Éric Hubert
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Éric Hubert

« Toqué » de cuisine.

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Photo d'Éric Hubert
À « La table d’Arthur », le maître cuisinier Éric Hubert dispose de deux salles de restaurant à mi-chemin entre la cuisine bistrot et la gastronomie. (Crédit : PR)

Après un parcours riche et parfois semé d’embûches, Eric Hubert est arrivé dans les Ardennes pour y prolonger sa carrière dans la restauration. « Après de nombreuses recherches, mon beau-frère qui réside ici m’a indiqué en décembre 2022 que La Table d’Arthur était en vente. Avec ma femme, originaire de Revin et associée à mon projet, on a très vite adoré l’endroit. L’affaire tournant bien et le style de cuisine étant proche de ce que j’aime faire, le facteur risque nous a paru limité. En plus, ce lieu revenait dans la famille, car le frère de ma femme avait créé en 1990 la pizzeria « Sous la voûte », dans la partie basse du même restaurant. C’est donc aussi une belle histoire sentimentale. »

Au service de plusieurs chefs étoilés à Paris

Fils d’un comptable et d’une professeure de violoncelle, Eric Hubert qui a aussi longtemps pratiqué la contrebasse, est vite passé au piano... en cuisine. « Mes parents voulaient d’abord que j’obtienne mon bac au lycée technique Albert Bouvet de Romans-sur-Isère. Aussitôt après, à 19 ans, grâce à mon oncle qui travaillait dans le Champagne et connaissait le chef d’hôtel du Ritz, j’ai eu le privilège de faire ma formation d’apprenti dans ce palace mythique, situé Place Vendôme à Paris et alors dirigé par l’homme d’affaires égyptien Mohamed Al Fayed. »

Contraint de partir à l’armée, Éric Hubert se retrouve au mess des officiers et sous-officiers du 35e Régiment d’Infanterie de Belfort. Il retrouve ensuite sa passion au sein du Relais Louis XIII, un deux étoiles Michelin, où il entame sa carrière professionnelle en 1987.

« C’était compliqué, au départ, d’œuvrer aux côtés du chef Manuel Martinez, Meilleur Ouvrier de France et passé auparavant à la Tour d’Argent. Il était très exigeant, à tel point que j’ai failli arrêter. In fine, grâce à mon entourage familial, j’ai tenu le coup. Même si j’en ai bavé, cette expérience m’a forgé le caractère. Le fait d’aimer les gens, de vouloir leur faire plaisir et de travailler de bons produits m’a permis d’avancer dans ce métier. »

Lors d’un stage au restaurant L’Apicius, un palais du XVIIIe, proche des Champs-Elysées, Eric Hubert se perfectionne au taillage et aux cuissons avec l’avant-gardiste Jean-Pierre Vigatto. À la Maison Michel Rostang, il côtoiera de grandes figures de la cuisine française comme Michel Chabran et Jean-Paul Lacombe tout en participant à de grands évènements : le dîner de clôture du tournoi de tennis Ebel au Casino de Deauville et les cocktails du Grand Prix de l’Arc de Triomphe. Son séjour dans la Capitale se termine en 1989 comme chef de partie à l’Hôtel Lutetia, tenu alors par la famille Taittinger et où exerçait le premier récipiendaire du Bocuse d’or, Jacky Fréon.

Au service d’un ambassadeur, puis 27 ans à Lyon

Changement total de décor en 1990. Eric Hubert met le cap sur Bruxelles. « Durant deux ans, j’ai été chef de cuisine détaché auprès de Jean Vidal, ambassadeur de France auprès des communautés européennes. Je devais préparer les repas privés en plus des déjeuners et dîners pour les conseillers diplomatiques. Après cela, j’ai été chef de partie au restaurant les « Brigittines » dans la capitale belge. »

Après un retour dans la Drôme pour une expérience de traiteur à Bourg-les-Valence, il revient en 1995 à Lyon où il va se tailler une solide réputation de maître saucier et de spécialiste du gibier et du poisson. Dans la cité rhodanienne, tout commence au Relais gourmand de Pierre Orsi, MOF 1972, puis comme second de cuisine à la résidence hôtelière de luxe, « La Reine Astrid » à côté du Parc de la Tête d’Or.

« Aimer les gens, vouloir leur faire plaisir et travailler de bons produits, c’est ce qui m’a permis d’avancer dans ce métier »

En 1997, Eric Hubert éprouve l’envie d’avoir son propre établissement et acquiert « Le pavé Saint-Georges » dans le vieux Lyon. « J’ai mis longtemps à y trouver mes repères avant que le guide Gault et Millau m’attribue une toque et la note de 13 sur 20. à partir de là, et grâce à d’autres critiques gastronomiques élogieuses, j’ai pu retourner une situation financière délicate et rester huit ans sur place avant de vendre. »

Par la suite, à cause de drames personnels, Eric Hubert, devenu en 2004 membre des Toques Blanches lyonnaises, se résout à servir à la brasserie « Les Trois Rivières » avec des temps aménagés lui permettant d’assurer l’éducation de ses deux enfants.

Retour à la normalité de 2008 à 2014. Suite à un appel d’offres, il devient chef associé des restaurants « Les Terrasses Saint-Pierre » au sein du Musée des Beaux-Arts et du Café Gadagne où il exerce aussi une activité de traiteur pour les grands mécènes. Enfin, il ouvre les portes de « Mon Bistrot à moi » sur le pôle des Brotteaux avant de devenir, en 2022, chef exécutif du restaurant « Les Saveurs du bistrot », référencé au Gault et Millau et au Guide du Routard. Son aventure lyonnaise se termine ainsi en beauté.

Ultime défi dans les Ardennes

Désireux alors de relever un dernier challenge en province, il devient « en attendant de faire le bon choix », auto-entrepreneur, conseiller culinaire, chef à domicile et expert en déjeunes d’affaires. C’est finalement à Charleville-Mézières avec son épouse, Françoise, qu’il entame un ultime défi. Entouré d’une équipe de dix personnes, dont l’ancien-cogérant et expert Pascal Oudéa, d’un pâtissier, d’un responsable de salle, d’un commis en cuisine, de trois serveurs, d’un chef de parti et de deux apprentis, Eric a repris ses habitudes à la tête d’un établissement qui sert 80 à 110 clients par jour et réalise un chiffre d’affaires de 800 000 euros. À la nouvelle carte, le chef a ajouté une spécialité lyonnaise, le saucisson pistaché à cuire avec des ravioles, ainsi que le lièvre royal.

Il s’attache aussi à travailler avec 70% de produits locaux en se liant, entre autres, avec la ferme du Lion d’Or à Jandun, la fromagerie d’Hargnies, la chèvrerie de Lonny-Bogny, le domaine de Vendresse pour ses truites, l’EARL Godefroy pour sa dinde rouge et Gaëlle Manceaux à Saint-Fergeux pour le safran. « Notre objectif est de maintenir l’activité telle qu’elle existait tout en la développant. Il est aussi envisagé de transformer une petite salle privative à l’étage en espace de réunion pour les chefs d’entreprise. »