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Coutellerie champenoise : une vision affûtée des affaires

Artisanat. Voilà 20 ans que le Rémois Fabien Bourly est à la tête de la Coutellerie champenoise, plus grande boutique d’Europe de couteaux. Il possède également sept autres boutiques en France, huit sites internet et bientôt une usine de production à Thiers, dans le Puy-de-Dôme. Il a aussi organisé récemment la deuxième édition du salon coutelier « Fines Lames- Fines Gueules ».

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Photo de Fabien Bourly
Fabien Bourly tenant un couteau entièrement réalisé à l’atelier de sa boutique du 30 rue Colbert, à Reims. (Crédit : ND)

Il ne faut pas se fier à son attitude décontractée. S’il aborde son succès dans les affaires avec philosophie, Fabien Bourly est un passionné qui ne compte pas ses heures et ne manque pas d’idées. Sa passion des couteaux remonte à l’enfance, car s’il n’est pas issu d’une lignée de couteliers, en revanche, le travail du métal est une affaire de famille puisque son père et son frère sont à la tête des Métalliers champenois. « J’ai toujours aimé collectionner des couteaux, les dessiner et les fabriquer. »

Photo des produits de la Coutellerie
(Crédit : ND)

Mais avant de se lancer, jusqu’à ses 22 ans, c’est dans le VTT à haut-niveau qu’il s’épanouit, jusqu’à devenir champion de France. Et la passion, n’est jamais loin : « Dès que je gagnais de l’argent, je m’achetais des couteaux ! » se remémore-t-il en souriant. Après des études en Techniques de commercialisation, Fabien Bourly hésite sur la voie professionnelle à suivre jusqu’à ce qu’un coutelier rémois lui propose de s’associer à lui pour ouvrir une boutique, en 2004. L’associé revend ses parts en 2010.

« Pas la meilleure période car c’est à ce moment-là que les travaux du tram vont commencer. » La petite boutique de 16 m² de surface de vente et 4 m² d’atelier peine à trouver une clientèle. C’est pourquoi, en plus de la boutique, Fabien Bourly lance un site internet. Le premier d’une longue liste… La coutellerie combine alors deux activités : une de fabrication et assemblage (photo ci-contre), l’autre de revente. « Si nous effectuons environ 3 000 montages par an, en revanche, la création sur mesure est une part infime de notre activité. »

50% du chiffre d’affaires de l’entreprise provient de la vente en ligne

Car les demandes évoluent avec le temps et les modes. Aujourd’hui, l’ivoire d’éléphant étant interdit à la vente, c’est l’ivoire de mammouth qui s’achète à fort prix sur les marchés. Mais la grande tendance reste celle du couteau japonais de cuisine, « surtout depuis le covid ». « Ce sont des couteaux très demandés par les professionnels, la lame a un acier durable et surtout, il existe des formes différentes pour chaque usage culinaire. »

Et là encore, la vente en ligne fait exploser l’activité de la Coutellerie champenoise. « Alors que je n’y croyais pas top au début, aujourd’hui, la vente en ligne représente 50% de mon chiffre d’affaires », livre Fabien Bourly. Le site couteaujaponais.com représente aussi, à lui seul, 1 million d’euro de CA. Sept autres sites internet spécialisés de coutellerie mais aussi d’ustensiles de cuisine haut de gamme complètent l’offre de négoce.

En ce qui concerne les boutiques, là aussi le Rémois a essaimé un peu partout en France avec 7 autres points de vente dont deux à Paris et les autres à Lyon, Valence, Brest et Colmar. « La boutique de Valence, Maison Berthier, est la première que j’ai rachetée. Elle est particulière car c’est la première boutique de coutellerie en France, elle date de 1820. » Portable en main pour suivre l’activité commerciale en temps réel, Fabien Bourly précise : « On y a toujours vendu des couteaux et des biens exceptionnels. Chaque jour, il y a une vente à plus de 1 000 euros… Et c’est encore le cas aujourd’hui. »

Mais la progression du passionné ne s’arrête pas là car pour les 20 ans de la Coutellerie champenoise c’est un autre type d’activité qu’il souhaite développer : « Je souhaite revenir à la coutellerie traditionnelle. J’ai ainsi acheté des locaux à Thiers, grand bassin historique coutellier, 600 m² de surface de production pour y fabriquer des couteaux traditionnels, en petite série. » Ce qui sera une manufacture, entre l’artisanat et l’industrie devrait ainsi produire environ 600 couteaux à l’année. « On va commencer par fabriquer des rasoirs à l’ancienne grâce à de vieux fours », se réjouit d’avance Fabien Bourly.

Photo de Léonid
Dans l’atelier, Léonid effectue les différentes étapes de la fabrication d’un couteau : le traçage, la découpe, l’émouture, le guillochage, la trempe, le montage... (Crédit : ND)

« J’aime l’idée de créer un couteau avec ma propre vision de la coutellerie. » Avec des travaux encore en cours, et grâce à un investissement de 250 000 euros, il espère un début de production pour la fin de l’année 2024. Grâce à leur spectaculaire progression, les entreprises Bourly se sont vues décerner par les Échos, le titre de Champion de la croissance 2024. « Sous l’effet du covid, notre chiffre d’affaires est passé de 2,5 à 4,6 millions d’euros entre 2019 et 2022, et tout l’argent gagné a été réinvesti dans l’entreprise, dans le rachat de boutiques et dans l’ouverture de nouveaux sites internet de revente. » La coutellerie champenoise devient ainsi le « vaisseau amiral » de tout l’écosystème de l’entreprise, avec « des disponibilités de produits en 24 heures », précise le dirigeant.