Dominique Hautem
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Dominique Hautem

L’art dans les mains comme fil conducteur.

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Dominique Hautem sera investi à la tête de la CMA de la Mane le 18 novembre prochain. Nastasia Desanti

Impossible de comprendre le parcours de Dominique Hautem sans s’intéresser à l’histoire de sa famille, intimement liée depuis des générations à celle de son village natal, Villers-Marmery, et plus globalement à celle de la région de la montagne de Reims. Il faut remonter au début du XIXe siècle pour retrouver la première entreprise de la famille Hautem, en l’occurrence la maçonnerie pour son aïeul, Modeste. « À cette époque, le maçon faisait plus que des travaux de maçonnerie. Il était aussi charpentier, couvreur, et participait à tous les travaux du village et des communs alentours. »

Débute alors la Première Guerre mondiale, excessivement meurtrière. « Mon grand-père, Allyre Hautem, a été réquisitionné à l’âge de 13 ans, pour découper dans le bois des planches de cercueil et y enterrer tous les soldats, souvent très jeunes, aussi bien du village que des communes à proximité », raconte Dominique Hautem. Il exerce jusqu’en 1921 cette activité, des corps réapparaissant régulièrement hors de terre. « En 1921, l’électricité arrive à Villers. Et c’est l’occasion pour mon grand-père de s’y investir corps et âme, ne supportant plus le souvenir que lui évoque une planche de bois. »

Une affaire familiale

Allyre Hautem équipe alors le village et de nombreux autres. « Au départ, avoir l’électricité, c’était juste une ampoule et un interrupteur principal dans une seule pièce : la cuisine qui est aussi la pièce de vie. Puis cela s’est étendu aux chambres et aux autres pièces de la maison. » Véritable « Géo Trouvetou » le grand-père de Dominique Hautem invente des procédés pour électrifier des machines, construit des batteries, pose aussi des antennes de TSF… « C’est vraiment lui qui m’a transmis la passion de l’électricité. C’est en le regardant faire que j’ai eu tout petit la volonté de me diriger dans cette voie. »

L’électricité reste liée aux travaux de bâtiment « s’il y a des boiseries et moulures, c’est qu’il y a des câbles derrière », révèle l’électricien. En 1968, son père André, monte quant à lui une entreprise plus généraliste de maçonnerie, couverture, électricité, plomberie et travaux funéraires. « Nous sommes cinq frères et soeur et nous avons tous repris une entité de l’entreprise de mon père que nous avons développée tout en restant dans le village de Villers-Marmery. » Cet apprentissage familial lui apporte inévitablement le goût de la transmission.

Compétences et confiance

« J’ai appris à travailler en famille et je n’ai eu pour seul patron dans ma vie que mon propre père. Pour autant, jamais je ne me suis permis d’arriver une seule fois en retard. Nous avons toujours travaillé dans le respect et la bienveillance, et c’est exactement ce que j’ai essayé d’appliquer au sein de mon entreprise. » L’entraide est ainsi une valeur fondamentale pour Dominique Hautem qui avoue accorder une place particulière, non seulement aux compétences mais aussi à la confiance de ses « compagnons » (car dans la tradition des artisans, le chef d’entreprise parle de compagnons et non de salariés). Aujourd’hui au nombre de huit, l’entreprise recherche encore deux autres personnes.

« Je n’ai eu pour seul patron dans ma vie que mon propre père. Pour autant, jamais je ne me suis permis d’arriver une seule fois en retard. »

« Nous avons du mal à recruter, non seulement à cause d’une tension dans notre secteur mais aussi en raison de notre localisation, à 25 minutes des grandes villes : Reims, Châlons, Épernay. » Et pourtant des candidats, il y en a : « Mais certains pourtant prometteurs, nous lâchent en cours de route préférant le CDD au CDI et ainsi recharger leurs droits au chômage. » Dépité, Dominique Hautem propose pourtant de nombreux avantages dans son entreprise, dont le véhicule qu’il met à disposition. C’est alors sur les apprentis que mise l’homme qui est aussi président de la Capeb depuis 2010, organisme des professionnels du bâtiment.

« L’apprentissage est notre meilleure façon de recruter, tout comme les valeurs que nous véhiculons. » Les apprentis, mais aussi et toujours la famille, son fils reprenant l’activité après un diplôme d’ingénieur et une licence en domotique. Il fera partie de la sixième génération implantée à Villers-Marmery.

Réactivité et disponibilité

Au sein de la Capeb, Dominique Hautem a voulu apporter « une grande disponibilité auprès des artisans et encore et toujours de la bienveillance », son maître-mot. « Je suis très exigeant par exemple sur la réactivité à donner un renseignement au sein de l’organisme. Hors de question d’avoir des serveurs vocaux ou une ligne qui sonne dans le vide pendant des heures », insiste-t-il. Dans cette lignée, il a mis en place un service technique où cinq professionnels répondent à des questions d’artisans concernant notamment les normes multiples et variées. « Dans la foulée, l’artisan reçoit un mail avec sa question, la réponse, ainsi que le texte de loi correspondant. C’est vraiment l’idée que je me fais du service aux artisans. »

Et les chiffres d’adhésions à la Capeb lui donnent raison. « Aujourd’hui, nous avons une augmentation substantielle du nombre d’adhérents, avec environ 550 artisans. » Son engagement syndical, il l’explique par une volonté profondément ancrée du service, inculquée par sa famille. « Je suis issu d’une famille de pompiers, mon fils l’est également. Moi ça passe par le syndicalisme professionnel… » Sans véritable plan de carrière, c’est aussi cette notion de service qui le pousse à s’engager à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat. « Avec la refonte récente des CMA, il va y avoir une ligne régionale à respecter. La question n’est plus ‘‘est ce qu’on va être d’accord avec la régionalisation’’, mais plutôt comment on va la mettre en place ? Le télétravail apporte aussi de la souplesse sur les tâches que l’on va demander aux uns et aux autres. »

Dominique Hautem a fait campagne sur « la proximité et l’ADN de ce qu’est un artisan, à savoir, avoir son art dans les mains. Un artisan, il est souvent seul ou avec quelques salariés et il n’a pas de services de gestion, juridique ou de RH, la CMA doit lui apporter l’aide et l’accompagnement dont il a besoin sur le plan commercial, juridique, comptable ou des ressources humaines. » Toujours attaché aux notions de racines, de transmission et de bienveillance, ce sont ces valeurs que Dominique Hautem compte continuer à mettre au service de l’artisanat.