commerçant, dans le sens le plus noble du terme », indique Stéphane Journaux. « Il a créé l’entreprise en 1982, après avoir été licencié d’un grand groupe qui avait été racheté. » Plongeant dans ses souvenirs d’enfance, celui qui a repris les rênes de Stéphie en 1997, se remémore les débuts difficiles : « Comme beaucoup d’entreprises, la nôtre est née dans un garage, où l’on poussait les murs pour stocker les premiers produits… puis mon père a acheté ici à Reims, rue Martin Peller, où nous sommes toujours. »

Ayant déjà une sensibilité écologique, le père de Stéphane Journaux se dirige d’emblée vers des produits sans suremballage, sans colorant et les plus sains possible, précurseur avant l’heure, des produits zéro substances dangereuses et respectueux aussi bien pour l’environnement que pour l’utilisateur. « Notre premier fournisseur avait trouvé une molécule pour nettoyer les oiseaux victimes de la marée noire provoquée par le pétrolier Amoco Cadiz en 1978, au large des côtes bretonnes, sans abimer leur plumage ni enlever le film protecteur et étanche qu’ils ont sur les plumes. » Stéphie — dont le nom est issu de la contraction des prénoms des deux enfants du créateur de l’entreprise, Stéphane et Jean-Philippe — commence ainsi avec une petite dizaine de références dans l’entretien (vaisselle, sol) et cosmétiques (visage et yeux).

Mais les débuts sont compliqués… « Mon père est allé voir à l’époque Jean-Paul Pageau, qui lui a offert tout un linéaire du magasin Leclerc de Champfleury. Mais ça ne marchait pas. Le packaging n’était pas satisfaisant, la couleur et les odeurs des produits non plus. La société s’est alors tourné vers un autre type de vente, celle à domicile, pour mieux expliquer le produit. » Stéphie engage donc des commerciaux pour aller démarcher les clients directement. Et ça marche. Tant et si bien qu’aujourd’hui, la vente à domicile représente encore 25% du chiffre d’affaires. « Nous touchons une clientèle qui a besoin de contact. » C’est pourquoi la vente des produits se fait également dans la grande tradition des réunions « Tupperware ». « Avec 300 références, nous organisons ces réunions autour d’un thème en particulier. La moyenne du panier va être, lors de ces réunions, de 75 euros. » Certifiés écolabel, ecocert et certi-reach, le produit dont le packaging a été modernisé trouve rapidement preneur.

Un site internet avant tout le monde

Arrivé dans l’entreprise en 1989, après son service militaire et un DUT Gestion des Entreprises et Administration, Stéphane Journaux a toujours su qu’il reprendrait l’affaire familiale. « J’ai baigné dedans depuis tout jeune et je souhaitais m’investir aux côtés de mon père. Lorsqu’on est à la tête d’une TPE, aucune journée ne se ressemble. Et c’est cette diversité qui me plait. » Le fait que l’entreprise, aussi, soit une histoire de famille joue dans l’engagement et l’énergie que le dirigeant met à l’œuvre.

« J’accorde une grande importance aux corps intermédiaires, et une fois de plus, de par ma position, c’est aussi un devoir de m’impliquer, pour les générations futures. »

« 100 % du capital est détenu par la famille, ce qui donne des conseils d’administration qui se terminent en repas ou l’inverse ! » Avant-gardiste, il met en place le premier site internet de la société en 1994 « au moment où une page mettait des minutes entières à charger ». Mais cette initiative menée de concert avec sa banque permet de mettre en place les premiers paiements en ligne. « Une expérimentation qui nous garantit toujours des bons rapports avec notre banque qui nous suit depuis des années. » Ce mode de règlement vient compléter l’offre multiple proposée par Stéphie, entre le démarchage, les réunions « Tupperware » et désormais, la vente en ligne. La multiplicité des canaux d’approvisionnement fait entrer la petite société dans une dimension extranationale avec un chiffre d’affaires de plus d’un million d’euros. « Ch’tis d’origine, nous avons commencé par conquérir le marché du Nord de la France puis de la Belgique, et aujourd’hui, nous distribuons dans un arc de cercle qui va la Normandie au Jura. »

Plusieurs engagements syndicaux

En 2010, Stéphane Journaux a une nouvelle idée, « faire des tournées avec la marchandise dans le camion en ciblant les TPE, les PME mais aussi toujours les particuliers ». Se rappelant la base du métier de commerçant, la connaissance et la promotion du produit sont au cœur de la démarche. « On ne vend pas de l’eau, insiste-il. Chez nous, une dose de lessive c’est l’équivalent d’une cuillère à soupe. Il faut déconstruire la tendance des gens à toujours mettre beaucoup plus qu’il n’en faut ! Nous allons à l’encontre de l’idéologie capitaliste qui pousse à consommer toujours plus ! », relève celui qui quand il n’occupe pas ses fonctions au sein de son entreprise est très engagé syndicalement.

« Quand j’ai repris les rênes de l’entreprise, j’ai contacté la CGPME, (ex-CPME), afin d’aider des jeunes qui sortaient de mission locale à trouver des emplois en entreprise. J’ai rapidement occupé des postes de trésorier ou au sein du bureau. Car je pars du principe que si l’on adhère à un syndicat il faut s’y consacrer pleinement. C’est une manière de rendre à la société ce que nos aînés ont conquis pour que nous puissions vivre correctement. » Ainsi, outre la CPME, Stéphane Journaux a aussi été trésorier au sein de la CCI Marne en Champagne. Il est d’ailleurs membre du bureau depuis novembre 2021.

« J’accorde une grande importance aux corps intermédiaires, et une fois de plus, de par ma position, c’est aussi un devoir de m’impliquer, pour les générations futures. Si nous voulons une société qui va dans le bon sens et combattre un certain obscurantisme, il faut être acteur du changement. ». Avec la CCI, il a par exemple contribué à la mise en place de l’opération « Mouillez-vous pour les commerçants rémois des rues Jean-Jaurès et Cérès », suite aux inondations de juin et juillet 2021. « L’idée a été de créer un jeu concours pour faire revenir les clients dans les boutiques. » Cet engagement, Stéphane Journaux en est conscient, il prend de la place, c’est pourquoi, il insiste sur l’importance de « compartimenter » les choses. « Le week-end, je le consacre à ma famille. Je débranche les portables, et je fais du sport ! »