Céline Savoye
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Céline Savoye

Une vie d’art et de design…

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Photo de Céline Savoye
Outre ses différentes fonctions, Céline Savoye a dirigé une collection d’ouvrages sur le design et est également jury dans le cadre de concours. (Crédit : ND)

Il y a souvent chez les personnes évoluant dans le milieu de l’art, une certaine grâce, une « élégance à la française » pourrait-on dire… En la voyant arriver dans le bar de l’hôtel où nous avons rendez-vous pour ce portrait, impossible de ne pas trouver chez Céline Savoye cette allure mêlant souci du détail et de l’esthétique. Son parcours professionnel aussi, a su combiner harmonie des compétences et des expériences. Car dès le plus jeune âge, c’est une forte appétence pour l’art qui guide le chemin qu’elle compte prendre. Elle date même très précisément ce moment où elle s’est dit qu’elle ne pourrait faire autre chose de sa vie. C’était à Paris, en 1992, lors de l’exposition « Design, miroir du siècle ».

Littéralement « envoutée » par ce qui est présenté sous l’étincelante coupole de verre du Grand Palais, elle est happée par cette scénographie d’un nouveau genre, où, à même le sol, les objets des plus grands designers sont présentés dans l’esprit d’une grande brocante. « C’est à ce moment-là que je me suis dit que je voulais créer des objets, réfléchir à leurs usages, et y imprimer ma marque », explique-t-elle. Un chemin qu’elle prendra sitôt son diplôme national supérieur d’Arts plastiques et de Design en poche, en décrochant un stage à Paris, chez la célèbre designer et architecte d’intérieure, Andrée Putman.

« Pendant neuf mois, j’ai intégré une équipe de stagiaires avec laquelle je travaillais sur des collections de mobilier. J’ai, à cette époque, beaucoup dessiné de meubles, d’assises, de rangements… Andrée Putman est très réputée pour son travail sur le noir et blanc. Son réaménagement de l’Hôtel Morgans à New York en 1984, où le mariage du carrelage noir et du carrelage blanc en damier est devenu sa griffe et le point de départ de multiples réalisations d’architecture intérieure. »

De son passage parisien auprès de cette grande dame, elle gardera un précieux conseil : « Soyez sincère ! ». « On peut tout mélanger, des matières, des couleurs, mais si on le fait avec sincérité, ça marche », retient-elle.

À l’issue de ce stage, Céline Savoye quitte la capitale pour Saint-Étienne où elle avait obtenu son Diplôme supérieur d’Art et de Design. Là, elle intègre la dynamique stéphanoise autour de la création de la Biennale internationale du Design comme commissaire générale adjointe puis comme commissaire générale. « On est appelé deux ans à l’avance pour travailler sur cet évènement majeur, pour lequel j’ai été amenée à parcourir de nombreux pays à la recherche de designers et de travaux à exposer. »

Avec pour thème, Civilisation de l’objet et enjeux environnementaux et Civilisation de l’objet et contrastes Nord / Sud, elle s’envole aussi bien pour les pays scandinaves que pour le Sénégal, le Gabon ou encore l’Afrique du Sud. « C’est ce que j’aime. Aller dans d’autres pays, apprécier leurs énergies, découvrir de nouvelles personnes et cultures et les mettre en lien. » Deux ans de travail pour 10 jours d’exposition à travers tous les lieux culturels de Saint-Etienne mais aussi des évènements en lien avec la Biennale dans les établissements scolaires, les centres sociaux et les entreprises.

Expérience tunisienne

Après ces quatre années consacrées à la Biennale, la Ville lui confie le poste de cheffe de projet de la Cité du Design, nouvel équipement destiné à la formation, la valorisation et la promotion du design à l’échelle internationale. « Pour ce poste, j’étais chargée du suivi du projet architectural et urbain ainsi que de la programmation culturelle et évènementielle avant l’ouverture du site. » Là encore, c’est à l’étranger qu’elle tisse des liens lui permettant de mener à bien ses missions. Tant et si bien qu’à force de travailler avec les services de l’État à l’étranger cela lui donne l’envie d’intégrer elle-même une ambassade.

C’est chose faite en 2008 où, au sein de l’Ambassade de France à Tunis, elle devient chargée de mission culturelle. Une expérience non seulement enrichissante mais aussi très marquante puisqu’elle intervient dans le contexte géopolitique du « Printemps arabe ». Si elle est « fière que le peuple tunisien ait pris son destin en main », l’instabilité du pays correspond également au moment où elle donne naissance à sa fille et où son conjoint se voit offrir une belle opportunité au Louvre Lens... ce qui précipite son retour en France.

« J’ai toujours essayé de conserver ma créativité. Que cela soit au service de créations personnelles ou dans mes différentes fonctions, dans l’organisation d’un festival, une exposition et au sein de l’ESAD de demain. »

Installée désormais à Arras, c’est comme cheffe de projet du partenariat tripartite entre le musée des Beaux-Arts d’Arras et le château de Versailles qu’elle ajoute une corde à son arc en organisant l’exposition « Roulez Carrosses ! ». « C’est sous l’impulsion du Président du château de l’époque, Jean-Jacques Aillagon, qui souhaitait rendre accessible la culture à tous, que nous avons monté cette grande exposition qui a fait venir 76 œuvres réparties sur 1 000 m2. On y trouvait six véhicules hippomobiles pour lesquels nous avions reconstitués de grands chevaux ; le carrosse du sacre de Charles X, des voitures du cortège de mariage de Napoléon, le char funèbre de Louis XVIII mais également des chaises à porteur, traineaux, tableaux et sculptures », détaille-t-elle.

Transmission des savoirs

Après s’être plongée intensément dans l’Histoire de France pour cette exposition, l’envie de revenir à plus de modernité la pousse à intégrer Lille-Design, plateforme de développement économique. Tout d’abord comme chargée de projets avec la création d’un club d’entreprises puis comme Directrice. Avec un budget de 450 à 800 000 euros, elle a alors pour mission de définir des orientations stratégiques en menant des partenariat public / privé dans la cadre de programmes européens pour faire la promotion du design « à la française ».

« Le but était de connecter des designers avec de grandes entreprises nordistes, comme Decathlon, La Redoute ou encore Leroy Merlin pour qu’elles intègrent dans leurs conceptions et productions des éléments de design ou des réalisations effectuées en partenariat avec des designers. »

En 2023, après 20 ans passés à mettre en lien les différents acteurs du monde du design, c’est l’envie de transmettre son savoir et d’animer une école qui la mènent à postuler pour le poste de Directrice de l’ESAD de Reims. Venue se présenter devant le jury avec un projet bien défini, mêlant ancrage dans le territoire et développement de la structure, elle est retenue pour mener à bien la transition de l’école et son implantation dans un tout nouveau site en 2025. « J’ai défendu le concept de l’école en mouvement », explique Céline Savoye.

« Cette école a été créée en 1748 et c’est une des plus vieilles de France. Elle doit donc s’appuyer sur son passé tout en se projetant dans l’avenir. C’est pourquoi je compte mettre en place l’alternance pour nos étudiants, qui en sont d’ailleurs très demandeurs. La relocalisation sur les Berges de Reims va permettre la réalisation de cette école pour tous, avec en plus, ce bâtiment totémique qui viendra la rendre très visible. »

L’ouverture aux Rémois fait aussi partie des ambitions de la nouvelle directrice grâce à la mise en place de formation continue et en alternance mais aussi de cours du soir et de conférences. « Il y a énormément de possibilités à explorer, dans la collaboration avec de nombreuses filières que ce soit le champagne, la gastronomie, mais aussi la filière bois ou encore le granit… L’art et le design permettent cette transversalité. »

Oser, toujours, pourrait être un des mantras de Céline Savoye qui, si elle dessine moins aujourd’hui, n’en a pas pour autant perdu sa créativité. « J’ai toujours essayé de conserver ma créativité. Que cela soit au service de créations personnelles ou dans mes différentes fonctions, dans l’organisation d’un festival, une exposition, dans la mise en relation de différents acteurs et au sein de l’ESAD de demain. »