Didier Fèvre
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Didier Fèvre

Toujours prêt à bâtir.

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Didier Fèvre, architecte urbaniste associé chez 5-Cinq, a participé à beaucoup de projets dans l’Aube comme celui du nouveau siège du Coq Sportif à Romilly-sur-Seine. (Crédit : NC)

S’il a toujours été intéressé par le monde du bâtiment, il n’a jamais pour autant souhaité reprendre l’entreprise de son père. « Depuis très jeune, j’ai voulu être architecte », se souvient Didier Fèvre. En 1985, avec en poche son diplôme de l’École spéciale d’architecture, il entre à l’Institut français d’urbanisme (IFU). « J’ai ensuite créé une agence avec mon ami de toujours, Jean-Luc Gaucher. Nous pensions que ni l’un ni l’autre n’avait la capacité de travailler seul. Il nous fallait un binôme pour pouvoir échanger et essayer de convaincre pour faire un projet qui soit le plus en adéquation possible avec ce que l’on pensait », fait-il valoir.

L’étude urbaine de Sainte-Savine, dans l’agglomération troyenne, sera la première opération de la SCP Fèvre et Gaucher. En 1991, les deux associés changent de statut et leur SARL se développe avec la création de deux agences, une à Paris, l’autre étant basée chez ses parents, à Troyes.

Entre 2000 et 2008, ils travailleront en Russie – en s’y rendant régulièrement – avec Konkor, basée à Moscou. « Je suis passionné par les différences de cultures. C’étaient huit ans assez magiques », relate-t-il. C’est en 2009 qu’ils reprennent, à Nogent-sur-Seine, l’ancien cabinet d’architecture Regnault. À partir de cette date l’agence comptera 20 à 22 personnes selon les périodes.

« Au bout d’un certain temps, on s’est aperçus que l’agence de 20 personnes était soit trop grosse, soit trop petite. On était un peu entre deux eaux. Ça nous a fait beaucoup réfléchir sur ce que devenait la profession », confie Didier Fèvre.

Et d’expliquer que, contrairement aux anglo-saxons, les agences d’architecture en France n’avaient pas la capacité de prendre des ingénieurs au sein de leur entreprise. Là où nos voisins traitaient le problème sur un projet global, à savoir l’architecture et l’ingénierie, en France il y avait les architectes d’un côté et les ingénieurs de l’autre. « L’ingénieur devait être indépendant de l’architecte », déplore-t-il, en ayant fait le constat que les bureaux d’études fusionnaient ensemble et avaient la capacité, que n’avaient pas les architectes, de créer des entreprises.

C’est ainsi que, face aux gros bureaux d’études, les cabinets d’architectes restaient des petites structures – plus de 5 000 personnes dans les pays anglo-saxons et beaucoup plus internationalement, jusqu’à 10 000 personnes en Asie par exemple.

« Avec la demande de plus en plus exigeante des maîtres d’ouvrages on s’est aperçu que si l’on continuait comme ça, la capacité des agences allait se réduire. On allait se faire dépasser par les bureaux d’études qui avaient une forte appétence pour l’entreprise que nous n’avions pas », explique l’architecte aubois.

Les associés ont alors réfléchi à une nouvelle organisation afin d’améliorer la compétitivité de leur agence d’architecture. En se basant sur l’exemple d’autres agences qui avaient commencé à se structurer de façon à intégrer un département d’ingénierie.

En 2009, ils signent un contrat pour la réhabilitation de la nouvelle ambassade d’Irak. L’ouvrage sera réceptionné trois ans plus tard. En 2012, Didier Fèvre part pour deux ans en Irak. « J’ai travaillé sur divers projets pour l’assemblée nationale irakienne, sur le ministère de l’éducation, à Erbil, au Kurdistan irakien », précise-t-il.

En 2020, ils fusionnent avec trois agences, un bureau d’études et un paysagiste concepteur, de façon à proposer aux maîtres d’ouvrages des projets étudiés globalement. Effectif en fin d’année, ce groupe de sept associés au départ passera à dix, dont quatre seniors et six juniors ayant « la capacité de reprendre l’agence au bout d’un certain temps ».

En 2021, l’agence reprendra le bureau d’études Exp’Bois, un bureau d’ingénierie en structure bois. Puis l’agence Zeta green, en 2022, spécialisée en éco-construction (béton de chanvre et charpente bois).

« Si l’on veut changer d’approche en architecture, il faut absolument penser biomimétisme, éco-construction, matériaux biosourcés, géo-sourcés, pour retrouver l’essence même de ce que peut être l’architecture aujourd’hui. »

« À savoir un respect de l’environnement, un respect de la nature et de la biodiversité », analyse Didier Fèvre.

Fort des compétences de cinq agences expertes dans les domaines de l’architecture, de l’ingénierie et de l’environnement, le regroupement baptisé 5-Cinq compte aujourd’hui près de 90 personnes. « Le développement externe n’est pas terminé puisque, en septembre prochain, on va se doter d’une autre agence d’architecture et d’un bureau d’études », annonce-t-il.

Rachat de Art’Ur

« En 2022, nous avons repris l’agence Art’Ur, basée à Paris et à Bordeaux, qui travaille sur deux secteurs particuliers, celui du loisir et celui du numérique », fait valoir l’architecte aubois. Cette agence a notamment construit des Center parcs en France et à l’étranger. Ainsi qu’un hôtel, en Asie. Un parc de loisirs au Danemark est actuellement en cours de travaux. « On a également deux projets de Center parcs en Chine. Nous sommes en cours de construction du parc aquatique du Futuroscope ».

La deuxième spécialité d’Art’Ur concerne la construction des HPC (High Performance Computing), c’est à dire le calcul haute densité, pour les entreprises de recherche : « Le calcul est au centre de la société. On parle beaucoup d’Intelligence Artificielle, tout ça est en train de changer et les PME s’intéressent de plus en plus au calcul itératif. Tout ce qui est organisationnel, prédictif, comme la météo, l’agriculture, la pharmacie ou encore la médecine, demande du calcul ».

Face à la rapidité d’évolution du numérique, les entreprises se tournent de plus en plus vers des services comme le développement de data centers, afin d’externaliser le stockage de leurs données. « Pour le calcul, c’est la même chose, on a développé un système modulable permettant à des entreprises de louer de la puissance IT. Pour cela, un projet est en cours de construction à Bruyères-le-Châtel, dans l’Essonne, un HPC de 40 mégawatts. Actuellement, beaucoup d’entreprises donnent du calcul en Asie et aux États-Unis, qui sont très en avance dans ce domaine par rapport aux Européens, déplore-t-il. L’indépendance numérique européenne est au cœur du sujet. »

Parmi les nombreuses réalisations de l’agence 5-Cinq, le CIME (Complexe International Multisports et Escalade) a – quant à lui – été terminé à temps pour les Jeux Olympiques Paris 2024. C’est le plus grand équipement d’escalade fixe de France et d’Europe (5 000 m²). Il est en outre doté d’une aire d’évolution sportive spécialement dédiée au para-sport. « Nous sommes très fiers d’avoir conçu cet équipement pour, et j’insiste sur ce point, tous les sportifs. »