Guillaume Gellé
Invités / Entretiens

Guillaume Gellé

Mission accomplie.

Lecture 9 min
Photo de Guillaume Gellé
Guillaume Gellé a passé huit ans à la tête de l’URCA. (Crédit : JR)

Cumières, ses bords de Marne, son vignoble, ses présidents d’université… Pour les bords de Marne et le vignoble, tout le monde voit de quoi il s’agit. Pour les présidents d’université, l’anecdote mérite d’être contée. C’était en classe de CE1. Il y avait le petit Guillaume Gellé, qui passait l’année scolaire chez sa tante, institutrice, et la petite Virginie Laval, fille de vigneron.

À l’heure des premiers apprentissages, ils ne savaient pas que Guillaume deviendrait président de l’Université Reims Champagne Ardenne en 2016, et Virginie présidente de l’Université de Poitiers en 2020 ! Ils ne savaient pas, non plus, qu’ils se retrouveraient également sur les bancs de France Universités (association représentative des établissements d’enseignement supérieur et de recherche), dont le premier est actuellement président, et la seconde, membre du conseil d’administration !

« Si mes origines familiales sont pyrénéennes – Ariège et Pyrénées Atlantiques – j’ai passé mon enfance dans le Luberon », explique Guillaume Gellé. Le spécialiste du traitement du signal qu’il deviendra par la suite en a d’ailleurs conservé une légère fréquence chantante.

Une enfance dans le Luberon, et de nombreuses vacances chez sa tante et son parrain, également instituteur, à Cumières donc, où il s’imprégnera des vertus de l’école, où sa tante accueillait chez elle ses jeunes élèves à la fin de la classe, les faisant goûter, surveillant leurs devoirs, avant que leurs parents ne viennent les chercher. « Il y a toujours eu, dans ma famille, l’idée que l’école permettait de s’élever, qu’elle était effectivement, en ce sens, un ‘‘ascenseur social’’. Plus tard, certains de mes professeurs m’ont aussi donné ce goût, cette envie d’enseigner… »

Guillaume Gellé reviendra à Cumières en 1987 pour effectuer son année de terminale au lycée Léon Bourgeois d’Epernay. Puis direction la faculté des sciences de Reims. Doctorat en 1998, habilitation à diriger des recherches en 2004, professeur des universités en 2005. « Je me suis alors posé la question d’une mobilité. J’avais l’opportunité de partir. Mais la qualité des étudiants dont je dirigeais les thèses, des conditions de travail et de vie qui me convenaient, m’ont incité à rester à Reims. »

Au cœur de la ‘‘machine’’ universitaire

Très vite, il s’implique dans le fonctionnement de la ‘‘machine’’ universitaire, prend diverses responsabilités, et devient vice-président de l’URCA, aux côtés de Richard Vistelle, en 2007, à l’heure de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (10 août 2007), « qui a transformé le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, et dont nous vivons encore le prolongement. Nous avons alors travaillé sur la politique de formation et les partenariats étrangers. Passionnant ! » De 2013 à 2016, il intègre le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), « où j’ai acquis une vision nationale de l’évolution des universités qui m’a permis, avec mon expérience à l’URCA, d’élaborer mon projet de présidence » – présidence de l’URCA à laquelle il est élu en 2016, à 47 ans.

Pendant deux ans, il s’emploie alors à rétablir l’équilibre financier de l’URCA, de façon structurelle – bref, à serrer la ceinture de l’université. « Tout l’établissement a joué le jeu pour réussir. » En même temps, il reformule le projet immobilier, re-spécialisant les campus, avec articulation autour de la formation et de la recherche.

« Incontestablement un temps fort de mon premier mandat, rendu possible par la mobilisation des acteurs locaux », c’est-à-dire notamment Arnaud Robinet, maire de Reims, Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims, Valérie Hatsch, sous-préfète de Reims, et Denis Conus, préfet de la Marne.

Un peu de solitude

S’il se retourne sur ses huit années à la tête de l’URCA, Guillaume Gellé met en exergue les 50 M€ obtenus dans le cadre de Programme d’Investissement d’Avenir et le partenariat de l’URCA avec l’Alliance Européenne INVEST aux côtés des universités de Nitra (Slovaquie), Plovdiv (Bulgarie), Thessalie (Grèce), Carélie (Finlande), Milan-Bicocca (Italie) et Cordoue (Espagne) – « à mes yeux, l’avenir est européen ». Plus largement, « en renouant avec la réussite, l’URCA est devenue chef de file de l’enseignement supérieur, sur son territoire, en Champagne-Ardenne ; 167 M€ de travaux effectués ou engagés sur les campus, en termes d’entretien et de sécurité notamment, sont conformes au respect dû aux étudiants et aux personnels ; notre dialogue social a également permis de conserver des campus et d’attirer de nouveaux personnels administratifs… »

« Il y a toujours eu, dans ma famille, l’idée que l’école permettait de s’élever, qu’elle était effectivement, en ce sens, un ‘‘ascenseur social’’. »

À peine regrette-t-il d’avoir perdu un peu de temps avec le rétablissement financier initial et la période Covid-19. « Sur le volet européen et international, on est parti un peu tard. On commence à lier des partenariats avec le Canada, le Japon, et nous avons un gros projet avec le Bénin. Mais le temps universitaire est long. Toute transformation est longue. C’est la vie… »

Etre président d’université – puis de France Universités – procède d’un engagement et d’un investissement forts, « qui n’ont été possibles que parce que ma vie personnelle me le permettait ». Avec pour corollaire, parfois, un peu de solitude. « Face à certaines décisions, qui peuvent l’engager personnellement d’ailleurs, un président d’université se retrouve seul. Il est conseillé, bien sûr, mais il est seul… »

L’avenir est à lui

Ce 21 mars sonnera la fin des deux mandats de Guillaume Gellé à la tête de l’URCA, le Code de l’éducation interdisant d’en effectuer trois successivement. « Lorsque je suis entré au Hcéres, on m’a fait remarquer que l’URCA était une université ‘‘bizarre’’, avec du potentiel, mais qui, du fait des alternances de président, avançait ‘‘en dents de scie’’. J’ai fait deux mandats, j’ai interrompu le processus ‘‘dents de scie’’, et j’espère que l’URCA poursuivra son chemin dans la continuité. Mais, en ma qualité de président de France Universités jusqu’en décembre prochain, il est bien évident que je travaillerai avec le nouveau président de l’URCA, quel qu’il soit. »

Après le 21 mars… « je n’ai rien prévu. Je m’étais engagé à aller jusqu’au bout de mon mandat et il n’était pas question de partir avant. Mais tout peut aller ensuite très vite. J’ai notamment candidaté au Hcéres. »

Alors, à lui les grandes balades nature dans cette Montagne de Reims où il réside et qu’il affectionne, la cuisine pour les amis, le jardinage (« autant de façons de s’évader, de penser à autre chose »), les arts premiers (n’a-t-il pas été nommé, en mars 2022, membre du conseil d’orientation scientifique du musée du Quai Branly - Jacques Chirac ?), les voyages (« qui m’ont manqué, faute de temps »)… Mais, jeune président d’université à 47 ans, jeune ex-président à 54 ans, l’avenir appartient à Guillaume Gellé. Un avenir qui, gageons-le, restera intimement lié à l’idée qu’il s’est toujours faite de cette école qui fait grandir.