Bruno Nahan
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Bruno Nahan

Il redonne des couleurs à la maille.

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Bruno Nahan dirige depuis 2015 l’entreprise auboise Bugis et depuis 2022 la société Maille Verte Vosgienne. (Crédit : NC)

Passionné par le dessin, c’est par « sécurité » que Bruno Nahan s’oriente en 1980 vers des études supérieures de gestion. En sortant de l’université Paris Dauphine et avec en poche un DEA Sciences des organisations, il entre dans la vie active en 1985. « Le DEA, diplôme d’études approfondies, offre une grande ouverture sur différents métiers possibles », explique-t-il.

Après quelques missions de conseil en marketing, il prend la responsabilité en marketing de la filiale française de la société italienne d’électroménager Ariston, présente un peu partout dans le monde. « J’ai eu la chance de partir pendant deux ans à Singapour. C’est très formateur, tant sur le plan professionnel que personnel », observe-t-il.

De retour en France en 1994, c’est grâce à cette expérience à l’export qu’il est embauché comme directeur commercial de Magimix, un fabricant français d’électroménager de cuisine. Avant d’en devenir le directeur commercial et marketing jusqu’en 1999. « Pendant cinq ans, j’ai bénéficié d’une expérience très enrichissante. J’avais un président très bon qui m’a appris beaucoup de choses. Le tout dans une structure à taille humaine. Cela aura son importance par la suite. » Puis il repart à l’étranger, en Italie, pour assurer la responsabilité d’une famille de produits.

« En 1999, j’ai pris la direction générale d’une société en France fabriquant des équipements de salles de bains. Cette société, – basée à Troyes, pour la petite histoire – avait été rachetée par Kohler, un groupe familial américain générant plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires », précise-t-il.

Pendant quatre ans, il aura ainsi l’occasion d’apprécier le management à l’américaine, où le formalisme est beaucoup moins important que dans les pays latins. « Vous pouvez discuter avec le président sans qu’on vous reproche d’avoir court-circuité la hiérarchie. Les groupes américains sont très process et l’on apprend une très bonne méthodologie de travail », apprécie-t-il.

En 2003, Bruno Nahan est embauché à Milan pour le groupe suédois Electrolux. Il est alors chargé de toute une ligne de produits liés aux équipements de jardinage. « Mais très vite, on m’a demandé de travailler sur la fermeture de sites de production en Italie pour la délocaliser en Asie. J’ai décidé de quitter l’entreprise au bout de deux ans seulement », regrette-t-il.

Il est recruté en 2005 par Mars, groupe Masterfood, pour s’occuper de nouvelles acquisitions que le groupe américain avait faites dans un domaine, pour le moins étonnant, celui des NAC (nouveaux animaux de compagnie), notamment l’aquariophilie. « Une société fabriquait des aliments pour poissons tropicaux, une autre des médicaments pour ces poissons, une autre des équipements électriques pour filtrer ou chauffer l’eau et une dernière des aquariums », se souvient-il.

Bruno Nahan s’occupera de ces quatre sociétés, en France, au Portugal, aux États Unis et en Angleterre. Une seconde fois, l’expérience tourne court car on lui demande de fermer l’usine française pour délocaliser la production.

Lassé de voir ces pratiques dans les grands groupes, consistant à ne pas annoncer la couleur au moment de l’embauche, Bruno Nahan souhaite alors absolument reprendre une activité dans une « boîte à taille humaine », une PMI, une PME.

En 2007, il a l’opportunité de devenir manager actionnaire minoritaire de Vauconsant, une société appartenant alors à des fonds d’investissement français et basée en Lorraine. « On pilote la société comme si c’était la nôtre. Cela apporte l’expérience de la PMI et apprend à être son propre patron », souligne le chef d’entreprise. Cette belle aventure professionnelle prend cependant fin lorsque le fonds d’investissement décide de vendre la société.

« J’avais sous-estimé le fait que la notion du temps du fonds d’investissement est complètement différente de celle de l’équipe. Pour les petites entreprises, le long terme, c’est 10-15 ans et pour le fonds d’investissement, c’est 4-5 ans maximum », reconnaît-il. L’offre d’achat des managers, conditionnée à un financement, ne fera pas le poids face à un concurrent proposant une offre cash et bien supérieure à la leur. La vente de ses parts permettra cependant à Bruno Nahan de réaliser une plus-value :

« Je vais alors chercher une structure à reprendre, cela prendra deux ans ».

Avant de pouvoir concrétiser son projet de reprise d’entreprise, il occupe de 2011 à 2014 un poste de directeur général salarié, une nouvelle fois dans le domaine de la cuisine professionnelle, chez Rosinox et Friginox.

Rachat de Bugis, dans la région de Troyes

En 2021, c’est grâce à un site en ligne mettant en relation cédants et repreneurs d’entreprise, qu’il a connaissance de la vente de la société auboise Bugis. Il n’a alors aucune expérience dans le textile. « C’est un vrai outil industriel, un vrai outil de production, c’est ce qui m’a d’abord plu. Moi qui avais vécu dans les grands groupes le dogme de l’arrêt de la fabrication en France pour la délocaliser là où ça coûtait le moins cher, j’avais vu les limites de l’exercice. Car, comme toute recette, ça peut marcher dans certains cas mais dans d’autres cas vous perdez votre savoir-faire, vous dépendez de sous-traitants qui sont éloignés. Et, l’insécurité sanitaire et géopolitique l’a montré, vous fragilisez votre chaîne d’approvisionnement », analyse Bruno Nahan, qui rachètera Bugis en 2015.

Pour le chef d’entreprise aubois, l’autre atout important de la société réside dans le fait qu’elle ne dépende pas uniquement du textile habillement. « Bugis a également une activité dans le textile technique. J’ai trouvé ça intéressant parce que ça permet de mieux accompagner les variations de cycles. Quand la mode baisse, le technique peut vous aider à sortir la tête de l’eau », sourit-il.

De plus, son intuition de pouvoir compter sur des gens engagés au sein d’une entreprise à l’esprit familial fera pencher la balance du bon côté. Aujourd’hui, sept ans après avoir repris l’entreprise de tricotage, il explique combien il était important de pouvoir s’appuyer sur les équipes en place pour un néophyte dans le domaine textile.

Maille Verte Vosgienne

En 2022, il reprend la société Maille Verte des Vosges. Rebaptisée Maille Verte Vosgienne – 31 salariés pour un chiffre d’affaires de 6,4 millions d’euros –, cette société possède son propre outil de teinture et d’apprêts mécaniques, et surtout une activité complémentaire à celle de Bugis (32 salariés et un chiffre d’affaires de 7,7 millions d’euros dans l’Aube).

« Outre le fait de doter Bugis d’un savoir-faire nouveau, Maille Verte Vosgienne nous donne un poids beaucoup plus fort dans les tissus techniques sur le marché français et européen. »

Depuis juin 2023, Bruno Nahan est président de la fédération française de la maille, de la lingerie, et du balnéaire. « Au-delà des sujets intéressants qui sont traités au niveau national, cela fait toujours plaisir de voir que, même si l’on n’est pas du sérail, on peut s’adapter et prendre la présidence de cette fédération ».