Jean-Christophe Jeanson
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Jean-Christophe Jeanson

Les ingrédients du bonheur.

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Photo de Jean-Christophe Jeanson
C’est en 2019 que Jean-Christophe Jeanson reçoit la médaille et le diplôme de Meilleur Ouvrier de France en pâtissierie-confiserie. (Crédit : NC)

Jean-Christophe Jeanson n’aimait pas beaucoup l’école. Un CAP de pâtissier en poche et quelques années d’expérience professionnelle plus tard, il est devenu chef pâtissier chez Lenôtre. Avant de décrocher le titre de MOF à 52 ans. Il est aujourd’hui le chef exécutif en pâtisserie et chocolaterie de la maison Caffet, à Troyes.

De son enfance, il a gardé le souvenir de réunions de (grande) famille chez Paulette et Noël, ses grands-parents. « Ils ont eu dix enfants et ma grand-mère en gardait d’autres, car c’était son métier. Lorsque l’on se retrouvait chez eux avec mes cousins pour les congés scolaires, j’avais l’impression d’être en colonie de vacances », relate Jean-Christophe Jeanson, qui n’aura de cesse de cultiver ce goût d’être ensemble et l’esprit d’équipe, tout au long de son parcours.

Côté scolarité, l’enthousiasme n’est pas vraiment au rendez-vous : « Je ne supportais pas l’école. J’aidais mon père au restaurant. De 11 à 14 ans, il m’emmenait une fois par semaine à Rungis. À trois heures du matin, j’étais devant les étals de poissons et à huit heures, devant le collège, sourit-il. L’effervescence de Rungis m’a donné l’envie d’aller dans cette vie d’adultes. Je prenais plaisir à voir les gens passionnés par les métiers de la gastronomie. »

Pré-apprentissage en pâtisserie

Assis en classe mais la tête ailleurs, indiscipliné, il quitte l’école en quatrième pour effectuer un pré-apprentissage en pâtisserie. « Mon père m’a pris en cuisine », se souvient-il. Seulement voilà, c’est une méthode à l’ancienne, très dure, qui l’attend. Un régime que le jeune ado trouve rapidement insupportable.

« Comme je le voyais s’embêter avec les pièces montées, j’ai eu l’idée de m’en occuper – pour être tranquille aussi », confie Jean-Christophe Jeanson. « J’ai finalement travaillé pendant deux ans chez le meilleur ami de mon père. C’est lui qui m’a donné confiance en moi. Il m’a motivé et donné envie de continuer », assure-t-il.

En 1983, Jean-Christophe commence son apprentissage dans une autre maison. En 1985, CAP en poche, il entre à la maison Deluc, La Gourmandise, à Sucy-en-Brie, dans le Val de Marne. Il y restera près de cinq ans. « Ils m’ont pris sous leur aile. J’étais à 80 % de mon temps chez eux », se souvient-il.

« Je ne supporte pas de ne pas être heureux. Mon combat, c’est de toujours l’être. »

« Puis j’ai voulu arrêter ce métier. Je travaillais dix à onze heures par jour et j’avais envie de m’amuser avec mes copains », reconnaît-il. À la faveur d’un break, il se ravise et opte pour une embauche chez un traiteur, où les « week-ends sont plus calmes ».

Il entre en 1990 chez Raynier & Marchetti en tant qu’ouvrier et devient chef pâtissier au bout de cinq ans. En l’an 2000, l’entreprise est rachetée par le groupe Flo. Alors qu’il commence à s’ennuyer, on lui propose le poste de responsable de toutes les créations pâtissières pour le groupe. « Au bout de deux ans et demi, la branche a été rachetée par Fauchon. Je suis resté trois ou quatre mois seulement. l’état d’esprit ne me plaisait pas », souligne-t-il.

La maison Lenôtre l’accueille au sein de sa brigade en 2003. Entré comme adjoint du chef pâtissier, il prendra sa place en 2005, lors de son départ à la retraite. « Le responsable avait besoin d’un manager et j’aime relever des défis », se félicite le passionné de rugby qu’il est aussi.

« J’aime la hiérarchie de l’armée pour que chacun puisse donner le meilleur de lui-même. C’est valorisant et grisant d’aller chercher des objectifs », ajoute-t-il.

MOF en 2019

« Faire un gâteau, c’est facile. En faire cent, c’est autre chose », insiste Jean-Christophe Jeanson. De ce point de vue, la médiatisation n’a pas que des effets positifs sur la perception du métier : « Instagram et les émissions de télévision font croire que c’est facile. Il faut au contraire avoir conscience de la difficulté que l’on doit surmonter par de la rigueur, de l’investissement, de l’abnégation parfois. Mais sans cette difficulté, on ne sort pas le meilleur de soi-même ».

Selon Jean-Christophe, la motivation de passer le concours Un des Meilleurs Ouvriers de France vient de là. « Chaque MOF a son Everest à atteindre. En pâtisserie, sur 50 inscrits, 12 seulement arrivent en finale. C’est le plus complet, celui qui demande le plus de maîtrise le jour J », affirme-t-il.

C’est aussi par respect pour la maison Lenôtre – qui compte pas moins de 450 chefs – que le pâtissier aubois tente le concours une première fois en 2015. Avant de pouvoir transformer l’essai, il attendra cependant quelques années.

Le soutien de Claudia, son épouse, d’Andy et de Mike, ses enfants, fera pencher la balance du bon côté : « Ma famille, c’est ce qui fait que j’ai été capable, à 52 ans, de passer le concours ». Et de confier que l’échec du premier lui avait fait prendre goût au dépassement de soi.

« La seconde fois, j’y suis allé pour moi. C’est ce qui explique sans doute la réussite », observe le dynamique passionné. C’est en 2019 que Jean-Christophe Jeanson reçoit la médaille et le diplôme Un des Meilleurs Ouvriers de France pâtissier-confiseur.

Chef exécutif de la Maison Caffet

En mars 2021, c’est un radical changement de vie que requiert l’offre de Pascal Caffet, qu’il connaît de longue date. Le chef pâtissier et chocolatier troyen lui propose de devenir chef exécutif.

Après mûre réflexion – grâce au télétravail, son épouse est toujours cadre en expertise comptable dans une banque en région parisienne – il accepte de revenir dans l’Aube pour intégrer la maison Caffet. « C’est une vraie belle entreprise familiale, bienveillante vis à vis de son personnel », fait-il valoir.

Pour le nouveau chef exécutif en pâtisserie et chocolaterie de la maison Caffet, rigueur et exigence vont de pair avec qualité et créativité. Avec l’objectif de transmettre des émotions.

Grâce à sa vision novatrice de la pâtisserie et son goût pour bousculer les saveurs, il repense, recherche, décline, réinvente et met en œuvre avec ses collaborateurs. « J’ai envie de partager, que chaque personne mette sa pierre à l’édifice », analyse-t-il, avant d’ajouter : « Je ne supporte pas de ne pas être heureux. Mon combat, c’est de toujours l’être ».