Denis Muszalski
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Denis Muszalski

Du statut de patron à celui d’enseignant.

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Photo de Denis Muszalski
Denis Muszalski a connu un parcours atypique le menant de hautes fonctions dans l’industrie à un poste d’enseignant. (Crédit : PR)

Natif de la Pointe des Ardennes, Denis Muszalski a passé sa jeunesse à Aubrives avant de suivre un BTS Force de Ventes à Reims qui l’amena à travailler de 1990 à 1997 en alternance pour Primo Informatique, comme conseiller commercial en informatique de gestion auprès des PME. « Je gagnais bien ma vie mais je ne me voyais pas continuer dans cette voie. J’ai négocié mon départ et, à 30 ans, j’ai repris des études à l’Institut de Gestion Sociale de Paris pour obtenir un certificat d’études supérieures en ressources humaines. »

Sorti major de sa promotion, Denis Muszalski se heurte pourtant à une réalité. « Si j’avais un beau diplôme provenant d’une belle école, en revanche, je manquais d’expérience sur le terrain. Ça m’a poussé à accepter un poste de conseiller professionnel pour des publics en grande difficulté à Reims. »

CHEZ ARIES PRISMA ET THYSSENKRUPP

L’ex-ANPE le guide alors vers Pure, dans ses Ardennes natales, où le groupe Aries Prisma recherche un responsable du personnel. Etienne Ledentu l’embauche au sein d’une PME de 120 personnes spécialisée dans la fabrication de longerons de camions qui, deux ans plus tard, passe dans le giron de l’Allemand Thyssen Krupp. Il fait ainsi ses premières armes dans l’industrie de 1999 à 2008. « Un milieu où les rapports humains sont authentiques et dans lequel je me suis tout de suite bien senti ».

À tel point qu’en 2007, au moment où Renault Trucks, dont l’usine de Pure dépendait à 80%, menace de retirer sa ligne de production, ses dirigeants lui confient la mission de prendre son bâton de pèlerin pour sauver le contrat avec le constructeur français.

« Sous la double casquette de DRH et commercial, nous avons réussi à inverser la donne en convainquant Renault Trucks d’être notre partenaire durant cinq ans. Mon premier sauvetage d’entreprise », se remémore-t-il. Après s’être livré à fond dans ces tractations et avoir été fortement ébranlé par un accident mortel survenu dans l’entreprise, Denis Muszalski tourne la page.

ASSURER LA PÉRENNITÉ D’AKERS

Son ancien collègue, Pascal Vanderpoorte, devenu directeur général d’Akers, lui propose de venir l’épauler à la tête de l’entreprise métallurgique sedanaise. Il accepte l’offre. Mais alors qu’il a été recruté en novembre sur la base d’une production de 900 cylindres de laminoirs, ce volume avec la crise des subprimes s’est effondré à 360 unités au moment de sa prise de poste de DRH en janvier 2009.

Insupportable pour la maison mère suédoise, leader mondial de l’activité qui menace de fermer l’usine si un plan social de 80 postes n’est pas mis en place. Soit près de la moitié du personnel. Brutale entrée en matière. Le jeune duo de managers chargé de mettre en œuvre ce scénario catastrophe ne s’y résout pas. Pour éviter le pire, il propose au board scandinave de recourir à des solutions alternatives pour limiter la casse sociale.

« On a fait partir des salariés volontaires sur trois ans, mis en place un massif dispositif de chômage partiel soutenu par l’Etat, agi sur l’absentéisme et la qualité de la production. » Une orientation qui débouche, fin 2009, malgré la réduction des effectifs, à un résultat d’exploitation positif.

La méthode s’étant révélée efficace, Denis Muszalski est nommé, en mai 2012, DRH Akers France et Belgique (800 salariés au total) pour dupliquer ce programme à Liège.

Mais les deux Ardennais déchantent en 2013. Les dirigeants décident d’arrêter les frais en se désengageant du site sedanais. Les chances de changer le cours des choses sont cette fois très minces.

L’AVÈNEMENT D’AFS

Pascal Vanderpoorte et Denis Muszalski jouent alors leur dernière carte : la reprise de l’entreprise. Avec une exigence à la clé : que le groupe Akers fournisse au site de Sedan un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros en lui garantissant quatre ans de commandes de cylindres par obligation contractuelle. « Ce plan d’autonomie à l’horizon 2017, signé le 31 décembre 2013, s’est traduit par le rachat du site, la création d’AFS (Advanced Foundry Services) et le maintien des 115 salariés. On a ainsi sauvé une nouvelle fois l’usine tandis qu’Akers échappait au coûteux plan de dépollution (30 millions d’euros) dont les pouvoirs publics l’avaient menacé. »

Malgré le non-respect des engagements initiaux et la dégradation d’un marché de niche, AFS prospecte les clients internationaux et engrange des commandes.

« J’avais repris des fonctions commerciales et entre 2015 et 2018, j’ai couvert 360 000 kilomètres en avion, huit fois le tour de la terre, pour présenter la nouvelle entité AFS. »

« Durant trois ans, je suis parti quinze jours par mois pour préparer notre future autonomie. »

Mais la PME souffre d’un besoin de financement croissant qui contraindra Denis Muszalski à hypothéquer sa maison en 2016, pour convaincre les banquiers de lui prêter de l’argent.

In fine, le salut viendra du géant mondial de la sidérurgie, ArcelorMittal. Craignant d’être fragilisé par cette situation, ce gros client d’AFS acquiert 60% de la PME ardennaise et injecte quatre millions d’euros dans son fonds de roulement en 2018. Après dix ans de combat, l’avenir de l’entreprise est enfin pérennisé. Denis Muszalski démissionne alors en février 2019.

« C’est la meilleure chose que j’ai pu faire. J’avais une connotation de sauveur mais à ce moment-là, la société avait besoin d’un véritable développeur. J’ai eu conscience d’avoir atteint mes limites de compétence. Aujourd’hui, je suis fier de voir qu’AFS, sous la direction d’Olivier Giot, fabrique 1 000 cylindres de laminoirs, emploie 240 personnes et réalise près de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires. »

L’Éducation nationale recherchant du personnel pour ses filières technologiques, Denis Muszalski après avoir été reçu au Rectorat, devient enseignant contractuel et prend un poste de professeur d’économie-gestion en septembre 2019 au Lycée Pierre-Bayle de Sedan, plus gros établissement des Ardennes avec 1 000 élèves.

« Pour moi, c’est un honneur de travailler pour l’Education Nationale en essayant d’apporter quelque chose à des jeunes et en leur donnant des clés et du sens, pour être, demain, les acteurs de notre économie. Je ne suis pas encore devenu un prof à part entière, j’apprends toujours en respectant la sémantique, la didactique et les référentiels nécessités par ce métier qui réclame beaucoup de travail et une adaptation permanente ».